Nous sommes en décembre 1981, pas un beau dimanche matin moi et mon frère (Iceman de la NCW) tombons par hasard sur l'émission des Super Étoiles de la lutte à Télé 7 Sherbrooke. Je me souviens uniquement d'une entrevue du regretté Pierre "Mad Dog" Lefebvre contre son adversaire du lendemain au Centre Paul-Sauvé Raymond Rougeau.

Le lendemain lundi (à cette époque il y avait gala chaque lundi soir au Paul-Sauvé) dans le Journal de Montréal il y avait une superbe annonce prenant la moitié d'une page qui annonçait le super gala des fêtes. La grande finale était le Géant Ferré contre Big John Studd et en demi-finale le champion Dino Bravo affrontait le terrible Abdullah the Butcher du Soudan ! Mon frère et moi avons passé notre journée du lundi à convaincre notre père d'aller voir ce gala. Je ne sais pas ce qui a finalement convaincu Gerry comme les amateurs se plaisent à l'appeler à la NCW lorsqu'il monte dans l'arène afin d'annoncer les combats, mais il a finalement plié tard en fin de journée.

J'avais 10 ans et mon frère 8, nous étions débordant de joie à l'idée de voir ces gladiateurs s'affronter devant nous. C'était une belle journée pas trop froide même si il avait neigé un peu. Nous avons donc pris la voiture jusqu'au métro Angrignon pour se rendre à notre destination au Métro Pie-IX. Mon père n'avait jamais été à cet endroit alors ce qui devait arriver arriva, pour ceux qui connaissent mon père vous aurez déjà compris que nous n'avons pas pris le bon chemin. Nous allions même en direction opposée du Centre Paul-Sauvé. Mais s'il n'existe plus aujourd'hui je pourrais facilement me rendre à son ancienne emplacement tellement cette soirée est marquée dans ma mémoire.

En effet nous avons fini par retrouver notre chemin et arriver un petit peu après le début du gala. Nous entendions les bruits de l'arène et les cris de la foule au travers des portes, nous étions au bord de l'extase, il ne restait plus qu'à se procurer des billets. Malheureusement pour nous le gala se déroulait à guichet fermé et notre retard nous avait coûté une place lors de ce gala. Je me souviens que le hall d'entrée était bourré de monde ce soir là et probablement que le groupe alors appelé Super étoiles de la Lutte (présenté par les promotions Varoussac) aurait pu présenter ce gala au Forum avec beaucoup de succès. Lutte Internationale allait venir un peu plus tard mais c'était l'époque où la lutte au Québec allait connaître un premier regain de vie depuis l'époque de Johnny Rougeau.

Nous étions déçus mais encore plus mordus de la lutte après cette expérience, nous ne manquions tout simplement pas l'émission de télévision du dimanche matin 11h00 tournée dans les studios de Télé 7 à Sherbrooke. Jusqu'à ce que nous possédions un magnétoscope quelques années plus tard, on peut compter sur les doigts d'une seule main le nombre d'émissions que nous avons ratées. J'ai par contre une collection impressionnante de cassettes audio des entrevues de cette époque. Je n'ai pas le temps d'écouter le tout régulièrement mais lorsque je m'y suis attardé, j'y ai découvert des façons de faire des entrevues et des tournures de phrases que nous avons utilisé à la NCW. Je peux réciter encore aujourd'hui deux de ces entrevues par cœur, je voudrais bien voir un amateur aujourd'hui seulement se souvenir des résultats de Raw le jeudi avant de regarder Smackdown.

Plus tard en collectionnant des cassettes VHS de lutte, j'ai réussi à trouver plusieurs heures de Lutte Internationale mais très peu de l'époque du studio de Télé 7. Je l'ai déjà mentionné ici, mais si une personne possède des enregistrements VHS de cette époque, écrivez moi le plus vite possible qu'on puisse s'arranger. Je me souviendrai toujours de deux histoires avec mon idole Ricky Martel: d'abord celle où il avait bu des œufs crus en demandant à son neveu (Kevin Martel) de le renier s'il ne réussissait pas à battre Billy Robinson au Forum. L'autre ce fut une attaque sournoise de Rick Valentine et Sailor White avec leur gérant Eddy Creatchman alors que Martel, champion du monde de la AWA, avait été pendu sur le bord de l'arène avec un support à vêtement. Visuellement terrifiant alors que Martel écumait de la bouche et semblait sur le point de mourir, je dois dire que le tout avait eu un effet bœuf sur mon imaginaire et aujourd'hui je comprends que j'ai eu la réaction escomptée par les promoteurs.

Nous rêvions à la journée que nous pourrions enfin voir un gala en personne mais comme les spectacles étaient le lundi et que nous avions de l'école le lendemain, il fallait attendre des vacances. La semaine de relâche au mois de mars 1982 avait donc été sélectionnée par mes parents qui allaient nous accompagner tous les deux. Mon père allait nous accompagner dans les années à venir et nous raconter les exploits de son idole Don Léo Johnathan. Ma mère, qui avait suivi le sport dans sa jeunesse comme la moitié de la province, n'y retrouva pas assez de plaisir pour revenir régulièrement, mais elle se laissait emporter encore plus que nous parfois, criant à Sailor White de crever. Que de souvenirs ! Durant ses belles années de la lutte au Québec jusqu'à la mort de Lutte Internationale nous allions à la lutte trois fois par année durant la semaine de relâche, pour le super gala d'été et le super gala des fêtes. Mais nous écoutions l'émission religieusement.

Revenons donc à cette première soirée de mars 1982, cette fois nous avions nos billets "ringside" achetés à l'avance (sixième rangée) et nous étions au Centre Paul-Sauvé de très bonne heure pour ne rien manquer de l'action. Le Centre Paul-Sauvé semblait construit pour la lutte, il n'y avait pas un mauvais siège dans l'aréna et, du moins dans mon souvenir, on aurait dit que les murs voulaient nous raconter les nombreux combats dont ils avaient été témoins. C'était le temple de la lutte au Québec.

Une soirée au Paul-Sauvé pour nous commençait par une visite à la table des souvenirs où on vendait macarons et photos pour 1$ ou 2$. J'ai encore chez moi toutes ces photos achetées au fil des années et ce sont les objets que je chéris le plus dans ma collection. Il fallait aussi acheter le magnifique programme avec une affiche au centre (ce soir là, il y avait le Géant Ferré en page couverture et Bravo et Brito au centre). Ensuite, nous prenions nos places en attendant le son de la cloche et le début du gala.

Le premier combat fut un combat sans vainqueur se rendant à la limite de 20 minutes entre Bobby Kay et un jeune à ses débuts qui allait faire parler de lui pour plusieurs années à venir : Mike Rotunda (IRS pour ceux qui se souviennent de lui seulement à la WWF). Les deux prochains combats je m'en souviens très peu, soit la victoire de Monsieur Hito contre Louis (pas encore le fermier) Lawrence et celle de Zarinoff Leboeuf contre Richard (pas encore le magnifique) Charland.

En effet, durant ces combats, mon frère et moi étions allés du côté des portes des vestiaires chez les vilains (à cette époque les bons et les méchants sortaient par deux entrées différentes et nous étions plus proche des méchants) afin d'obtenir des autographes. Je suis encore surpris que plusieurs de ces méchants nous aient signé notre livre d'autographes tout neuf, à l'époque où vendre son personnage était plus important que tout. Mon frère avait obtenu la signature de Greg Valentine et moi celle du Destroyer. Je peux dire que les deux jeunes freluquets qui allaient un jour faire vibrer les amateurs de lutte de la province quelques années plus tard furent très impressionnés par l'aventure.

Ensuite nous avons eu un combat entre Greg Valentine et Édouard Carpentier, c'était dans les dernières années d'Édouard et une des rares fois que nous avons pu voir le "Flying French Man" en action. Une des deux finales opposait The Destroyer contre le champion du monde de la WWWF Bob Backlund. Ce fut tout un combat avec plusieurs revirements et la foule, dont moi le premier, était beaucoup derrière Destroyer malgré qu'il soit un vilain, car c'était un lutteur local à temps plein contre le champion du monde. Dans mon souvenir c'était merveilleux, surtout que je ne savais pas d'avance que le Destroyer n'avait aucune chance de gagner la ceinture.

L'autre combat opposait la Connection Italienne Gino Brito et Tony Parisi contre Gilles "The Fish" Poisson et Sailor White les champions internationaux par équipe avec leur gérant le détestable Eddy Creatchman, le dieu des gérants. Un autre bon combat dans mon souvenir, toute cette soirée est ancrée dans ma mémoire comme un excellent souvenir et j'essaye toujours de retrouver ce même sentiment quand j'assiste à des galas de lutte aujourd'hui. Ce n'est pas facile mais c'est arrivé.

Je m'ennuie de cette époque insouciante où je ne savais pas comment la "business" fonctionnait derrière le rideau et je me concentrais seulement à me défouler et à avoir du plaisir. À cette époque je voulais y croire mais comme disait Jim Cornette, tu sais qu'il y a quelque chose qui cloche mais tu veux pas savoir vraiment ce qui se passe. Durant plusieurs années, j'ai suivi la lutte en essayant d'en découvrir le moins possible sur son réel fonctionnement. Je commençais à peine à m'ouvrir sur ce monde via les lettres de nouvelles comme l'Observer lorsque j'ai fait mes débuts comme arbitre à la NCW.

C'est à ce compter de ce moment que j'ai vraiment commencé à étudier et surtout découvrir la "business". Je pense que cela était une progression logique pour un amateur de lutte de mon époque. Après l'arrivée de la WWF et la disparition de la lutte locale, il fallait s'ouvrir au monde entier pour avoir assez de lutte et cela voulait dire se faire expliquer l'illusion par le magicien. Par contre j'ai toujours essayé de m'abandonner au plaisir du spectacle lorsque je vais voir un spectacle.

Je ne comprendrai jamais les amateurs qui assistent à un gala et qui sont incapables de se laisser aller. Le meilleur exemple, c'est le gars assis à côté de moi pour le combat de championnat du monde de la WWF entre les Quebecers et les Headshrinkers au Forum. L'excitation est à son comble, la foule est en délire et moi, personnellement, j'étais complètement "mark out" (redevenir un mark le temps d'un super angle ou super combat), il me donne un coup de coude et me dit qu'ils ne se sont même pas touchés. Non mais c'est tu pas effrayant de tuer le plaisir du monde comme cela, j'ai failli lui sauter dessus mais je suis simplement replonger rapidement dans mon monde de magie que créait ce combat.

En terminant, je ne sais pas pour vous, mais moi j'aurais aimé que la magie existe vraiment car j'avais beaucoup plus de plaisir lorsque je croyais en la magie comme lors de cette magnifique soirée de mars 1982.

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