MONTRÉAL - Quand Dominic Oduro est rentré au vestiaire après le match nul que l’Impact venait de soutirer au Crew de Columbus, samedi, un voyant lumineux clignotait sur la tablette de son casier. Il s’est emparé de son téléphone et a commencé à lire ses messages.

Il y avait des félicitations, et elles étaient de circonstance. Quelques minutes auparavant, Oduro avait créé l’égalité dans les arrêts de jeu pour permettre à son équipe de compléter une remontée de trois buts et de quitter l’Ohio avec un point inespéré.

Il y avait aussi de l’incompréhension, de l’incrédulité. Ceux-là l’ont bien fait rire.

« Tout le monde me disait : "Mais pourquoi n’as-tu pas lancé? Pourquoi as-tu passé le ballon?" J’ai bien dû recevoir 20 messages de la sorte! », s’amusait à raconter le Ghanéen après l’entraînement de lundi.

Les questions concernaient précisément un autre jeu clé réalisé un peu plus tôt par Oduro. À la 58e minute, alors que l’Impact venait à peine de retrouver un peu d’espoir grâce à un but de Didier Drogba qui portait la marque à 4-2 en faveur des locaux, Oduro a pris son envol sur l’aile droite, s’est complètement moqué du milieu de terrain Wil Trapp et a filé à toute allure vers le filet défendu par Steve Clark.

Tout comme ses amis qui allaient bientôt inonder sa liste de textos, trois défenseurs ont fixé Oduro dans l’expectative qu’il arme son pied droit et tente d’enfiler son quatrième but de la saison. Mais dans une brillante démonstration de vision et d’altruisme, le marchand de vitesse a plutôt envoyé une passe parfaite à Ignacio Piatti, qui implorait son coéquipier de répondre à son appel à l’entrée de la surface.

« De mon angle, le gardien m’avait fermé toutes les ouvertures. À ce moment, tout ce que je voyais, c’était un chandail blanc libre comme l’air, avec une belle ligne de passe, et je savais que c’était la meilleure option », décrivait Oduro, visiblement fier de son coup.

Les cyniques s’empresseront toujours de rappeler qu’Oduro est et demeurera reconnu pour son manque de finition près du filet adverse. Mais le flamboyant vétéran connaît le genre de saison qui finira par fermer le clapet de ses critiques les plus obstinés.

On le savait capable de marquer. Il a enfilé huit buts la saison dernière, sa première à Montréal, en plus de connaître des saisons de 13 et 12 buts lors de séjours précédents à Columbus et Chicago. Mais ses talents de passeur, qu’il exhibe avec brio depuis le début de la campagne, étaient mieux dissimulés.

Après dix matchs, Oduro revendique déjà quatre passes décisives, un sommet chez l’Impact. Deux d’entre elles ont servi à préparer un but gagnant. Sa prochaine lui permettra d’égaler un sommet personnel atteint il y a deux ans dans l’uniforme du Toronto FC.

S’il dit retirer aujourd’hui autant de satisfaction d’une passe payante que d’un but, Oduro admet que la jeune version de lui-même aurait tenté de secouer les cordages plutôt que d’alimenter Piatti samedi.

« Avec l’expérience vient la sagesse, a dit l’athlète de 30 ans. On pense plus à l’équipe qu’à sa propre personne. Quand on est jeune, on recherche cette gloire, mais quand on finit par comprendre l’essence du jeu, tout devient une question d’équipe. C’est dans la victoire que le caractère d’un joueur ressort. Et je suis ici pour gagner. »

« Dominic a appris à connaître ses limites comme joueur, mais aussi compris ses grandes qualités et comment il peut être efficace avec ces qualités », a noté l’entraîneur Mauro Biello au sujet de son polyvalent numéro 7.

Pizza et penalty

Dominic Oduro et Kei Kamara sont unis par une solide amitié. C’est donc avec prudence, mais avec un parti pris évident que l’attaquant de l’Impact a commenté la petite controverse qui a frappé le Crew de Columbus samedi.

À la 53e minute, le Crew s’est vu accorder un penalty après que Marco Donadel eut fait trébucher Justin Meram dans la surface. Kamara, qui avait marqué deux des trois premiers buts des siens, s’est alors emparé du ballon avec l’idée d’aller compléter son tour du chapeau, mais son coéquipier Federico Higuain s’est interposé en prétextant que l’honneur lui revenait. La scène, surréaliste, a nécessité l’intervention du capitaine Michael Parkhurst. Kamara a cédé et Higuain a finalement enfoncé le quatrième but du Crew, son deuxième du match.

« Vous savez bien que Kei est mon gars et oui, on en a parlé après la partie, a commenté Oduro. Mon opinion personnelle, c’est que logiquement, si un joueur désigné est en position de compléter un tour du chapeau, on devrait lui laisser l’occasion de le faire. Mais je le répète, ce n’est que mon opinion personnelle. Sinon, toutes les équipes ont habituellement un joueur affecté aux penaltys. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans ce vestiaire ou entre ces deux-là pour qu’ils soient en chicane, mais j’ai donné à Kei une pointe de pizza et ça lui a fait du bien. »

Ce qui semble certain, c’est que ce genre de situation ne risque pas de se produire chez l’Impact. Premièrement, la hiérarchie semble clairement établie entre Didier Drogba, Piatti et Patrice Bernier. Deuxièmement, cette belle brochette semble s’entendre à merveille.

Biello a d’ailleurs fait remarquer qu’avant de convertir lui-même un penalty à Columbus, Drogba avait offert à Piatti de le faire à sa place, une offre que l’Argentin a poliment refusée.

« Mais si jamais on menait par deux buts et que j’avais la chance de compléter un tour du chapeau sur penalty, je suis pas mal sûr que Didier viendrait me voir et m’offrirait de le prendre, suggère Oduro. C’est le genre d’esprit de corps qui règne ici. Je ne sais s’ils l’ont perdu là-bas, mais de toute façon ce n’est pas mon problème. »