Injustice ou reflet d’une situation corsée devenue inévitable pour les deux parties concernées? La question entourant la place occupée par Patrice Bernier au sein de l’effectif de l’Impact demeure épineuse.

La raison, elle, est fort simple. Comme ce fut le cas à plusieurs occasions en 2015, on lui a préféré un coéquipier, Eric Alexander cette fois, comme partant en milieu de terrain, et ce en dépit de l’absence d’un joueur régulier de la formation, Marco Donadel.

Ce nouvel affront a déplu à l’épouse du joueur québécois, et cette fois, c’en était simplement trop pour encaisser le coup sans broncher. Par l’entremise de sa page Facebook, cette dernière a employé les termes « vicieux » et « inacceptable », mercredi soir, afin de décrire le manque de sensibilité avec lequel a été gérée la situation de son mari depuis le début de la présente saison.

Un trop-plein de frustrations qui se devait d’être évacué.

Si le capitaine de l’Impact doit se heurter à une suite de décisions défavorables à son endroit de la part de l’entraîneur-chef Frank Klopas, sans doute était-il conscient, avant d’accepter de poursuivre l’association avec le onze montréalais en décembre dernier, que son rôle était appelé à changer jusqu’à un certain point.

Or, l’Impact entreprenait une période de transition, tant sur la pelouse que dans les bureaux administratifs.

« La direction lui avait exposé lors des dernières négociations contractuelles que son temps de jeu allait diminuer, mais je suis persuadé qu’il ne s’attendait pas à voir son rôle changer aussi drastiquement », affirme l’analyste et ancien joueur de l’Impact Patrick Leduc.

« On a greffé à l’équipe Nigel Reo-Coker et Marco Donadel, deux joueurs bien payés, pour évoluer à la même position que lui. Ce n’est pas étonnant que les instructeurs fassent tout en leur pouvoir afin qu’ils contribuent aux succès de l’équipe, puisque s’ils réussissent, ça reflète bien sur la direction », argue-t-il.

Une qualité de jeu sous-estimée

Incidemment, le no 8 de l’impact, l’un des visages marquants de l’équipe depuis son entrée en MLS, doit continuer de prendre son mal en patience, avec le lot d’insatisfactions que ce purgatoire peut engendrer.

« J’imagine qu’on rationnalise tout cela en affirmant que pour l’avenir du club, c’est préférable de tourner la page et de laisser une deuxième chance aux autres. C’est certainement injuste lorsque l’on considère que le rendement de Reo-Coker n’est pas supérieur à celui de Bernier », constate Leduc.

Patrice Bernier« Ses qualités sont sous-estimées par Klopas. Son style de jeu est différent de Reo-Coker. Je crois qu’on lui reproche son rendement défensif et le fait qu’il prend trop de risques. Mais en réalité, on l’a tellement peu laissé jouer que c’est difficile de juger avec certitude ses capacités réelles. »

Tandis qu’on découvre peu à peu que l’entente octroyée à Patrice Bernier était en quelque sorte une police d’assurance et une reconnaissance des loyaux services rendus, on s’aperçoit aussi que la marge de manœuvre dont il dispose en cas d’erreur est plus limitée que celle de Donadel, et à moindre échelle, que celle de Reo-Coker.

« C’est là que Frank Klopas fait erreur à mon avis, de privilégier un joueur (Reo-Coker) qui n’a pas le logo de l’impact tatoué sur le cœur. Il faut dire que l'instructeur n’est pas un grand communicateur non plus, et ce n’est rien pour aider. »

Un nouveau départ? Pas à n’importe quel prix

D’un côté, son désir ardent de voir le club atteindre de nouveaux sommets. De l’autre, la possibilité d’un nouveau départ ailleurs alors que le temps presse à l'automne de sa carrière de joueur. Une avenue que Patrice Bernier n’écarterait pas, selon Patrick Leduc.

« Il est fouetté par la tournure des événements, et si le contexte est le bon, il ne refuserait pas la chance de faire la preuve qu’il peut encore être efficace à ce niveau de jeu », suggère-t-il.

 « Cependant, il ne peut pas se permettre d’être négatif au quotidien, car ce genre d’attitude traîne l’équipe vers le bas. Ça fait une situation complexe à vivre car il y a beaucoup de frustration accumulée, mais en même temps, au sein d’une équipe compétitive cette saison, il a un message positif à livrer en tant que porte-parole du club auprès des partisans et des membres des médias », relativise-t-il.

Véritable emblème du FC Barcelone pendant près de deux décennies, l’Espagnol Xavi Hernandez, lui aussi âgé de 35 ans, avait été placé dans une situation comportant des similitudes frappantes en rapport à celle du capitaine montréalais. Le milieu de terrain et le club barcelonais avaient établi un compromis satisfaisant pour tous et chacun.

 « Je ne peux m’empêcher de faire un lien avec Xavi. Après avoir tout raflé avec son club, il était question d’un départ imminent pour ce vétéran ralenti par le temps. On parlait d’une signature au Qatar ou en MLS. Mais les entraîneurs ont plutôt décidé de le garder, même amoindri dans ses capacités, en raison de son expérience et de l’influence qu’il exerce dans le vestiaire. Il continuait cependant d’avoir son mot à dire dans le jeu, et c’est ainsi qu’on aurait pu utiliser Bernier », argue Patrick Leduc.

« Je crois que c’est justement le genre d’attentes que Patrice avait à l’approche de la saison. De savoir que sa contribution, même si elle ne s’étale plus sur 90 minutes, apporte quelque chose de substantiel à l’équipe. Présentement, ce n’est pas le cas, et ça le déçoit. »

Beaucoup peut changer en trois mois

Tant Bernier que les décideurs de l’Impact devront poursuivre leur chemin sur ce terrain glissant au moment où l’Impact dispute en août le mois le plus chargé de son calendrier en MLS.

« Ce serait une mauvaise idée, à ce point-ci, de se lancer dans une transaction de dernière minute. Pour lui, s’il est appelé à quitter Montréal, il faut que ce soit une décision réfléchie en fonction de ses intérêts pour l’an prochain. Veut-il jouer autre année? Si ça devait se concrétiser, est-ce qu’un autre club en MLS lui conviendrait, ou serait-il tenté par un séjour en NASL par exemple? C’est l’une des options s’offrant à lui advenant une éventuelle rupture avec l’Impact », convient-il.

D’ici là, les aléas de la campagne du onze montréalais et une pléiade d’imprévus – les blessures et le rendement du club par exemple – pourraient venir à tout moment chambouler le portrait de la formation partante de l’Impact en milieu de terrain durant les trois prochains mois.

« Je persiste à dire que c’est une décision qui devra se prendre seulement à la conclusion de la saison. Il ne faut pas perdre de vue qu’il reste plusieurs mois d’activités. Des matchs de soccer d’une grande signification avec des implications en vue des éliminatoires, il y en aura entre août et octobre. Il peut se passer énormément de choses. »