ULSAN, Corée du Sud (AFP) - Sur un stade de Buenos Aires, un soir de septembre 2001, le sélectionneur brésilien Luiz Felipe Scolari interrompt ses joueurs au milieu d'un entraînement à la veille d'une rencontre capitale pour la qualification au Mondial de soccer.

Il leur fixe clairement sa priorité: empêcher les Argentins de passer la ligne médiane, "par n'importe quel moyen".

Au pays des attaquants rois, de l'amour du spectacle, cette consigne, faite à voix haute devant les journalistes brésiliens, est pire qu'une provocation. C'est une insulte. Quand la Seleçao s'incline le lendemain (2-1), la presse et l'opinion brésiliennes se déchaînent. La popularité de Scolari s'effondre, moins de deux mois après sa nomination.

Quatrième entraîneur de la Seleçao depuis le Mondial 1998, Scolari a été nommé sans enthousiasme, avec comme principal argument son honnêteté dans un soccer brésilien gangrené par la corruption. Un an auparavant, il avait refusé le poste au motif "que la moitié des journalistes et des personnes concernées n'aimeraient pas me voir à la tête de la sélection". Il était loin du compte.

L'affaire Romario n'arrange pas les choses. Malgré les exhortations du public entendues jusqu'au festival de Rio, malgré l'intervention du président Fernando Henrique Cardoso, malgré les larmes de Romario, Scolari n'emmène pas en Asie l'enfant chéri du pays.

"Imbécile"

Pour le Jornal dos Sports, "Felipao" devient l'"ennemi public numéro un". Juste un "imbécile" pour les supporteurs qui l'attendent à l'aéroport pour l'insulter.

Pourtant, Scolari, après une médiocre carrière de défenseur rude, est un entraîneur qui a glané des titres, notamment deux Copa Libertadores avec Gremio (1995) et Palmeiras (1999). Mais son style de jeu ne peut pas plaire aux Brésiliens. Pas plus que ses manières un peu hautaines face aux critiques.

Certes, Scolari a tenté de séduire. Juste après sa nomination à la place d'Emerson Leao, il assure vouloir insuffler à l'équipe, un "style Guga", le spectaculaire tennisman, star au Brésil. Mais le Brésil, qui n'en avait perdu qu'un dans son histoire, perd six matches qualificatifs, frisant parfois le ridicule.

Récemment Scolari a semblé répondre aux attentes en annonçant la titularisation de quatre joueurs à vocation très offensive: Ronaldo, Ronaldinho Gaucho, Rivaldo et Juninho Paulista. Mais c'est trop tard.

Il fixe comme objectif une demi-finale. "Si elle ne remporte pas la Coupe du monde, la sélection reviendra au pays sans entraîneur", lui répond La Folha de Sao Paulo.

En 1998, un autre entraîneur était étrillé par sa presse et son public. Il s'appelait Aimé Jacquet...