MONTRÉAL – La carrière au football d’Antony Auclair aurait pu être bien différente s’il n’y avait pas apporté un changement majeur en 2012.

Après avoir été quart-arrière depuis l‘âge de 12 ans, le Beauceron a décidé de poursuivre son cheminement au niveau collégial au poste de receveur. C’est une invitation à un camp de l’Université Buffalo comme receveur et ailier rapproché qui a convaincu Auclair qu’il était mieux de réorienter sa carrière lors de sa dernière année avec les Cougars de Champlain-Lennoxville.

Maintenant qu’on parle du joueur du Rouge et Or de l’Université Laval comme d’un possible espoir au repêchage de la NFL, ce changement s’est avéré très payant pour lui.

« On peut presque dire que j’ai commencé à jouer au football quand j’ai changé de position. J’aimais le football quand j'évoluais comme quart-arrière, mais je n’ai jamais vraiment eu l’impression que je jouais au football avant que je ne change de position. Comme ailier rapproché, tu touches à tout », a raconté l’étudiant-athlète de six pieds six pouces et 254 livres lors d’un généreux entretien téléphonique avec le RDS.ca.

Auclair est un joueur unique dans le football universitaire canadien. Ailier rapproché polyvalent, le coordonnateur offensif du Rouge et Or, Justin Éthier, l’a utilisé à toutes les sauces. Tantôt centre-arrière, parfois comme receveur, mais majoritairement comme ailier rapproché, le numéro 81 de l’Université Laval a fait autant mal avec ses blocs que ses attrapés durant sa carrière de quatre ans au niveau universitaire.

Hugo Richard et Antony AuclairDeux conquêtes de la coupe Vanier plus tard, dont la plus récente il y a moins d’un mois, Auclair met maintenant le cap sur sa carrière professionnelle. Cela avait toujours été l’un de ses rêves. Il se souvient même d’une anecdote de jeunesse qui était peut-être une prémonition tout compte fait.

« Avant même que je commence à jouer au football, je regardais un match de la NFL avec mon père. Je m’étais tourné vers lui et je lui avais dit que c’était ce que je voulais faire plus tard. Je devais avoir six ou sept ans. Mon père était parti à rire. Mais maintenant, ça pourrait arriver », a relaté celui qui a capté six passes, dont une pour un touché, pour 70 verges de gains à la Coupe Vanier.

La réputation d’Auclair n’est plus à faire au Canada. Il est maintenant à s’en bâtir une aux États-Unis.

Une dizaine d’équipes de la NFL s’intéressent déjà à lui. La semaine dernière, ce dernier a obtenu la confirmation qu’il était invité à la Classique Shrine qui regroupe les meilleurs espoirs de la NCAA en vue du repêchage.

C’est lors de la semaine de cet évènement tenu en janvier à Tampa que le Québécois Laurent Duvernay-Tardif avait écarquillé les yeux de beaucoup de dépisteurs de la NFL en 2014. Comme celui qui est le garde partant des Chiefs de Kansas City, Auclair est représenté par l’agent Sasha Ghavami.

Après la Classique Shrine, Auclair conduira son propre Pro Day, probablement au mois de mars, comme LDT l’avait fait. En 2014, Duvernay-Tardif avait accueilli neuf équipes de la NFL à Montréal pour montrer son savoir-faire dans ce qui s’avérait le premier Pro Day à être tenu au Québec.

Auclair pourrait attirer encore plus l’attention que l’ancien des Redmen de l’Université McGill puisqu’il présente plusieurs aspects qui cadrent bien avec les attaques de la NFL. D’ailleurs, un article d’ESPN le plaçait parmi les 10 joueurs évoluant au Canada à surveiller pour faire le saut dans la NFL en 2017. Il était le seul qui ne portait pas les couleurs d’une équipe de la LCF.

En plus de son gabarit, Auclair excelle dans le blocage comme ont pu s’en apercevoir ses adversaires lors des percutants blocs encaissés au cours des quatre dernières années. Sa technique est impeccable, ce qui n’est pas toujours le cas chez les ailiers rapprochés. Un autre point qui pourrait l’aider, c’est le fait que les attaques dans les universités américaines préconisent un style où les ailiers rapprochés sont beaucoup moins présents.

« Beaucoup d’universités de la NCAA jouent ce qu’on appelle le spread avec trois ou quatre receveurs. Il y en a beaucoup moins qui utilisent une attaque de style professionnel avec un centre-arrière et un ailier rapproché », a fait remarquer le directeur du personnel du Rouge et Noir d’Ottawa, Jean-Marc Edmé.

« C’est pour cette raison qu’il attire les regards. Il y a de moins en moins d’ailiers rapprochés qui sortent des rangs universitaires américains. Les équipes de la NFL utilisent encore une attaque typique professionnelle. Des ailiers rapprochés qui peuvent bloquer, il n’y en a plus autant qu’avant », a ajouté celui qui parcourt le Québec et l’est des États-Unis pour épier les espoirs universitaires.

« Ce qu’ils aiment, ce sont mes blocs et ma technique que j’utilise pour les faire. Ils sont surpris de cela. C’est rare des ailiers rapprochés dans la NCAA qui sont impliqués dans les blocs avec la façon dont les attaques fonctionnent. Ils aiment aussi mon agressivité sur le terrain », a mentionné Auclair qui a eu une discussion de trente minutes avec un dépisteur de la NFL après un entraînement du Rouge et Or cet automne.

La Classique Shrine déterminante

Les célébrations de la victoire à la Coupe Vanier furent de courte durée pour Antony Auclair.

Après une semaine de vacances, il a repris l’entraînement pour se préparer à la Classique Shrine, une semaine qui pourrait décider de son avenir dans la NFL.

Toutes les formations du circuit Goodell seront représentées à cet évènement qui comprend une semaine d’entraînement suivie d’un match entre les formations de l’Est et de l’Ouest. Étant donné qu’ils n’évoluent pas dans la NCAA, Auclair devra démontrer aux dépisteurs et dirigeants de la NFL qu’il peut rivaliser avec les meilleurs joueurs universitaires américains.

« Je veux prouver que tout ce qui entoure cette semaine ne m’affectera pas. Certains joueurs vont arriver là-bas et vont être impressionnés. Je ne veux pas l’être. Je veux montrer que je suis capable de m’adapter à tout cela et que je suis fort mentalement. [...] À la fin de la journée, ce sont des joueurs de football eux aussi. Il faut montrer qu’on est capable de jouer avec eux », a convenu celui qui a terminé la saison régulière avec 17 réceptions pour 229 verges en 2016.

« Il a bloqué des secondeurs et des joueurs de ligne défensive du football universitaire canadien. Les équipes veulent voir s’il est capable de faire la même chose contre les gars qui jouent dans le Big 10 et d’autres grosses universités », a indiqué Edmé qui sera présent encore une fois cette année à la Classique Shrine.

« Laurent Duvernay-Tardif paraissait comme un joueur de ligne offensive qui avait joué à Michigan State au Shrine. Il était aussi bon que les joueurs qui ont joué dans de plus prestigieuses universités. C’est la même chose pour Antony qui doit montrer qu’il peut jouer à ce niveau », a-t-il ajouté.

Mais Edmé, qui a fait découvrir Auclair à quelques dépisteurs de la NFL durant l’automne, croit que tout joue en faveur d’Auclair pour percer dans la NFL étant donné qu’il est un excellent bloqueur et qu’il a de bonnes mains pour capter des ballons. Auclair peut aussi jouer sur les unités spéciales, particulièrement sur les retours où ses aptitudes de blocage peuvent être mises à profit. Il ne lui reste plus qu’à le démontrer durant la semaine de la Classique Shrine.

« La façon dont il va performer au Shrine sera un tournant parce que la compétition sera meilleure. Il est très intelligent et confiant. Physiquement, il a les atouts pour que les équipes de la NFL l’observent. La Classique Shrine sera donc très déterminante pour savoir s’il va se faire repêcher ou même inviter dans un camp », a expliqué Edmé qui croit que les équipes pourraient exploiter des confrontations inégales avec Auclair au poste d’ailier rapproché.

La Beauce avant le Tennessee

Antony Auclair ira effectuer une visite éclair dans sa famille en Beauce lors du temps des Fêtes lui qui est natif de Notre-Dame-des-Pins. Il prendra quelques jours pour se ressourcer en compagnie entre autres de son frère Adam avec qui il a gagné la coupe Vanier le 26 novembre dernier, un « moment spécial » puisque c’était la première fois de leur vie qu’ils évoluaient dans la même équipe.

Le 30 décembre, Auclair mettra le cap vers le Tennessee où il ira s’entraîner avec le préparateur physique Charlie Petrone, le même qui supervisait Laurent Duvernay-Tardif en 2014 et l’ancien coéquipier d’Auclair à Laval, Charles Vaillancourt, l’an dernier.

Auclair voudra conserver le même poids pour être « pesant » lors de la Classique Shrine tout en améliorant sa vitesse. En mai dernier, lors du Défi Est-Ouest, l’ailier rapproché a couru un 4,84 lors du sprint de 40 verges ce qui est dans la moyenne à sa position.

Antony AuclairIl travaillera aussi avec un entraîneur de position pour parfaire ses techniques de blocage et aussi pour capter quelques ballons. Il veut aussi s’accoutumer au ballon de la NFL qui est légèrement différent de celui au Canada.

Durant sa préparation, Auclair pourra aussi demander conseil à Duvernay-Tardif. Les deux hommes se sont parlé durant l’automne lorsqu’un dépisteur des Chiefs est venu assister en personne à la Coupe Dunsmore.

Depuis l’annonce que des équipes de la NFL l’avaient dans leur mire, Auclair a reçu beaucoup d’appui des amateurs de football québécois. Il est très touché du geste et espère qu’il pourra aller rejoindre Duvernay-Tardif dans le meilleur circuit de football au monde.

« Je suis très flatté. C’est là qu’on voit qu’il y a beaucoup de Québécois qui suivent le football. On voit que le monde est vraiment fier des joueurs qu’il y a au Québec », a estimé le sympathique colosse.

La Classique Shrine aura lieu du 16 au 21 janvier 2017. Auclair est le sixième étudiant-athlète de l’histoire du Rouge et Or a participé à cet évènement après Charles Vaillancourt, Arnaud Gascon-Nadon, Étienne Légaré, Éric Maranda et Carl Gourgues.