La boxe québécoise a réitéré son importance sur la scène internationale en 2018
Boxe samedi, 29 déc. 2018. 08:17 mercredi, 11 déc. 2024. 09:49MONTRÉAL – La boxe québécoise a réitéré son importance sur la scène internationale en 2018 en voyant deux des siens devenir champions du monde, mais comme cela avait été exactement le cas l’année dernière, les tiraillements à l’extérieur du ring ont été régulièrement d’actualité.
Après Adonis Stevenson et Artur Beterbiev, Eleider Alvarez s’est emparé d’un titre chez les poids mi-lourds – celui de la WBO – en passant le knock-out à Sergey Kovalev au septième round le 4 août, alors qu’il accusait un retard – délibéré – de 59-55, 59-55 et 58-56 sur les cartes des trois juges. Alvarez a laissé Kovalev s’épuiser avant de l’envoyer au tapis trois fois au septième round.
Aspirant obligatoire à la ceinture du WBC de Stevenson depuis novembre 2015, le Montréalais d’origine colombienne n’a pas raté la chance offerte par Kovalev, qui devait affronter Marcus Browne avant que l’Américain ne soit arrêté pour violence conjugale. Alvarez et Kovalev se retrouveront le 2 février prochain à Frisco, au Texas, pour une revanche extrêmement attendue.
La Belle Province comptait ainsi trois champions simultanément – dans la même catégorie par-dessus le marché! – pour la première fois de son histoire. Il aurait pu y en avoir quatre en même temps si Marie-Ève Dicaire avait été sacrée avant que Stevenson ne soit vaincu le 1er décembre.
Dicaire a conquis le cœur des amateurs en battant Chris Namus par décision unanime (97-93, 97-93 et 96-94) pour mettre la main sur le titre des super-mi-moyennes de l’IBF et devenir la 18e championne de l’histoire du Québec, mais beaucoup plus significatif encore, la 1re femme.
L’athlète de Saint-Eustache a connu une année formidable en remportant quatre combats. Elle aurait dû affronter la détentrice du titre du WBC Ewa Piatkowska en mai, mais la Polonaise s’était finalement tournée vers une rivale plus faible pour son retour après 17 mois d’absence.
Dicaire n’a cependant pas été en mesure de célébrer son triomphe comme il se doit, parce que Stevenson s’était fait passer deux heures plus tôt un terrible knock-out par Olekasandr Gvozdyk au 11e round. Le champion menait aux points au moment de l’arrêt, mais connaissait une baisse de régime depuis la mi-combat et l’aspirant en a profité. Stevenson a par la suite été transporté à l’hôpital avant d’être plongé dans un coma artificiel pendant environ trois longues semaines.
Stevenson a subi un traumatisme craniocérébral grave et aura « probablement » des séquelles, a dit le docteur Alexis Turgeon, médecin spécialiste des soins intensifs de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec où repose le Blainvillois, dans un court bilan de santé effectué le 5 décembre. Dans une entrevue accordée à La Presse la veille de Noël, la famille du boxeur a révélé que les choses vont de mieux en mieux et qu’il n’avait plus besoin d’assistance mécanique pour respirer.
Champion comptant le plus long règne de la boxe professionnelle, il avait précédemment réussi sa neuvième défense en arrachant un verdict nul majoritaire (114-114, 114-114 et 113-115) à Badou Jack au terme d’un des meilleurs duels présentés sur la scène canadienne en mai à Toronto. Stevenson avait révélé être ennuyé par une grippe et vouloir disputer un deuxième choc d’ici la fin de l’année pour la première fois depuis 2015 pour effacer tout doute à son sujet.
Une semaine avant la défaite de Stevenson, Jean Pascal a combattu en championnat du monde, mais le résultat n’a pas été celui espéré, car il s’est incliné devant le champion des mi-lourds de la WBA Dmitry Bivol par décision unanime (119-109, 119-109 et 117-111) à Atlantic City, au New Jersey. Pascal était précédemment sorti de sa retraite en juillet pour affronter Steve Bossé – qu’il a battu par arrêt de l’arbitre au 8e round – dans un freak show qui a été un fiasco financier.
Il est très facile à oublier puisqu’il ne s’est battu qu’une fois cette année – en octobre à Chicago –, mais Beterbiev a conservé sa ceinture de l’IBF en passant le knock-out à Callum Johnson au 4e round. Le Montréalais d’origine russe s’est offert une frousse en visitant le plancher au 2e assaut, sauf qu’il a démontré sa supériorité en achevant le Britannique avec une droite à la tête.
Beterbiev aurait normalement dû remonter dans l’arène le 15 décembre pour se mesurer à l’ex-champion Joe Smith fils, mais il a jugé qu’il avait besoin de plus de temps pour se préparer. Aux dernières nouvelles, ils sont censés croiser le fer le 22 ou 23 février, mais rien n’a été annoncé.
Si Beterbiev a connu du succès au plan sportif, c’est tout le contraire au plan judiciaire, alors que le juge Frédéric Blanchard la Cour supérieure n’a pas donné suite à sa demande d’invalider le contrat qui le liait à Groupe Yvon Michel (GYM) en raison de non-respect d’engagements en juin.
De premières embûches pour Eye of the Tiger Management
Les triomphes d’Alvarez et Dicaire ont permis à GYM de reprendre du poil de la bête après des années difficiles, alors qu’Eye of the Tiger Management (EOTTM) a connu les premières vraies embûches de son histoire à la suite de cruels revers au chapitre sportif et de guerres intestines.
David Lemieux avait réussi à faire oublier sa défaite devant Billy Joe Saunders en décembre dernier en battant Karim Achour en mai et Gary « Spike » O’Sullivan en septembre, mais son combat contre Tureano Johnson prévu en sous-carte de Saul « Canelo » Alvarez-Rocky Fielding le 15 décembre n’a pas eu lieu en raison d’inquiétants étourdissements en marge de la pesée.
C’était la troisième fois depuis le commencement de sa carrière que Lemieux ne respectait pas ses obligations avant un duel et tout indique qu’il évoluera désormais chez les super-moyens, où ses chances de succès sont nettement moins évidentes qu’elles ne l’étaient chez les moyens.
Ce scénario avait été évoqué après le combat contre Achour où Lemieux avait affiché un poids de 162 livres, mais l’attrait d’un lucratif choc face à « Canelo » avait mené à maintenir le statu quo. Même si Alvarez a fait une incursion chez les super-moyens pour son combat contre Fielding, il est quasi-assuré qu’il n’affrontera pas Lemieux en mai ou septembre l’an prochain.
En octobre, la belle histoire de Kean s’est arrêtée, alors qu’il s’est fait passer le knock-out par Dillon Carman à Québec. Kean avait démontré des signes de faiblesse contre Alexis Santos en février à Shawinigan, mais semblait s’être repris face à Ignacio Esparza et Adam Braidwood. Kean s’est fait discret depuis sa défaite, mais il a dit vouloir la venger à son retour dans le ring.
Devenu premier aspirant au titre des mi-moyens de la WBO après sa victoire sur Stephen Danyo en mai à Québec, Custio Clayton a ensuite étonnamment refusé de signer un contrat de trois combats d’une valeur d’un demi-million de dollars avec Top Rank en vue d’une rencontre au sommet avec Terence Crawford, l’un des meilleurs boxeurs « livre pour livre » de la planète.
À ce jour, le Montréalais originaire de la Nouvelle-Écosse n’est jamais revenu sur les véritables raisons de sa décision, mais il s’est entre-temps séparé de son gérant Douggy Bernèche et de son entraîneur Daniel Trépanier, avec qui il collaborait depuis ses jours dans les rangs amateurs.
Puis en septembre, le propriétaire d’EOTTM, Camille Estephan, a annoncé à la surprise générale que Stéphan Larouche ne serait plus l’entraîneur de plusieurs pugilistes de l’organisation, dont Erik Bazinyan, Batyr Jukembayev et Sadriddin Akhmedov. Jukembayev a véhément protesté, ce qui a ensuite incité Estephan à dire que ce dernier ne faisait plus partie de la famille d’EOTTM.
Bazinyan et Akhmedov se sont tournés vers le vétéran Marc Ramsay et le changement ne les a pas dérangés. Devenu champion des super-moyens de la NABO en juin avec Larouche, Bazinyan a ajouté la ceinture de la NABA en octobre en battant Francy Ntetu dans un duel émotif à saveur locale. « BZO » est maintenant classé troisième aspirant à la WBO dont le titre deviendra vacant.
Malgré les apparences, tout n’est pas sombre chez EOTTM, à commencer par la tenue de Steven Butler, qui a savouré la victoire – avant la limite – à ses cinq sorties et ajouté deux titres mineurs à sa collection. Il est classé troisième aspirant chez les moyens à la WBO et douzième au WBC.
Limité à deux combats parce qu’il est devenu compliqué de lui dénicher des adversaires, Yves Ulysse fils est néanmoins parvenu à inscrire son nom dans le top-15 de trois des quatre grandes organisations de boxe internationale. Son gain contre Maximilliano Becerra le 15 décembre à New York sur la nouvelle plate-forme DAZN lui offrira peut-être d’intéressantes possibilités.
Mathieu Germain a quant à lui continué de s’illustrer en s’emparant d’une ceinture mineure de l’IBF chez les super-légers et se mesurera à Steve Claggett, tombeur d’Ulysse en 2017, le 26 janvier dans ce qui s’avère – sans l’ombre d’un doute – le plus important défi de sa carrière.
À lire également
Zewski de retour dans les classements mondiaux
À l’instar de son compatriote Alvarez, avec qui il avait quitté le Colombie il y a une décennie, le lourd Oscar Rivas a été ennuyé par les blessures cette année, mais aura la chance de croiser le fer avec Bryant Jennings le 18 janvier à Verona, dans l’État de New York. Jennings est très bien classé dans plusieurs organisations et une victoire lui permettrait enfin de lancer sa carrière.
Également chez GYM, Mikaël Zewski a réintégré les classements mondiaux grâce à ses trois victoires, alors que Christian M’Billi et Sébastien Bouchard le rejoindront probablement en 2019. M’billi a été extrêmement actif en enregistrant six victoires, dont les trois dernières en France.
À l’opposé, Shakeel Phinn a raté l’occasion de remporter une première ceinture mineure en livrant un verdict nul à Dario Bredicean en décembre, tandis que Francis Lafrenière pourrait avoir disputé son dernier combat en novembre après s’être incliné par décision majoritaire devant Jose de Jesus Macias. Il avait également très mal commencé l’année en perdant par décision majoritaire un duel d’unification nord-américain face à Albert Onolunose en mars.
Chez les autres boxeurs québécois n’étant pas sous contrat avec GYM ou EOTTM, Patrice Volny est certainement celui qui s’est le plus fait remarquer. Il a profité de l’achoppement de la revanche Lafrenière-Onolunose en juillet pour battre l’Albertain d’origine nigériane en septembre à Cornwall et ainsi devenir champion unifié nord-américain chez les moyens.