Depuis que Jeanette Zacarias Zapata repose aux soins intensifs de l’hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal, une question est sur toutes les lèvres : comment la Mexicaine âgée de seulement 18 ans a-t-elle pu se retrouver dans le même ring que Marie-Pier Houle samedi soir au Stade IGA?

La réponse est à la fois simple, mais complexe et les intervenants reliés de près ou de loin à la situation qui ont été interrogés par RDS.ca au cours des derniers jours sont unanimes : Groupe Yvon Michel (GYM) et la Régie des alcools, des courses et des Jeux (RACJ) auraient difficilement pu en faire davantage pour prévenir ce qu’ils qualifient de « malheureux incident ». Résumé.

Un travail « plus difficile que jamais »

Quand GYM a décidé de présenter son événement mettant en vedette Kim Clavel au Stade IGA, l’organisation a mandaté son organisateur de combats (matchmaker) Vincent Morin afin de dénicher des athlètes pour meubler la sous-carte. Morin, un ex-boxeur amateur et journaliste aujourd’hui entraîneur dans la région de Boston, a sollicité ses différents contacts au Canada et aux États-Unis, mais il s’est retrouvé devant un problème de taille : personne ne donnait suite à ses offres en raison des différentes restrictions imposées par la Santé publique à cause de la COVID-19.

« Son travail a été plus difficile que jamais, car la Santé publique exige que tous les boxeurs aient obtenu leurs deux doses de vaccin, a révélé une source qui a requis l’anonymat afin de ne pas nuire à ses relations dans le monde de la boxe. Dans l’Ouest canadien, il n’y a à peu près pas de boxeurs qui sont vaccinés adéquatement. Et c’est exactement la même chose pour les Américains. »

Devant l’impasse l’organisateur de combats s’est tourné vers l’Europe, mais encore là, il a essuyé refus par-dessus refus. « La plupart des Européens occupent des emplois pour subvenir à leurs besoins et la quarantaine demandée au Québec représentait un trop grand sacrifice pour eux, a continué la source anonyme. Il aurait aussi été possible de se tourner vers l’Argentine, mais il était absolument impossible de respecter les délais requis pour l’obtention des visas. »

Reste donc le Mexique, où le bassin de volontaires est toujours immensément grand, mais où la couverture vaccinale est loin d’être optimale. Selon les données colligées par The New York Times, seulement 26 pour cent de la population aurait en effet reçu ses deux doses de vaccin.

Grâce à un agent de boxeurs situé dans la région frontalière de Baha California, les boxeurs recherchés sont finalement trouvés et plusieurs sont rapidement vaccinés aux frais de GYM. Mais ces athlètes sont à prendre ou à laisser. Plus le temps passe, plus ils deviennent la seule option disponible pour leurs adversaires québécois. Mais cela ne veut pas dire que la RACJ tournera les coins ronds pour autant. Au contraire, les mêmes examens sont exigés, dont un test de tomodensitométrie (CT-Scan) qui doit être traduit de l’espagnol par un professionnel certifié.

Qui plus est, la Régie exigera que Jovanni Martinez, le conjoint et entraîneur de Zacarias Zapata ne dispute qu’un combat de quatre rounds au lieu des huit prévus face à Mazlum Akdeniz, étant donné qu’il avait subi la défaite à ses six précédentes sorties. Et pas question d’argumenter, si Akdeniz refuse ce compromis, il ne combattra tout simplement pas le 28 août au Stade IGA.

Un « bon test »

Zacarias Zapata est également la seule option disponible pour Houle, qui a été au cœur des représentations de l’industrie pour la reprise des activités de la boxe au Québec pendant la pandémie. La jeune femme âgée de 31 ans est thérapeute en réadaptation physique et physiothérapeute de formation et n’a disputé que quatre combats chez les professionnelles depuis le commencement de sa carrière.

N’ayant disputé que 25 combats dans les rangs amateurs, elle s’était inclinée en demi-finale des Championnats canadiens en 2017 et ne possède que peu d’expérience au niveau international.

« Marie-Pier s’est fait connaître comme partenaire d’entraînement de Marie-Ève Dicaire et GYM a décidé de lui donner sa chance un jour parce que l’organisation aimait sa personnalité et voulait la récompenser, a expliqué la source. En tout respect, c’est une boxeuse de niveau canadien, à la limite nord-américain. Son parcours ne se compare pas à celui d’une Kim Clavel. »

Zacarias Zapata est donc considérée comme un « bon test » pour Houle, d’autant plus qu’elles ont une adversaire en commun : Veronica Diaz Marin. Houle l’avait arrêtée au quatrième round en juin 2019, tandis que Zacarias l’avait battue par décision unanime des juges en août 2018.

La Mexicaine revient d’une dure défaite par knock-out contre Cynthia Lorenzo en mai, mais dans un combat de six rounds de trois minutes où elle mène même 50-48 sur la carte d’un des trois juges. Les examens médicaux sont concluants et sur papier, rien n’indique qu’il s’agit d’un duel remporté d’avance. Cela dit, personne n’a encore vu les images révélées par RDS.ca lundi soir.

« Si les gens en position d’autorité avaient vu le knock-out, je ne suis pas certain qu’ils auraient accepté que Houle monte dans le ring avec elle, suggère la source anonyme. Mais sur papier, tout était en règle. Zacarias Zapata n’était pas une 126 livres qui se battait à 147. C’était une rivale valable qui s’était déjà battue contre l’excellente Alma Ibarra. C’était le deuxième combat le plus difficile de la carrière de Houle après celui contre Linda Dostalkova, qui a été un verdict nul. »

La RACJ « très préoccupée »

À la suite des événements survenus samedi, plusieurs intervenants s’interrogent grandement sur ce qui pourrait être fait pour les éviter. GYM s’est déjà engagé à ne pas faire appel à des boxeurs qui revenaient d’une défaite par knock-out, mais la piste de solution se trouve peut-être ailleurs.

« Il faut savoir que le monde de la boxe est un véritable far west, rappelle la source anonyme. Les tests exigés varient en fonction des juridictions. En Ontario, par exemple, un test d’imagerie par résonance magnétique (plus précis qu’un test de tomodensitométrie) est exigé. À l’opposé, dans d’autres juridictions, aux États-Unis notamment, les autorités ne demandent qu’un test sanguin.

« C’est ce qui explique pourquoi certains athlètes refusent de se faire vacciner. Il y aura toujours des endroits pour les accueillir, mais les athlètes québécois et canadiens doivent comprendre que s’ils veulent se battre au Québec, ils n’auront pas le choix de recevoir leurs deux doses. Je ne veux pas partir un débat, mais les règles sont les règles, et il faut absolument les respecter.

« Et les gens doivent comprendre que la RACJ est l’une des meilleures commissions athlétiques au monde. Ils ne sont pas complaisants avec les promoteurs ou les boxeurs locaux. Mais est-ce que cela signifie que c’est assez? C’est une excellente question et il faut absolument en débattre. Est-ce le moment d’exiger de meilleurs tests avec les connaissances que nous avons? Peut-être. »

Chose certaine, comme c’est le cas pour l’antidopage, des tests plus sophistiqués ont un coût et ils s’ajouteront inévitablement à ceux que les promoteurs doivent déjà assumer. Ultimement, les solutions se retrouvent entre les mains des autorités gouvernementales, celles qui possèdent le pouvoir de légiférer. D’ailleurs, le bureau du Ministère de la Sécurité publique a référé RDS à la RACJ pour sa demande d’entrevue.

Dans un échange de courriels, la porte-parole Joyce Tremblay a écrit que « dans le cas de la jeune boxeuse, toutes les règles en vigueur en lien avec la santé de la combattante ont été respectées et suivies à la lettre, avec beaucoup de rigueur, comme toujours ».

« Tous les examens médicaux démontraient [que Zacarias Zapata] était apte à combattre. La pugiliste a été rencontrée par [les] médecins lors de la pesée ainsi qu’avant le combat. »

La RACJ s’est finalement dite « très préoccupée par ce malheureux incident » et qu’« une évaluation interne de la soirée » est présentement en cours.

*Avec la collaboration de Jean-Luc Legendre