PARIS (AP) - En jaune dès le prologue de Luxembourg pour marquer les esprits, en jaune sur les Champs-Elysées pour entrer dans la légende. Lance Armstrong a dominé de la tête et des épaules la 89e présentation du Tour de France, pour inscrire pour la quatrième fois consécutivement son nom au palmarès, et venir tutoyer les plus grands. Le Texan de 30 ans n'est plus qu'à une longueur du quatuor royal composé de Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain, les quintuples vainqueurs.

"Je suis surtout le seul coureur survivant du cancer à avoir gagné le Tour de France", a-t-il répondu, questionné sur sa volonté de marquer par des chiffres et des victoires l'histoire du cyclisme.

Si la chaussée des géants est pavée de bonnes intentions, le Texan de 30 ans ne veut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

"Je suis encore là pour quelques années", préfère-t-il dire, plutôt que de prétendre pouvoir remporter six fois le Tour de France.

La maladie a joué un grand rôle dans l'ascension d'Armstrong.

L'ex-triathlète surdoué s'était sans doute vu "trop beau" après son titre de champion du monde sur route remporté à Oslo en 1993 à la barbe des plus grands noms du peloton -Indurain et Olaf Ludwig-, alors que ses 21 ans à peine sonnés lui donnaient des allures de jeune imberbe juvénile. Son arrogance le destinait alors à la solitude.

"Il toisait les autres coureurs avec l'air de dire 'je suis un très jeune coureur, mais un très grand coureur', a témoigné Pedro Delgado, l'Espagnol vainqueur du Tour en 1988.

"Maintenant, je crois qu'il est plus conscient de la vie, des autres. La maladie l'a fait retomber sur terre. Il est plus près des autres coureurs, il est copain avec eux. Il a compris beaucoup de choses".

"C'est sa maladie qui l'a fait grimper", a renchéri Eddy Merckx, qui le considérait "puissant" mais trop lourd.

Deux ans après avoir frôlé la mort des suites d'un cancer des testicules, Armstrong renaît au vélo en 1998 en finissant quatrième de la montagneuse Vuelta.

L'année suivante, il gagne son premier Tour de France, faisant comprendre à Jan Ullrich et à Marco Pantani que leurs victoires respectives en 1997 et 1998 seront sans lendemain.

En 2000, 2001 et 2002 il s'est montré intouchable, devançant toujours d'au moins six minutes ses dauphins, le Suisse Alex Zuelle, l'Allemand Ullrich et l'Espagnol Joseba Beloki.

Excellent rouleur, dominateur en contre-la-montre et redoutable en montagne grâce à une fréquence de pédalage de 100 tours/minute qu'il travaille régulièrement à l'entraînement, Armstrong sait qu'il doit beaucoup à ses proches.

Sa femme Kristin, son fils aîné Luke, né après la terrible maladie d'un sperme préservé, comme les jumelles Isabelle Rose et Grace Elizabeth ses petites soeurs surgies l'année dernière.

Mais aussi Johan Bruyneel, son directeur sportif à l'US Postal.

"C'est lui qui m'a convaincu que je pouvais gagner le Tour de France, avait rappelé Armstrong après sa victoire au contre-la-montre, samedi soir à Mâcon.

"On se ressemble beaucoup. Lui aussi est un fanatique du travail, de la perfection. Même quand on n'est pas ensemble, on se parle trois ou quatre fois par jour, du 1er janvier au 31 décembre".

Le Belge de 37 ans, ex-porteur du maillot jaune dans le Tour de France, a noué ses premiers contacts avec Armstrong en 1998.

"Il a été un peu étonné quand à l'occasion d'un premier stage aux Etats-Unis je lui ai proposé d'axer tout son programme sur le Tour de France, et de bâtir autour de lui une équipe pour atteindre cet objectif, a confié Bruyneel.

"Son cancer n'avait fait que renforcer son ambition. C'était un pari, mais j'avais mis toutes mes chances de notre côté."

L'Américain déteste être appelé le nouveau "patron" du peloton.

"Il n'y a pas de 'patron', rétorque-t-il. Il y a désormais tellement de pression des commanditaires, des équipes qui doivent gagner les étapes. L'époque est très différente de celle d'Anquetil, de Merckx, d'Hinault, surtout sur le Tour de France. Si je dis aux autres coureurs (ses adversaires) 'aujourd'hui, on n'attaque pas', il ne vont pas m'écouter."

Le tour de force d'Armstrong, c'est qu'il n'a pas à donner d'ordres. Personne n'ose l'attaquer. Car le peloton sait pertinemment qu'il est le "patron". Sans doute pour au moins deux ans encore.


Tableau d'honneur

Classement général: Lance Armstrong (USA/US Postal)
Classement de la montagne: Laurent Jalabert (Fra/CSC)
Classement par points: Robbie McEwen (Aus/Lotto)
Classements des jeunes: Ivan Basso (Ita/Fassa Bortolo)
Classement de la combativité: Laurent Jalabert (Fra/CSC)
Classement des équipes: ONCE (Esp)