Michael Woods, entre la gloire et le drame
Cyclisme jeudi, 12 sept. 2019. 14:36 mardi, 26 nov. 2024. 15:18L’année 2018 a été l’année de toutes les émotions pour Michael Woods. D’un côté, il a connu une grande saison sur le vélo. De l’autre, un drame a secoué sa famille.
Le 12 septembre 2018. Michael Woods est dans l’échappée de la 17e étape de la Vuelta. Une étape de montagne taillée pour lui. Mais il n’est pas seul. Ils sont 26, dont Vincenzo Nibali, Rafal Majka et Dylan Teuns.
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Le dernier kilomètre d’ascension est interminable. On n’y voit presque rien, le brouillard étant si épais. Ils sont toujours 4 à se battre pour la victoire.
« Avec 600 m à faire, Teuns a attaqué. Je suis revenu sur lui et il a attaqué de nouveau », se remémore Michael Woods, rencontré à Québec dans le cadre des GPCQM. « À ce moment, je croyais qu’il ne restait que 150 ou 200 m. Il y avait des gens partout, des nuages, je ne voyais pas le fil d’arrivée. Je pensais donc qu’il ne restait que 200 m et j’ai aperçu une affiche qui indiquait 500 m. J’ai essayé de respirer, de continuer de pédaler, mais mes jambes étaient complètement détruites. Et à ce moment-là mon directeur sportif, Juan Manuel Garate, m’a dit à la radio : Fais ça pour ta famille. »
Une phrase significative pour Woods. Deux mois auparavant, en juillet 2018, sa femme Elly et lui ont perdu leur fils Hunter, mort-né à 37 semaines de grossesse. Un drame.
« Après la mort de Hunter, je me suis entraîné si fort pour faire quelque chose pour lui. C’était mon but à la Vuelta de faire un résultat pour lui. Et quand mon directeur sportif me dit : Fais ça pour ta famille, j’ai pensé à Hunter et j’ai été capable de continuer. »
Woods parvient péniblement à célébrer sa victoire, étant physiquement épuisé. Il lève le bras au ciel pour saluer son fils... et le remercier.
En entrevue en direct à la télévision européenne, dans les minutes qui suivent, ils éclatent en sanglots en révélant la tragédie vécue par sa femme et lui.
« J’ai pleuré pour une semaine après ma victoire. Ça faisait deux mois que Hunter était mort et je pensais que j’étais redevenu normal, que j’avais surmonté cette épreuve », raconte Woods avec sérénité. « En anglais on dit a flood of emotions (un déluge d’émotions). J’ai pleuré tous les jours qui ont suivi. J’ai pensé à lui et à ma femme. En plus ma famille était sur places dans les derniers jours, mon père, ma mère, ma sœur. C’était un moment spécial. »
Le vélo sa planche de salut
Dans les jours, les semaines qui ont suivi le drame, Michael s’est jeté sur son vélo. « Quand j’étais sur le vélo, ça me permettait de penser à autre chose et surmonter les émotions. Je me retrouvais seul. C’était thérapeutique », précise Woods. « C’est grâce à Hunter si j’ai atteint un plus haut niveau et que j’ai fait ce résultat à la Vuelta et aux Mondiaux (où il a terminé 3e à Innsbruck). »
Pendant leur deuil, sa femme et lui ont fait un pacte : ils allaient vivre à fond, profiter de chaque moment, en mémoire de leur fils.
« On s’est dit qu’on allait vivre plus fort, plus libre. Et c’est la façon dont j’ai couru sur la Vuelta » confie Woods. « J’ai eu une autre perspective dans ma vie. J’ai réalisé que le vélo n’était pas la chose la plus importante. Ma famille l’est. Cette nouvelle perspective me donne plus de liberté en course. »
Plus libre. Sans pression. « C’est un jeu » pour reprendre ses mots. Un jeu qui comporte ses risques. Woods en est conscient.
« J’y pense. J’ai 32 ans. Je sais qu’il y une vie après la course. Je pense aux dangers et c’est certainement pour cette raison que je prendrai la décision d’arrêter », admet-il sans toutefois songer à la retraite immédiate. « Je veux terminer ma carrière plus tôt que trop tard. »
Tour de France 2020
Mais avant de penser à la retraite, Woods a encore de grandes choses à réaliser sur son vélo. À court terme, le Grand Prix de Montréal pourrait lui convenir avec l’ajout de deux ascensions de Camilien-Houde (18 ascensions au total!). Le parcours des Championnats du monde dans le Yorskhire, le 29 septembre, lui plaît également.
Le grand objectif demeure toutefois : le Tour de France 2020. Woods a goûté à la Grande Boucle pour la première fois de sa carrière cet été. Un Tour marqué de deux chutes, dont une qui l’a laissé avec deux côtes fracturées et encore 10 étapes à disputer. Mais pas question d’abandonner.
« C’est la seule course, avec les Jeux olympiques, dans laquelle tu as une sensation que tout ton pays te supporte. J’ai senti que tout le monde était derrière moi. J’avais la volonté de terminer cette course. »
Et il l’a fait. Il a même attaqué dans les étapes alpestres, mais la douleur l’a empêché d’aller au bout de l’effort.
Il garde tout de même un bon souvenir de ce Tour. Il en faudra davantage pour arrêter Michael Woods. Et après tout, ce n’est qu’un jeu. Un jeu sur la plus grande scène de la planète, mais un jeu quand même.