PARIS (AFP) - Le coureur cycliste lituanien Raimondas Rumsas, interpellé mercredi en Italie à Lucques (Toscane), est venu au cyclisme parce qu'il rêvait d'imiter Bernard Hinault, Laurent Fignon et Greg LeMond.

Entêté, il quitte à 13 ans la ferme familiale à Salgalai, village de 500 habitants, à 80 kilomètres de la mer Baltique et 250 km de Vilnius, la capitale, pour intégrer l'école sportive de l'Etat, à Paneyezys.

Le gamin vole vite de victoire en victoire depuis sa première course, un contre-la-montre, dont il se souvient comme si c'était hier. "Mon père m'avait acheté des cale-pieds. Je ne les ai pas utilisés parce que personne d'autres n'en possédait. Je ne voulais pas me démarquer, confie-t-il. Je n'avais rien d'un coureur: j'étais en pantalon, chemise et chaussures de ville".

Né le 14 janvier 1972, il passe professionnel en 1996 chez Fassa Bortolo, en Italie. Mais il y signe sa condamnation en 2000 en remportant le Tour de Lombardie. Dans le final, il s'accroche à la roue de Casagrande, lancé à la poursuite d'un fuyard, et lui brûle la politesse dans le sprint final.

L'ennui est que l'Italien vient de signer un contrat avec la Fassa Bortolo où il doit devenir le patron de Rumsas. Il l'empêchera de participer à son premier Tour de France.

Piqué dans son amour-propre, Rumsas fait ses bagages pour une autre équipe italienne, la Lampre. Gabriele Sola, le responsable de la communication, le décrit comme étant "un garçon réservé, loin du caractère et de l'exubérance italienne, possédant une forte personnalité, beaucoup d'autorité tout en restant très rationnel".

Célébrité

Inconnu du public avant le départ du Tour de France 2002, Rumsas est devenu en moins d'un mois l'un des personnages les plus célèbres du peloton, à son avantage d'abord en prenant, à 30 ans, la 3e place du classement général, puis à ses dépens quand il s'est retrouvé au centre d'une retentissante affaire de dopage.

Le matin même de l'arrivée sur les Champs-Elysées, le 28 juillet, son épouse Edita a été interpellée à Chamonix par les douanes françaises en possession d'une batterie de produits suspects dont certains -corticoïdes, testostérone, EPO- font partie de l'arsenal habituel du dopage.

Rentré chez lui en Italie, Rumsas, qui a subi pendant le Tour plusieurs contrôles antidopage, tous négatifs, ne changera jamais de ligne de défense, même pendant les 75 jours d'incarcération d'Edita à la prison de Bonneville: les produits étaient destinés à sa belle-mère, gravement malade.

En juin 2003, Raimondas Rumsas est contrôlé positif à l'érythropoïétine (EPO) pendant le Tour d'Italie et suspendu pour un an par la Fédération lituanienne de cyclisme.

Il a néanmoins participé pour la Lituanie en octobre 2004 aux Championnats du monde de cyclisme disputés à Vérone (Italie) et continue de courir en Italie, dans une équipe d'Elite 2.

La semaine dernière, il est devenu champion de Lituanie du contre-la-montre pour la troisième fois de sa carrière.


Chronologie de l'affaire Rumsas

Chronologie de l'affaire Rumsas, depuis l'arrestation puis la détention d'Edita Rumsas, épouse du coureur lituanien de l'équipe cycliste Lampre (ITA), Raimondas Rumsas - troisième du tour de France 2002 - interpellée à Chamonix le 28 juillet, jour de l'arrivée de l'épreuve.

28 juillet 2002: Raimondas Rumsas, 30 ans, arrive troisième du Tour de France 2002, derrière l'Américain Lance Armstrong (US Postal, 1er) et l'Espagnol Joseba Beloki (Once, 2e). Le matin-même, son épouse Edita a été interpellée à Chamonix par les douanes françaises en possession de produits suspects, dont certains "peuvent être considérés comme dopants". L'épouse du coureur est placée en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire.

29 juillet: Le groupe italien Lampre, employeur de Rumsas, annonce la suspension avec effet immédiat de son coureur. "On a saisi énormément de produits (...), des corticoïdes, de la testostérone, de l'EPO" dans la voiture de l'épouse de Raimondas Rumsas, indique Christian Lothion, le directeur de la police judiciaire de Lyon.

30 juillet - Edita Rumsas est mise en examen pour "administration, offre, cession et aide à l'usage de produits dopants" par le parquet de Bonneville.

La jeune femme encourt sept ans de prison et 150.000 euros d'amende. Son incarcération pour une période de quatre mois peut être renouvelée plusieurs fois.
Rumsas affirme que les produits transportés par son épouse étaient destinés à sa belle-mère, qui vit en Italie avec le couple. "Je n'ai jamais rien pris. Mon Tour (de France) est propre", se défend-il.
Le coureur lituanien a, de fait, subi deux contrôles urinaires pendant l'épreuve qui se sont avérés négatifs.

8 août: Raimondas Rumsas subit un contrôle antidopage à Riga. Juris Tiltins, un porte-parole du ministère de l'Education et des Affaires sportives de Lettonie, indique que cet examen répond à "la volonté des autorités sportives de Lituanie de lui faire passer un test dans un pays neutre".

9 août: Plus d'une centaine de Lituaniens, parmi lesquels des personnalités politiques et du show-business, manifestent devant l'Ambassade de France à Vilnius demandant la libération d'Edita Rumsas.

13 août: Le juge des libertés de Bonneville rejette la demande de remise en liberté d'Edita Rumsas. Ses avocats font immédiatement appel de la décision.
Les analyses antidopage pratiquées à Riga sur Raimondas Rumsas se sont révélées négatives, indique le ministère des Sports de Vilnius.

14 août: Antanas Valionis, ministre lituanien des Affaires étrangères, avertit la France que la mise en examen d'Edita Rumsas pourrait nuire aux relations des deux pays.

28 août: La chambre d'instruction de la Cour d'appel de Chambéry rejette la demande de remise en liberté d'Edita Rumsas.

30 août: La chaîne de télévision France 2 et le quotidien français Libération révèlent que lors de sa seconde audition, la jeune femme "aurait indiqué que le directeur de Lampre (l'équipe de son mari, ndlr) se trouvait dans sa voiture, avec un technicien, le 28 juillet", le jour même de l'arrivée du Tour de France, au moment de son interpellation. L'avocat d'Edita Rumsas dément.

6 septembre: Le juge des libertés de Bonneville rejette une nouvelle demande de remise en liberté d'Edita Rumsas.

10 septembre: Raimondas Rumsas est entendu en Italie par des policiers italiens et français.

12 septembre: Le quotidien sportif français l'Equipe fait état d'un "stock" de trente sept produits différents saisis le 28 juillet dernier dans le coffre de la voiture d'Edita Rumsas.

14 septembre: L'Equipe révèle que les six seringues saisies dans le coffre de Mme Rumsas contiendraient de l'EPO.

18 septembre: La Cour d'appel de Chambéry a mis en délibéré au 26 septembre sa décision sur une nouvelle demande de remise en liberté d'Edita Rumsas.

20 septembre: L'Union cycliste internationale (UCI) indique à l'équipe Lampre que Raimondas Rumsas aurait le droit de courir par rapport au règlement international malgré les soupçons liés à l'interpellation de sa femme fin juillet en possession de produits dopants.

26 septembre: La Cour d'appel de Chambéry rejette la troisième demande de remise en liberté d'Edita Rumsas.

6 octobre: Les résultats des analyses effectuées sur les produits saisis en juillet dans la voiture d'Edita Rumsas sont "imminents", indique le juge d'instruction chargé du dossier, Franck Guesdon, dans une interview au journal français Journal du Dimanche.

8 octobre: Edita Rumsas est entendue par le juge Franck Guesdon. Son avocat Me Alexandre Varaut dépose une nouvelle demande de mise en liberté de sa cliente.

9 octobre: Les produits saisis dans la voiture d'Edita Rumsas lors de son interpellation, le 28 juillet, "ne sont pas suffisants pour le dopage intensif d'une équipe entière, mais semblent correspondre au traitement d'une personne", écrit le quotidien français le Monde, citant un expert médical.

11 octobre: Edita Rumsas est remise en liberté sous caution.

16 novembre: Edita Rumsas raconte ses 75 jours d'incarcération dans une interview à l'hebdomadaire italien, Sport Week, supplément du quotidien Gazzetta dello sport. "Je ne voudrais pas revenir en France", dit-elle.

20 novembre: Raimondas Rumsas reçoit la plus haute distinction sportive de Lituanie, l'"étoile olympique" pour sa troisième place au dernier Tour de France, des mains du patron du Comité olympique lituanien (LOC) Arturas Poviliunas.

12 décembre: L'équipe italienne Lampre annonce qu'elle garde Rumsas pour la saison 2003.

11 juin 2003: Raimondas Rumsas fait l'objet d'un contrôle antidopage positif pendant le Tour d'Italie cycliste. Le manageur de son équipe Lampre, l'ancien champion du monde Giuseppe Saronni, s'estime "floué et trahi".

12 juin: Raimondas Rumsas "conteste formellement l'utilisation de produits dopants dont il est aujourd'hui accusé par la presse", écrit son avocat français, Me Alexandre Varaut.

17 juin: Le juge français chargé de l'instruction de l'affaire Edita Rumsas a reçu un rapport d'expertise qui "ne laisse guère planer de doute sur les pratiques" de son mari en matière de dopage, révèle le quotidien français Le Monde.

30 juin: Les résultats de la contre-analyse dont a fait l'objet Rumsas sont positifs, révèle un spécialiste du programme anti-drogue du département lituanien des sports, Rima Berloviene.

18 juillet: Rumsas, contrôlé positif à l'érythropoïétine (EPO) sur le Tour d'Italie, est suspendu pour un an par la Fédération lituanienne de cyclisme. La peine est accompagnée d'une amende de 2000 francs suisses (1295 euros) pour le coureur nommé meilleur sportif de l'année 2002 en Lituanie.

29 septembre: Rumsas poursuit le juge d'instruction de sa femme.

3 novembre: Le juge d'instruction de Bonneville, Franck Guesdon, qui a mis en examen Edita Rumsas, est condamné par le tribunal de Paris pour une interview diffamatoire envers le coureur publiée dans le journal suisse Dimanche.ch, le 5 octobre 2002.

7 mai 2004: Le juge Guesdon a lancé un mandat d'arrêt international contre Raimondas Rumsas, ainsi que contre un médecin polonais, le Dr Krysztof Fisek, qui avait prescrit des médicaments saisis dans les bagages d'Edita Rumsas, révèle le quotidien français Le Monde.

Me Alexandre Varaut confirme et précise que ce mandat accompagne l'ordonnance de renvoi en correctionnelle du dossier Rumsas, notamment pour les faits "d'importation et détention en contrebande de marchandises prohibées".

Octobre: sélectionné par la Lituanie, Raimondas Rumsas participe aux Mondiaux à Vérone (Italie)

26 août: La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry examinera le 15 septembre prochain une "requête en nullité" déposée par Raimondas Rumsas, le coureur cycliste lituanien suspecté de dopage, apprend-on de source judiciaire.

6 octobre: La requête en nullité, déposée par Raimondas Rumsas devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, a été rejetée le 17 septembre, apprend-on auprès de son avocat Me Alexandre Varaut.

1er décembre: Raimondas Rumsas et son épouse Edita sont renvoyés, en compagnie du médecin polonais prescripteur des produits dopants, Krzystof Ficek, devant le tribunal correctionnel de Bonneville.

24 juin 2005: Rumsas devient champion de Lituanie du contre-la-montre.

29 juin 2005: Raimondas Rumsas a été interpellé mercredi en Italie à Lucques (Toscane) en exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré par la justice française, apprend-on de source judiciare.

Joint par l'AFP, son avocat français, Me Alexandre Varaut, confirme l'information, indiquant qu'il allait maintenant "tout faire, en liaison avec son avocat italien, pour obtenir sa remise en liberté", ajoutant qu'il allait pour cela "saisir la cour d'appel de Florence".