David Veilleux n’aurait pu choisir meilleur moment pour se démarquer sur la scène internationale. Ses trois jours passés en jaune au Critérium du Dauphiné, combiné à une victoire d’étape, lui ont permis de s’assurer une place pour la centième édition du Tour de France qui s’élancera samedi, à Porto-Vecchio (Corse). Il deviendra alors le deuxième Québécois de l’histoire à prendre part à la plus prestigieuse course cycliste au monde après Pierre Gachon, qui était de l’édition de 1937.

En plus de Veilleux, qui court pour la formation française Europcar, Ryder Hesjedal (Garmin-Sharp) et Svein Tuft (Orica-GreenEdge) seront les autres Canadiens présents.

C’est un David Veilleux serein qui a répondu aux questions de Sportcom, une dizaine de jours avant le départ de la grande boucle. Le buzz médiatique qui a suivi sa confirmation pour le Tour s’est estompé et on sent qu’il est maintenant prêt à aller au front, même si plusieurs inconnues pointent à l’horizon.

« Faire les Boucles de la Mayenne (NDLR : Une course par étapes de catégorie 2.2 qu’il a remportée) m’a permis de décompresser un peu et de me reposer après le Dauphiné. Je suis arrivé à cette épreuve sans pression et je ne me suis pas cassé la tête à essayer de gagner. Et cela m’a réussi. »

Au moment de la nomination du Québécois, les dirigeants d’Europcar avaient seulement nommé quatre coureurs, les autres étant Thomas Voeckler, Pierre Rolland et Cyril Gautier. Veilleux se réjouit de cette sélection hâtive qui lui a permis de ne pas avoir à revivre le stress de l’année dernière où sa candidature n’avait finalement pas été retenue. Yukiya Arashiro, Jérôme Cousin, Yohann Gène, Davide Malacarne et Kevin Reza ont quant à eux su lundi qu’ils complèteraient l’équipe.

Notons qu’en plus de Veilleux, Cousin et Reza en seront eux aussi à une première présence à un grand tour.

Éviter les pièges

L’athlète âgé de 25 ans pressent une accumulation de petites choses qui pourraient avoir un impact sur ces trois semaines de course.

« Il y aura de longs transferts entre des étapes. Ce dont je me méfierai le plus, ce sera les étapes nerveuses et celles de moyenne montagne. Il peut y avoir du vent de côté dans les étapes agitées, alors qu’en moyenne montagne, ça roulera vite et les écarts peuvent être rapidement créés. Ce sont les étapes les plus difficiles pour terminer dans les délais. Je me concentre surtout pour les trois premières étapes en Corse où ce ne sera pas facile. Une fois que le contre-la-montre par équipe sera passé, ça ira mieux, même si aucune étape ne sera facile. »

Ancien détenteur du maillot jaune, l’Ontarien Steve Bauer abonde dans le même sens que Veilleux : la première semaine sera le premier test, ne serait-ce que pour éviter les ennuis.

« Au Tour, l’intensité est multipliée. C’est l’épreuve la plus importante de notre sport et il y a de la pression pour bien faire. Ce n’est pas mauvais en soi et David a démontré qu’il pouvait bien gérer la pression. L’important sera d’éviter les chutes et les problèmes pendant la première semaine. Et ce ne sera pas évident, car tout le monde va se battre pour demeurer en avant du peloton », explique Bauer, ajoutant que cette tâche sera encore plus difficile à cause de l’étroitesse des rues corses.

En décembre dernier, Europcar a fait un voyage de reconnaissance sur les routes des trois premières étapes. En pleine session d’examens, l’étudiant en génie mécanique à l’Université Laval n’avait pu être du voyage. Veilleux profitera toutefois au maximum des conseils de ses coéquipiers, lui qui en est à sa troisième campagne au sein de la formation Europcar. Au fil des ans, l’athlète originaire de Cap-Rouge a entendu son lot d’histoires et d’anecdotes survenues pendant le Tour.

« Tous ceux qui ont fait le Tour, tant les coureurs que le personnel de soutien, disent que c’est une expérience unique. C’est usant et difficile physiquement et mentalement, sauf qu’en même temps, il faut le vivre au moins une fois dans sa vie. Je suis content de savoir que je vivrai ça. Pour le moment, ce n’est pas assez concret, mais une fois arrivé en Corse, je sentirai de la fébrilité. »

Nouvelle notoriété et nouveau rôle

Être le premier Québécois en 76 ans à participer au Tour a eu un gros impact au Québec. Ce ne sont plus seulement les yeux des amateurs de vélo qui seront tournés vers Veilleux, mais bien aussi ceux de monsieur et madame Tout-le-monde.

« Je ne m’en rends pas compte parce que je suis en Europe. J’ai pris la décision de ne pas faire les Championnats canadiens et de finir ma préparation ici. Je pense que c’est à mon avantage et je ne pense pas à ça. Je peux rester concentré sur ce que j’ai à faire. »

Quant à son rôle, il est déjà clairement établi. « Je veux me dépasser et aller au bout de mes limites en aidant mes coéquipiers. Si j’ai le sentiment que j’ai aidé Pierre et Thomas à obtenir un bon résultat, je serai satisfait. »

David Veilleux ne sera pas un acteur de premier plan qui luttera pour une place au classement général. Il pourra donc profiter d’un bon de sortie de la part du peloton s’il se sent d’attaque pour joindre une échappée au long cours, une stratégie qui lui avait permis de remporter la première étape du Critérium du Dauphiné au début du mois.

Steve Bauer en sait quelque chose, lui qui avait utilisé cette même tactique à la première étape du Tour de France de 1990, ce qui lui avait permis de passer neuf jours en jaune.

« Le Tour peut changer une carrière. Il a changé la mienne en tout cas. Ce dont les gens se rappellent de moi, c’est que j’ai porté le maillot jaune », de conclure l’ancien champion.