LAVAL – À une époque où les bagarres s’effacent tranquillement de la culture rigide du hockey, Mathieu Olivier a fait son chemin avec une approche qui confronte les nouvelles mentalités.

 

Olivier, qui a été rappelé par les Predators de Nashville lundi et qui pourrait jouer son premier match dans la Ligue nationale ce soir contre les Jets de Winnipeg, trouve important de préciser qu’il ne se considère pas comme un pugiliste sur patins. « C’est quelque chose que j’ai dans mon arsenal, mais ce n’est pas ce qui me définit, précisait-il lors de son récent passage à Laval avec les Admirals de Milwaukee, le club-école des Preds. Les dirigeants de l’équipe pourraient te le confirmer. C’est un outil de plus que j’ai, mais ce n’est pas ce qui fait que j’ai réussi à passer les étapes et à m’établir dans la Ligue américaine. »

 

Mais le natif de Lévis ne renie pas non plus la partie plus ingrate de son rôle, celle qui a mauvaise presse. Très tôt dans sa carrière, il a fait le choix conscient d’utiliser ses poings pour faire sa place.

 

Il n’est pas rare qu’un joueur de talent doive accepter de modifier son profil s’il souhaite progresser à un certain niveau. Olivier est simplement arrivé à ce constat plus tôt que la moyenne des joueurs avec qui il partage aujourd’hui le vestiaire. 

 

« Il est vraiment parti de loin comparativement à d’autres joueurs », se rappelle Jean-Philippe Glaude, le recruteur qui a convaincu l’organisation des Predators de l’avoir à l’œil.

 

« À la base, je n’ai jamais eu des bonnes jambes, reconnaît l’attaquant de 22 ans. Je n’étais pas un bon patineur. Quand j’étais midget AAA, mon père était dans la business [NDLR : entraîneur adjoint des Tigres de Victoriaville] et plus tard, on a su que l’évaluation qui circulait à mon sujet, c’était que j’étais un patineur médiocre. Pas ‘ordinaire’, mais médiocre. »

 

Glaude, qui travaillait à l’époque pour le compte des Wildcats de Moncton, avait tout de même convaincu l’équipe des Maritimes d’ignorer les statistiques modestes (14 points en 42 matchs) de l’attaquant des Commandeurs de Lévis et de le repêcher, ce qu’elle a fait en septième ronde.

 

« J’avais parlé avec mon père et on avait décidé qu’il fallait que je devienne un style de joueur qu’on ne développe pas au Québec, qu’on voyait plus dans l’Ouest canadien, se souvient Olivier. Je suis arrivé au camp à Moncton, à 16 ans, et j’ai été parmi les premiers marqueurs de l’équipe dans le calendrier préparatoire. J’ai vraiment eu un bon camp et je ne leur ai pas laissé le choix de me garder. Mais la saison a commencé et j’étais un peu in-and-out du lineup. Vers la fin octobre, ça faisait un mois que la saison était partie et je me suis dit qu’il faudrait que je fasse quelque chose de différent pour me démarquer. »

 

« On jouait à Sherbrooke et j’ai décidé que ce soir-là, j’allais essayer de me battre. »

 

Olivier a scruté la feuille de match et a retenu le nom de Trevor Stacey, une autre recrue. Une fois sur la glace, il lui a lancé une invitation qui a aussitôt été acceptée.

 

« Ça n’a pas ben été pantoute, confesse-t-il en riant, mais le coach a vraiment aimé ça. Ça lui a montré que j’étais prêt à faire n’importe quoi. J’ai gagné sa confiance et je n’ai plus jamais été laissé de côté. La même soirée, j’ai obtenu mon premier point. Le match suivant, j’ai marqué mon premier but. Ça a vraiment été un déclencheur. »

 

Mathieu OlivierUn modèle à copier : Austin Watson

 

Olivier a commencé à se développer en ce qu’il décrit lui-même comme un « joueur de soutien de luxe ». Il a terminé sa première saison junior avec 14 points et 43 minutes de pénalité. La saison suivante, les Cataractes de Shawinigan ont fait son acquisition afin d’entourer leur prometteur noyau offensif.

 

« J’ai eu ma chances avec les gars de skills sur les premiers trios. [Anthony] Beauvillier, [Dennis] Yan, [Brandon] Gignac, j’ai joué avec tous ces gars-là. J’ai essayé de changer et de devenir un peu comme eux autres et c’est là qu’il y a comme une lumière qui a cliqué dans ma tête : peut-être que si moi je joue ce style-là, ça ne marchera pas. Quand je montais et j’essayais de changer mon style, ça ne marchait pas. Mais quand je montais jouer avec ces gars-là et que je jouais à ma façon, qui était un style plus physique, plus simple, ça complétait les deux autres et ça leur donnait de l’espace. C’est un peu comme ça qu’au fil des années, j’ai réussi à trouver mon profil. »

 

Pendant son stage de cinq ans dans la LHJMQ, Olivier n’a jamais amassé plus de 49 points dans une saison, mais ça ne l’a pas empêché de faire circuler son nom dans les bonnes conversations. Les Predators l’ont invité deux fois à leur camp des recrues. La première, à 19 ans, lui a fait réaliser qu’il avait encore des croûtes à manger, mais à sa deuxième chance, l’année suivante, il a laissé une impression positive. Quelques mois plus tard, au milieu de sa dernière année junior, il signait son premier contrat professionnel.

 

À Milwaukee, l’entraîneur Karl Taylor utilisait Olivier sur un quatrième trio en plus de l’intégrer dans sa première unité de désavantage numérique. Le numéro 24 faisait aussi sa part en attaque : il avait sept points à sa fiche en 15 matchs avant d’affronter le Rocket vendredi dernier.

 

« Je dirais que dans mon rôle, [les Predators] ont peut-être juste Austin Watson qui est capable de jouer ce style-là. Et c’est un rôle que l’organisation valorise beaucoup. Moi je regarde Watson et c’est exactement le profil qu’il faut que je sois. Je suis peut-être moins offensif que lui à ce moment-ci de ma carrière, mais c’est un joueur que je veux émuler. Je veux être pareil comme ça, je pense que ça va me donner une chance. »

 

Selon les données compilées par le site HockeyFights.com, Watson s’est battu 28 fois en quelque 300 matchs dans l’uniforme des Predators, dont trois depuis le début de la présente saison. Pour Olivier, qui a lui-même jeté les gants trois fois seulement dans le dernier mois, il s’agit d’une preuve parmi tant d’autres que cette spécialité n’est pas aussi obsolète que certains le prétendent dans le hockey d’aujourd’hui.

 

« Je pense que le gars qui est là juste pour ça, ça n’a plus sa place. Il faut que tu sois capable de jouer. Je suis le premier à penser ça. Mais dans la game d’aujourd’hui, les combats ont encore leur place. »