Brian St-Louis, l’autre Québécois d’Équipe Canada junior
Mondial Junior samedi, 4 janv. 2020. 09:09 lundi, 16 déc. 2024. 23:24OSTRAVA, République tchèque – C’est congé pour Équipe Canada junior au lendemain de sa victoire contre la Slovaquie. La plupart des joueurs ont décidé de passer le temps en allant au zoo. À l’hôtel, les entraîneurs affinent le plan d’attaque en vue du match du lendemain contre la Finlande. Alors que seulement deux victoires séparent le programme canadien d’une deuxième médaille d’or en trois ans, c’est le calme avant la proverbiale tempête.
Mais pour Brian St-Louis, l’ordre des choses est inversé. Si tout va bien, il boira tranquillement son café en se mettant à jour sur les derniers potins quand les joueurs, reposés et concentrés, remettront les pieds à l’aréna le lendemain matin.
Pour l’instant, il n’a pas le temps de s’arrêter. Les jours de repos n’existent pas vraiment pour les gars de l’équipement.
« Pis c’est ben correct comme ça! », lance l’homme de 49 ans en nous accueillant près du vestiaire qu’il est en train d’aménager en vue du retour au travail de ses protégés.
St-Louis, l’un des deux Québécois qui travaillent dans l’ombre avec Équipe Canada junior, en est à son huitième tournoi dans le rôle de gérant de l’équipement avec Hockey Canada. Au même titre qu’Alexis Lafrenière ou Raphaël Lavoie, sa carrière est née d’une passion plutôt que d’un plan bien établi. La seule différence, c’est qu’à l’endroit où les autres apprenaient à manier la rondelle, lui appliquait le ruban adhésif. Ses plus vieux souvenirs le ramènent avec les Citoyens de Hull, le club pee-wee de sa ville natale.
« Mon frère jouait, mon père était le gérant et moi, je remplissais les bouteilles d’eau. J’étais juste un petit jeune qui traînait à l’aréna. Un jour, le thérapeute des Olympiques m’a appelé pour me dire qu’ils cherchaient un préposé aux bâtons. C’était en 1986, juste après la grosse année où ils avaient gagné avec Luc Robitaille, Guy Rouleau, Sylvain Côté... C’est comme ça que j’ai embarqué. »
À lire également
St-Louis passe les onze années suivantes à l’emploi des Olympiques. En 1997, alors que sa ville natale s’apprête à accueillir le tournoi de la Coupe Memorial, il reçoit un coup de fil de Daniel Bissonnette, l’entraîneur-chef de la nouvelle franchise qui s’implantera l’année suivante à Baie-Comeau.
« Je ne connaissais personne à Baie-Comeau. Dan avait travaillé à Granby une couple d’années auparavant, on s’était peut-être croisés là-bas. C’est un petit monde. Il cherchait quelqu’un d’expérience et m’a demandé si j’étais intéressé à le rejoindre. Mais on commençait les séries, on avait la grosse équipe. J’ai écouté, mais ça m’a un peu sorti de la tête. »
Bissonnette revient à la charge à la fin de la saison. St-Louis, qui devait se marier cet été-là, discute de ce projet un peu fou avec sa femme. Ensemble, ils décident de se lancer. Élevé à dix minutes de marche du vieux Centre Robert-Guertin, St-Louis fait ses valises et déménage sur la Côte-Nord. C’est là que naîtront ses deux garçons, Brendan et Olivier.
Un travail aux multiples facettes
En 2011, St-Louis reçoit un autre appel qui va changer sa vie. Avec le Drakkar exclu des séries, Shawn Bullock, un haut placé chez Hockey Canada, lui demande s’il serait intéressé à se joindre au programme national pour le Championnat du monde des moins de 18 ans à Dresde, en Allemagne. Il accepte sans hésiter.
St-Louis devient rapidement un membre de la famille. Au mois de juin suivant, on l’invite à s’embarquer pour son premier Mondial junior, en Alberta. Il répète l’expérience l’année suivante à Ufa, en Russie. Depuis 2018, le prestigieux tournoi est pour lui un rendez-vous annuel.
À Ostrava, St-Louis fait partie d’une petite équipe constituée d’un autre préposé à l’équipement, un préparateur physique et deux thérapeutes sportifs, dont Kyle Sutton, un employé des Cataractes de Shawinigan. À la mi-décembre, le quintette est parti d’Oakville, où avait lieu le camp de sélection, avec six mallettes contenant tout ce qu’il leur faut pour aider les joueurs à se sentir le plus près possible de la maison.
« De la lotion de massage, du fil, des aiguilles, du tape, du velcro, de la gomme, des ventilateurs, les tableaux pour les coaches... tout est là, énumère St-Louis. C’est beaucoup de stock, c’est intimidant au début, mais on s’habitue vite. »
La base du travail d’un responsable de l’équipement englobe toutes les tâches qu’on serait porté à lui prêter. St-Louis prépare des bâtons, aiguise des patins, entretient les uniformes, répare ce qui est brisé et distribue tous les accessoires qui peuvent faciliter la vie de ses joueurs.
Mais le mandat qu’il se donne dépasse les conventions. Avec l’expérience qu’il possède dans le métier, il se voit aussi en partie comme un conseiller, un confident et un fou du roi.
« Je pense que le fait d’être parent m’aide dans mes tâches, dans ma façon de connecter avec les gars, estime celui dont le fils aîné évolue avec le Drakkar et le cadet au niveau Midget Espoir. J’essaie d’être friendly. Quand j’ai commencé, le staff était dur d’approche. J’en ai vu, des cris et des chicanes. Aujourd’hui, tout est axé sur les relations humaines. Ça exige beaucoup de patience, mais on se parle, on essaie de se comprendre, c’est beaucoup plus calme. Je suis là pour aider, pour leur donner ce dont ils ont besoin. Et j’essaie juste d’être chummy avec eux. J’aime ça faire des farces. Les one-liners, je suis quand même assez solide là-dessus. »
Une équipe facile
L’édition 2020 d’ÉCJ est un groupe facile à vivre qui rappelle à St-Louis celui qui a raflé l’or à Buffalo il y a deux ans.
« Hayton aime avoir un bâton frais avant chaque match. La glace ici est un peu plus dure, alors en deuxième période, les gars vont commencer à sentir que leurs lames sont moins coupantes. Mais sinon, rien d’hors du commun. Les gars sont vraiment low maintenance. »
Sans faire de favoritisme, St-Louis avoue avoir développé un lien particulier avec les autres Québécois de la délégation.
« ‘Laf’, je l’avais l’année passée. Quand il est arrivé au camp, c’est sûr que tous les yeux étaient rivés sur lui, c’était LE gars. Le fait qu’on ait appris à se connaître dans le passé, je pense que ça l’a sécurisé un peu. Ça lui donne quelqu’un qu’il connaît. »
« Olivier Rodrigue, ça fait des années que je le connais parce qu’il a joué Midget AAA avec mon plus vieux. J’ai aussi eu son père Sylvain au roller-hockey avec l’équipe d’Ottawa en 1995 et son plus jeune frère a joué avec mon plus jeune dans les équipes élites régionales.
« Benoît-Olivier Groulx, on se connaissait à cause de son père. Raphaël Lavoie, un autre Québécois. Pour eux, c’est le fun d’avoir la chance de pouvoir parler en français avec un membre du staff. »
St-Louis a connu des joies et des peines depuis toutes ces années passées avec l’équipe nationale. Il a gagné le bronze en 2012 et l’or en 2018. Il a aussi vécu la quatrième place de 2013 et la sixième place de l’an dernier.
« Cette année, on est en bonne position », dit-il avec un sourire prudent avant de retourner dans son vestiaire.