MONTRÉAL – Thomas Chabot venait de passer près de 44 minutes sur la patinoire – 44 minutes pendant lesquelles il avait transporté l’équipe canadienne sur ses épaules - quand il s’est présenté dans les coulisses du Centre Bell, le regard vide et les yeux rougis, tard jeudi soir.  

Le fier Beauceron, qui venait tout juste d’être élu le joueur par excellence du Championnat du monde de hockey junior, jurait qu’il lui aurait resté de l’énergie pour continuer. En fait, c’est-ce qu’il aurait préféré faire plutôt que de voir le match de sa vie se terminer sur une séance de tirs de barrage.

« C’est ça qui me fâche encore plus. On a tellement eu de chances en prolongation, puis tu arrives en tirs de barrage et ça peut aller d’un côté comme de l’autre. Je pense que c’est ça qui m’a déchiré en deux encore plus à la fin du match. Je n’enlève rien aux Américains, mais peut-être que s’il y avait eu une deuxième période de prolongation, ça aurait été différent. »

L’entraîneur-chef Dominique Ducharme a pesé ses mots pendant de longues secondes avant de verbaliser la cruauté du moment.

« C’est le règlement. C’est le règlement et on savait que ça allait être comme ça. Est-ce qu’on aurait aimé marquer avant? Oui et on a eu nos chances de le faire. Et qu’est-ce qu’on dit à nos joueurs? Qu’on est fier de la façon dont ils se sont comportés. Ils ont tout donné. Ils ont formé un groupe uni et se sont investis à 100%. »

Homme de toutes les missions durant le parcours du Canada, Chabot était dans une position peu familière – les deux fesses clouées sur le banc des joueurs – quand Nicolas Roy, le tireur de la dernière chance, a échappé la rondelle avant d’arriver au gardien Tyler Parsons. Le vide qu’il a ressenti quand les Américains ont envahi euphoriquement la surface lui rongeait encore l’intérieur près d’une heure plus tard.

« On a tellement d’adrénaline quand on joue un match, on est tellement excité. C’est tout ça qui est tombé. Je me suis juste assis sur le banc et je n’en croyais pas mes yeux, a décrit l’espoir des Sénateurs d’Ottawa. Ce n’est rien contre Nic! Dans le junior, on s’en va en tirs de barrage et on est stressé. Je ne peux même pas m’imaginer comment se sentaient les cinq gars qui sont embarqués sur la glace ce soir avec 20 000 personnes qui criaient. »

Véritable révélation du tournoi, Chabot n’avait pas le cœur à discuter des compliments et des récompenses individuelles qui lui étaient dirigées en provenance de tous azimuts.

« J’étais rentré dans le tournoi avec l’idée de réparer ce qu’on avait mal fait l’année passée. Soir après soir, j’ai tout fait pour aider l’équipe à gagner et représenter mon pays du mieux que je pouvais. En ce moment, je ne sais pas à quoi penser à part le fait qu’on vient de perdre. »

« L’Effet Terry »

La veille, en demi-finale, Troy Terry était sorti de l’anonymat en marquant trois buts en fusillade pour éliminer la Russie. Son nom allait éternellement être associé à ceux de Jonathan Toews et T.J. Oshie, deux joueurs qui ont marqué l’histoire moderne du hockey internationale grâce à leur opportunisme en tirs de barrage.

En grande finale, Terry a ajouté une couche à sa légende en étant le seul tireur à réussir sa mission en fusillade. Et il l’a fait avec la même stratégie qui lui avait souri un peu plus de 24 heures plus tôt : viser entre les jambes.

« C’est le ‘Troy Effect’, clamait son coéquipier Jack Roslovic après la victoire. Vous avez beau utiliser la technique que vous voulez pour couvrir tous vos angles, vous pouvez vous asseoir en style papillon aussi rapidement que vous le voulez... Peu importe ce que vous faites, il va trouver ce trou. »

Pourtant, Terry dit qu’il n’avait pas prévu y aller pour le proverbial « cinquième trou » avant de se lancer à l’assaut du filet défendu par Carter Hart.

« J’avais un peu peur de l’essayer après l’avoir réussi aussi souvent la veille. Mais en descendant vers le but, j’ai vu que le trou était ouvert, alors j’ai décidé de tenter de nouveau ma chance et de me croiser les doigts pour que ça marche! »

Roslovic dit que la précision de Terry en échappée représente sa marque de commerce depuis que les deux se suivent dans le programme de développement américain, une révélation contestée par le franc-tireur lui-même.

« Je n’avais jamais vraiment été considéré comme un spécialiste de la fusillade avant le tournoi. Toute cette confiance, je la puise dans ce que j’ai réussi hier », jurait le héros du match.

Terry avait reçu un message d’Oshie sur Twitter après son exploit contre la Russie et une conversation publique avec son bon ami Auston Matthews avait pratiquement fait exploser les réseaux sociaux. De pur inconnu, ce choix de cinquième ronde des Ducks d’Anaheim est devenu une petite célébrité au Mondial junior.

« Les deux derniers jours ont été formidables », a-t-il résumé.