Quand les joueurs du Canada sont partis pour Sotchi, on ne les attendait pas ailleurs qu'en finale. Depuis le début du tournoi olympique, on a douté plusieurs fois qu'ils puissent s'y rendre. Les amateurs de hockey canadiens ont longtemps retenu leur souffle et même si tout le monde est maintenant plus optimiste, on est encore loin des moments de célébrations qui accompagneraient une médaille d'or.

La troupe de Mike Babcock a disputé un très fort match pour écarter de sa route la puissante offensive des États-Unis. Ce ne fut pas un affrontement spectaculaire. N'eut été de l'extrême importance du résultat, les deux équipes ne nous auraient pas gardés sur le bout de notre siège. Toutefois, ce fut un match bien joué, presque exempt d'erreurs. L'unique but de la rencontre, marqué par Jamie Benn, a été le résultat d'une très belle pièce de jeu entre le défenseur Jay Bouwmeester et lui sur laquelle le gardien Jonathan Quick n'a pu rien faire. Donc, il n'y a pas eu d'erreurs coûteuses dans un camp comme dans l'autre.

Pour la seconde fois en autant de jours, les États-Unis ont trouvé chaussure à leur pied contre le Canada au hockey. De justesse, peut-être, mais ils n'auraient jamais voulu que leurs espoirs de gagner l'or soient brisés par le pays voisin. On était en face de deux très grandes rivalités dont les sources de motivation étaient l'orgueil et la fierté.

On ignore comment la défaite américaine sera perçue au pays de Barack Obama, mais on n'a pas de mal à imaginer l'énorme critique qui se serait abattue sur l'organisation canadienne s'il avait fallu que le contraire se produise. On aurait probablement contesté le choix du gardien, les entraîneurs auraient entendu parler de P.K. Subban et de Martin St-Louis et on aurait fait porter tout le blâme à Sidney Crosby pour cet échec national, comme on le fait en Russie avec Alexander Ovechkin.

Contre la Suède, il est difficile de prévoir ce qui se passera, mais si les choses ne tournent pas comme prévu pour le Canada, l'équipe aura au moins la consolation de s'être battue jusqu'à la fin. Pour l'instant, l'équipe semble partie pour la gloire. Elle a le contrôle de son propre destin, à l'instar de l'équipe féminine, qui a semblé avoir été guidée par sa destinée (surtout quand ses rivales ont touché le poteau après le retrait de la gardienne de but en fin de match).

Malgré tout, il est un peu étrange de voir leurs collègues masculin se présenter en finale pour disputer la médaille d'or considérant certains facteurs.

Par exemple, on a réussi l'exploit sans que le meilleur joueur du monde obtienne un seul but. Jonathan Toews, marqueur numéro un de l'équipe aux Jeux de Vancouver, a été, tout comme Crosby, limité à deux passes en cinq matchs.

Contre l'équipe la plus puissante que le Canada ait affronté jusqu'ici, ce laissez-passer pour la finale a été obtenu dans le match où la formation canadienne a marqué le moins de buts.
Il y a pas moins de six marqueurs de 25 buts qui portent ce chandail, dont Martin St-Louis. Cela signifie que huit attaquants du Canada ont marqué moins de buts que St-Louis dans la ligue cette saison, mais ils ont tous joué plus souvent que lui. De ces six meilleurs francs-tireurs, seuls Ryan Getzlaf et Patrick Sharp ont touché la cible.

Neuf attaquants sont toujours en quête d'un premier but. D'une façon plus étonnante encore, un trio qui ferait normalement un malheur dans la Ligue nationale, celui formé de Chris Kunitz, Crosby et Patrice Bergeron, n'a rien produit.

Finalement, le talent offensif assez exceptionnel du Canada n'a rapporté que deux buts en 10 supériorités numériques.

Néanmoins, le Canada conserve toujours d'excellentes chances de remporter une troisième médaille d'or à ses quatre derniers Jeux olympiques. C'est assez étonnant quand on y pense.

Les Américains, pour leur part, se demandent sans doute ce qu'ils doivent faire pour y arriver, eux qui croyaient vraiment en leurs chances de devenir les prochains champions olympiques. Ils n'ont pas mérité l'or depuis le « Miracle de Lake Placid » en 1980. Ils n'ont pas gagné la moindre médaille olympique à l'extérieur de l'Amérique depuis l'année de la Série du siècle, il y a 42 ans. Ils pourront mettre fin à cette période de disette s'ils méritent le bronze contre la Finlande dans le match consolation.

Ils ont frappé un mur

La différence pour le Canada, c'est Carey Price qui l'a faite. Le gardien du Canadien, qui a du mal à être reconnu dans sa propre cour à Montréal, a accordé trois buts en quatre sorties. Contre les États-Unis, il a repoussé 31 rondelles d'une façon solide et avec l'assurance d'un gardien en mission.

Si l'équipe américaine, qui pourra au mieux rentrer à la maison avec une médaille de bronze, a perdu ce duel au cours duquel chacun de ses membres s'est bien comporté, elle peut blâmer Price qui a ainsi remporté une septième victoire consécutive. Arrivé à Sotchi après avoir gagné ses trois derniers match avec le Canadien, il vient de rajouter quatre autres victoires dans un climat de grande tension alors que l'inertie de ses coéquipiers ne lui a jamais permis de respirer à l'aise.

St-Louis humilié

Martin St-Louis n'est pas du genre à livrer ses états d'âme en pareilles circonstances, mais on imagine qu'il s'est senti profondément humilié en passant tout le match sur le banc.

C'est à se demander s'il n'aurait pas été préférable de lui accorder un congé. On lui aurait ainsi évité cet affront. Difficile de critiquer les décision d'un entraîneur dont l'équipe n'a encore encaissé aucune défaite, mais même s'il est toujours un joueur rapide malgré ses 38 ans, on n'a pas jugé bon de faire appel à son expérience pour remplacer John Tavares, sérieusement blessé à un genou.

Un joueur qui a connu toute une carrière et qui a beaucoup donné au hockey ne méritait pas un sort pareil.