Étienne Marquis JEAN PERRON Profil d’un vainqueur

Jean Perron s’est assuré à ce que les joueurs comprennent qu’ils sont payés 12 mois par année et qu’ils doivent s’entraîner en conséquence; l’organisation fait un suivi et une évaluation constante. Perron explique que Raymond Bourque a été un des premiers joueurs à avoir un entraîneur personnel durant l’été; alors on comprend mieux qu’au camp d’entraînement, il y a des parties de céduler dès le début./

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Au camp du CH, on renvoie Dave Maley dans l’américaine, il a des problèmes de boisson; Corson aussi mais il a des habilités comme joueur et vient de livrer tout un combat à John Kordic et il a eu le dessus ! La Coupe Stanley a enflé la tête a son personnel et Perron constate que l’égo de certains joueurs comme Stéphane Richer, Claude Lemieux et Sergio Momesso a pris des proportions inquiétantes./

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Au début de la saison, Jean a de la difficulté avec l’indiscipline sur glace de Kris Nilan : il prend de mauvaises punitions. Puis il est jamais de bonne humeur; heureusement, Bob Gainey le remet à sa place. D’après Perron, il nia que Gainey et Larry Robinson qui peuvent se permettre de remettre un joueur à sa place d’une telle manière. Avec ses spécialistes en physiothérapie, on pèse les joueurs 2 fois la semaine et on leur fait faire des échauffements avant et après les parties, l’intérêt en étant de diminuer les blessures. Jean Perron doit s’impliquer directement auprès de Lemieux et Richer; ils ont le même agent et ils n’écoutent plus le coach ni l’un ni l’autre. Perron a appris de Jacques Laperrière que c’est leur agent Pierre Meilleur qui est responsable de leur problème d’attitude : Jean leur dit que c’est lui le patron et que s’ils veulent jouer, c’est avec lui qu’ils doivent s’entendre. Au début de la saison, survient un grave problème d’éthique; Brian Hayward, Shayne Corson et Chris Chelios sont accusés d’attentât à la pudeur. On réussit à régler le problème hors cours avec les sous de la direction; Perron aura Corson et Chelios à l’œil. Lors d’un voyage dans l’ouest, Guy Carbonneau et Chris Nilan sont suspendus pour ne pas avoir respectés le couvre-feu./

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Jean Perron s’estime chanceux de travailler avec Jacques Laperrière; Jacques prend le temps d’expliquer à chaque défenseur ce que l’on attend de lui, comment se positionner pour une situation donnée ou une autre, comment sortir la rondelle lui-même de sa zone ou la façon de la passer à un ailier. Après la partie théorique, Laperrière les fait pratiquer avec patience accordant le temps voulu aux plus jeunes qui doivent en faire plus ou à ceux qui n’ont pas joué la veille; Laperrière a le don pour rendre les entraînements intéressants. En fait, Jacques pourrait passer la journée sur la patinoire à enseigner en autant qu’on ne lui demande pas de parler aux journalistes. Par rapport à eux, il est comme Jacques Lemaire./

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Parlons des séries 86–87; d’abord la troupe de Perron élimine les Bruins en 4 parties consécutives, puis ce fût au tour des Nordiques. Michel Bergeron tente d’utiliser les médias en décrivant les Nordiques comme l’univers francophone et le Canadien comme l’establisment anglophone. Marcel Aubut laisse filtrer quelques scoops qu’il passe en douce à son ami Réjean Tremblay, lequel est toujours prêt à jouer la carte de la grande émotivité; Michel Blanchard non plus n’est pas très tendre envers le CH, qui d’après Perron n’a pas la cote du côté des journalistes. Le balayage de Boston a donné 8 jours de congé aux Canadiens et Roy est tout à fait rouillé au 1er match et accorde 7 buts; Jean Perron fait appel à Brian Hayward lors du second match. Il stoppe l’hémorragie mais le Canadien n’enregistre qu’un but et perd 2 à 1. La série est à l’avantage des Fleurs de Lysée 2 à 0; Jean Perron réunit ses vétérans et on en déduit que l’agressivité de Wilfrid Paiement dérange beaucoup dans le camp de la sainte flanelle. Le troisième match va à la fiche de Brian Hayward; le choix du gardien est explicable du fait que Roy n’avait pas gagné de l’année à Québec. Au quatrième match, toujours joué à Québec, Mario Gosselin, le cerbère des bleus, accordera un très faible but à Mats Naslund sur un tir du centre de la patinoire et la série sera égale 2 à 2 ! Le cinquième match est l’affaire de Kerry Fraser et du but d’Alain Côté; erreurs d’arbitrage et gaffes du côté du coach, le débat restera ouvert aussi longtemps qu’il y aira des témoins pour en parler. Montréal a les devants 3 à 2. La partie suivante a lieu à Québec; Montréal a pris les devants et mène 2–0 après 2 périodes. Lemieux a par ailleurs motivé les adversaires en pointant le tableau indicateur; l’assistant-coach de Bergeron, Guy Lapointe fait toute une sortie dans le vestiaire sur l’honneur et la fierté pour motiver Québec à revenir dans le match. Et cela fonctionne, les Nordiques nivèlent le score puis une combinaison de Peter et Anton Stastny donne le but gagnant, en prolongation; il reste une partie et elle sera vitale. Finalement, le Canadien dominera le dernier match avec Brian Hayward dans les buts, quelle série ! Petite question : pourquoi Patrick Roy n’a-t-il pu garder les buts après le 1er match ? à cause des 7 buts alloués, no way lisez ceci

Eh ! Tu devrais te rappeler que c’est moi qui a sauvé ta job l’an passé. Si je n’avais pas eu les séries que j’ai eues, t’aurais été dehors, coach !

Quel manque de diplomatie, un vrai fanfaron ce gardien, avec ce manque de tact, il est loin de la classe des Jean Béliveau, Dickie Moore et compagnie. Comme dit Jean Perron, à Montréal, un joueur ne sera jamais plus grand que l’équipe; Roy aurait dû se rappeler que c’était Perron qui lui avait ouvert la porte du CH mais avec un tel égo, la reconnaissance passait après. Toujours est-il que ce fût avec Brian Hayward que le Canadien s’engagea dans cette série finale de Conférence contre les puissants Flyers de Philadelphie avec Mike Keenan comme coach; Philadelphie avait terminé second au classement final et leur gardien, Brian Hextall était au sommet de son art et très dangereux avec son bâton./

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Cependant comme coach, Perron se devait d’y aller avec son alignement le plus fort et de piller sur sa propre fierté; pourtant, le CH rentre à la maison avec une série égale de 1 à 1 et regarde l’avenir avec optimisme. Au cours du 3ième affrontement, les Flyers sont dominés 19 à 5 au niveau des chances de marquer mais Bryan Hayward est inefficace. Jean Perron fait mea culpa et revient avec Roy pour le 4ième match; cependant, Patrick n’a aucun synchronisme et il est retiré avant la fin du match. Pourtant, le Canadien a encore de l’énergie en banque et va gagner à Philadelphie avec Hayward dans les buts.

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Puis survient un incident qui a été presqu’aussi discuté que le but d’Alain Côté; une bagarre générale éclate avant le début du match suivant à Montréal, pendant la période d’échauffement alors que Jean Perron est au vidéo. Claude Lemieux avait pris l’habitude, une de ses manies qu’ont les joueurs, d’aller faire un but dans le filet désert à la fin de la période d’échauffement des 2 équipes; cependant, les Flyers ont prévu le tout, un joueur l’attend caché derrière leur banc et de fil en aiguille, tout le monde est sur la glace. Sauf que l’alignement partant du CH est de la mêlée alors que du côté de Philadelphie, on s’est un peu ménagée. Mike Keenan a dû regarder la WWF et a retenu quelques tactiques ! Malgré tout, le Bleu Blanc Rouge prendra les devants mais Brian Hayward ne sera pas en mesure de protéger le fort; les séries 1987 sont finies à Montréal./

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En travaillant pour l’équipe olympique canadienne, Jean Perron s’est habitué à faire de longues séances vidéo; cela se comprend assez bien, à ce niveau, on ne voit pas très souvent les équipes rivales. En arrivant avec le Canadien, Perron a gardé cette habitude étant donné que Jacques Lemaire aimait bien procéder de cette façon. Puis en prenant lui-même le contrôle et en analysant qu’il n’avait pas le vécu professionnel de Lemaire, cette tendance à tout préparer par le vidéo s’est amplifiée. Perron ne voulait pas tout changer après la saison 1987 : tout de même une finale de Conférence, ce n’est pas si moche. Mais il voulait mettre un fait en pratique pour l’année qui s’en venait; il voulait se rapprocher de ses joueurs. C’est qu’il prenait conscience qu’il n’était pas un motivateur à la Jacques Demers ou à la Michel Bergeron : il était un tacticien à la Mike Keenan pour qui la physiologie, la biomécanique, la préparation physique, la stratégie et toutes ces notions primaient. Mais au niveau du contact humain, il pouvait faire plus, du moins c’était là son intention.

1987, Perron est invité comme entraîneur-adjoint au tournoi de Coupe Canada; il verra non seulement Wayne et Mario mener le pays à la Coupe mais assistera aux prises de becques entre nos vedettes et Mike Keenan qui n’est pas très délicat. Ensuite, il se retrouve au camp du Canadien et veille à ce que ses joueurs fassent le poids exact qui leur est assidu; les jeunes ont pris de la maturité et c’est apprécié. Toutefois, Perron s’entend toujours aussi mal avec Chris Nilan; Nilan irrité joue de travers et quand c’est le cas, Perron le garde sur le banc. C’est un cercle vicieux; aussi quand Nilan prend une bière ou deux, Jean pense à son père qui est un peu alcoolique et il surveille Chris de bien près./

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Perron note qu’il y a relâchement quand l’équipe joue dans sa division. En général, il trouve que ses joueurs ralentissent en 3ième période et se font remonter. À l’étranger, ils ont tendance à donner la rondelle à l’adversaire en zone neutre et les défenseurs sont mous devant leur filet. Laperrière doit répéter aux défenseurs qu’il faut jouer avec l’horloge; on ne fait pas les même jeux au début et à la fin d’une partie. Cette leçon était une spécialité de Doug Harvey; alors Perron et Lappy montrent aux défenseurs comment sortir de leur zone en faisant une courte passe. Perron insiste énormément sur la concentration des joueurs, quitte à refaire souvent les mêmes exécutions de base.

Son autre marotte c’est la discipline; il déplore entre autres que les francophones en manquent. Carbonneau demandera des explications jusque dans son bureau; Guy argumente que les francophones sont justes plus directs, qu’ils se cachent moins. Mais s’il y a un point que tout le monde s’entend pour discuter, c’est son temps de glace; Corson qui a été privé d’une partie à cause d’une cravate qu’il s’évertue à ne pas porter, fait venir son père et tout le monde se retrouve au bureau de Serge Savard ! Chris Chelios critique l’utilisation de 6 défenseurs. Chris Nilan trouve que Claude Lemieux joue trop longtemps. Par contre, l’équipe gagne; elle est au 2ième échelon du classement général, derrière Calgary. La situation autour de Nilan empire; non seulement il joue mal mais des joueurs vont voir Perron pour ne plus jouer avec. Un match à Québec, le gros Donnelly saute sur Petr Svoboda pour lui donner une raclée; Nilan est juste à côté et ne fait rien. Pire après le match, il rajoute :

Si vous pensez que je vais me battre pour un coach de même

Perron demande à ce que l’on en fasse un exemple; il sera échangé aux Rangers de New-York et les fans ne l’oublieront pas de si tôt. Je trouve intéressant d’ajouter que Perron a eu une peur énorme de lui annoncer la nouvelle; il s’attendait que cela soit Savard comme selon le protocole qui ait à le faire mais Serge fût retenu à cause d’un décès et Perron croyait qu’il se ferait sauter dessus mais, au contraire, Chris a réagi en vrai gentleman !

Puis Jacques Lemaire, qui n’a jamais été en mesure de supporter le stress de coacher à Montréal, se mêle du processus décisionnel de Perron. Pendant un voyage dans l’ouest, pourtant victorieux, Lemaire se plaint auprès de Savard que Perron a difficulté à mener sa barque; l’assistant-directeur et le coach font le point mais la porte est ouverte et le dissident fait jour. Pour rajouter à l’ambiance, diriger Claude Lemieux n’est pas une sinécure; grande gueule et bande à part, même Yvon Lambert, son coach dans le junior, l’avait laissé sur le bord de la route à Chicoutimi à cause de son comportement. Claude a le don de se mettre tout le monde à dos; un soir, il casse tout dans le vestiaire et dans le corridor. Jean qui tient à son code de discipline essaie de le mettre à l’ordre. Le Canadien termine 2ième au classement général (103 pts) ?

Chelios, Svoboda et Corson font un accident passé le couvre-feu juste avant les séries; ils ont frappé un lampadaire. Shayne Corson est blessé mais n’en dit rien au coach et se traîne jusqu’au premier match contre les Whalers pour miner une blessure au 1er impact. Le tricolore élimine Hartford mais Boston met fin à une disette de 30 ans en séries contre Montréal et s’assure un gain relativement facile; une belle saison qui se termine en queue de poisson.

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Serge Savard tempère un peu l’incident mais Ronald Corey se rappelle que Chelios et Corson ont aussi eu des problèmes avec une mineure; il est en beau fusil parce que l’image du club a été atteinte dans son intégrité. Savard accepte que Perron aille prendre des vacances en Guadeloupe avant de renégocier son contrat. Parlons-en de vacances : Jean reçoit des tas d’appel et même une journaliste, Danielle Rainville, est sur place pour tenter de l’interviewer. Pourtant, Perron appelle Savard qui lui dit de prendre cela relax et qu’ils en discuteront au retour; mais à Montréal, le journaliste Mario Tremblay a répandu la nouvelle que Savard et Corey congédierait Perron. Au retour de la Guadeloupe, Perron rencontre Savard; le grand Serge est incapable de nier les affirmations de Tremblay. L’aventure est finie pour Jean Perron; on le congédie quand il est en nomination pour l’entraîneur de l’année. Le prétexte qu’on va répande c’est son manque de contrôle sur l’indiscipline.

À coup sûr, Jean Perron s’en voudra tout le temps de ne pas avoir accepté de renégocier son contrat en pleine saison quand Savard lui a offert de le prolonger de 3 ans !