MONTREAL (AFP) - L'attribution mardi du siège de l'Agence mondiale antidopage (AMA) à Montréal couronne la longue marche déterminée menée par les autorités canadiennes contre le dopage dans la foulée de l'affaire Ben Johnson qui avait consterné la population en 1988.

"Ca nous lave de Ben Johnson", a commenté mardi une jeune journaliste canadienne après l'annonce à Tallinn de la désignation de Montréal comme ville-siège de l'AMA.

"C'est la reconnaissance d'une compétence, de ce qui se fait déjà au Canada dans le cadre de la lutte contre le dopage dans le sport", a souligné pour sa part Christiane Ayotte, directrice du laboratoire de contrôle du dopage de Montréal, le seul au Canada reconnu par le Comité international olympique (CIO).

En 1988, le sprinteur canadien Ben Johnson, vainqueur du 100 m des JO de Séoul, avait été disqualifié pour dopage.

Après ce premier électrochoc pour le Canada, le sprinteur avait de nouveau été convaincu de dopage en 1993 à Montréal et suspendu à vie par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF). "Il a discrédité le Canada", disaient alors ses compatriotes.

Scandale

La pente était longue à remonter, même si la présidente de l'époque du Comité olympique canadien, Carol Ann Letheren, avait estimé que le comportement de l'athlète n'était représentatif ni de celui des autres sportifs canadiens, ni du manque d'efficacité du programme des contrôles antidopage.

Les errances de Ben Johnson avaient incité le gouvernement canadien à mettre en place, en octobre 1988, la "commission Dubin sur le dopage dans le sport amateur". Cette commission rendait son verdict deux ans plus tard, affirmant que le Canada avait besoin d'une agence complètement indépendante de tous les pouvoirs, gouvernement comme fédérations, préconisant aussi la création d'une agence mondiale antidopage.

Le Centre canadien pour l'éthique dans le sport (CCES) - un des premiers organismes du genre, selon un de ses responsables, Paul Melia -naissait en 1991.

"Cela nous permet aujourd'hui d'être au tout premier rang de la lutte contre le dopage", et le choix de Montréal est "un aboutissement naturel dans notre combat", a expliqué M. Melia.

Cependant, le gouvernement canadien avait commencé à se préoccuper du problème bien avant l'affaire Ben Johnson.

Electrochoc

En 1983, plusieurs sportifs canadiens avaient été contrôlés positifs au Jeux panaméricains de Caracas, boycottés par des athlètes américains qui avaient refusé les contrôles antidopage.

Les autorités canadiennes avaient alors décidé de mettre au point leurs propres tests pour les jeux Olympiques de Los Angeles en 1984. Le laboratoire de contrôle du dopage de Montréal avaient commencé à travailler sur la mise au point d'outils de dépistage rigoureux.

En 1991, Mme Ayotte a pris la direction de ce laboratoire. Sa détermination inébranlable lui a valu le surnom de "petit curé". Outre Ben Johnson pour ses 2e et 3e infractions, ce laboratoire a épinglé des athlètes aussi prestigieux que le sauteur en hauteur cubain Javier Sotomayor et le sprinteur américain Dennis Mitchell. Mme Ayotte participe actuellement à des comités de l'AMA.

Pour elle, cependant, l'affaire Ben Johnson n'a pas réveillé seulement le Canada, elle a constitué un électrochoc pour le milieu sportif international.

"Jadis, a-t-elle confié de Tallinn à l'AFP, on croyait que c'était un phénomène isolé, on pensait seulement que cela concernait les Russes et les Allemands de l'Est, et on pensait que ce qui était fait était suffisant. Avec Ben Johnson, le dopage est devenu non point un problème canadien, mais un problème mondial".