(Sportcom) - « Il n'y a pas que les trois premières places qui sont importantes. C'est pour ça que je dis que la compétition, je n'en ferai pas tout le temps, et ça ne me dérangera même pas quand je vais arrêter, parce que je suis fière de ce que je fais. Tout ce que je veux, c'est continuer à courir pour le plaisir, pour le reste de ma vie. » Voilà à quoi se résumait la philosophie d'Émilie Mondor.

Samedi après-midi, la coureuse originaire de Mascouche est décédée dans un accident de la route sur la route 417, dans la région de Hawkesbury. Son départ a semé une immense tristesse chez ceux qui ont eu le privilège et le plaisir de la côtoyer.

Achraf Tadili, coureur de 800 m, était de ceux-là. « Ce qui est bizarre, c'est que je n'avais pas supprimé le dernier courriel qu'elle m'avait envoyé mercredi dernier. Elle me parlait de son déménagement (à Ottawa), qu'elle était en meilleure forme que jamais et qu'elle était prête pour le marathon. Quand j'ai appris la nouvelle ce matin, je n'arrivais pas à y croire. Je n'ai pas les mots pour décrire comment on se sent quand on apprend une mauvaise nouvelle de ce genre. »

À la fin des années 1990, Émilie Mondor avait pris, sous son aile, le coureur d'origine marocaine qui venait d'arriver au Québec. Elle avait décidé de l'aider à réussir dans son sport et dans son pays d'adoption, alors qu'ils évoluaient tous les deux au sein du club Montréal Olympique. Cette aide s'est poursuivie jusqu'à la toute fin de sa vie.

« Cette fin de saison, j'ai perdu mon contrat de commandite de chaussures et elle m'avait commandé des souliers et des chaussettes pour m'aider. Elle me disait toujours que, si j'avais besoin de quoi que ce soit, elle serait toujours là pour moi », d'expliquer le Lavallois.

Le goût du sport avant celui de la compétition

Avant d'être une sportive de haut niveau, Émilie Mondor était une personne qui démontrait un immense respect pour les « athlètes du quotidien », ceux qui concilient travail, famille et pratique sportive. En entrevue en juillet dernier, lorsqu'elle avait annoncé son passage au marathon, c'est avec passion qu'elle avait expliqué ce que cette épreuve représentait pour elle.

« Je suis prête et ça fait longtemps que j'y pense, avait-elle souligné en entrevue à Sportcom. « Mon expérience aux Jeux olympiques d'Athènes (ndlr : où elle avait terminé 17e au 5000 m) n'a pas été super. J'étais présente à l'arrivée du marathon dans l'ancien stade olympique et ça m'a donné plus d'émotions que ma propre course. Cette épreuve a toujours été pour moi la plus belle épreuve sportive et la meilleure expression de l'exploit humain. »

Après une année post-olympique difficile, où on avait diagnostiqué chez elle un problème qui faisait en sorte que ses os absorbaient peu de calcium, Mondor avait consulté de nombreux spécialistes

L'étudiante qui était sur le point de terminer son baccalauréat en biologie a finalement rencontré une équipe de médecins, qui lui a prescrit un médicament expérimental. Les résultats positifs lui ont permis de recommencer à courir quelques mois plus tard. Celle qui prévoyait s'inscrire à la maîtrise avait toutefois décidé de laisser tomber le 5000 m pour désormais se concentrer sur la mythique distance du marathon.

« Ça sera plus facile pour mon corps de faire des marathons. Mon médecin trouve hallucinante la façon dont mes os ont repris de leur vigueur. Avant, je ne pouvais pas faire autant de distance », avait commenté la première Canadienne à franchir la barre des 15 minutes au 5000 m. « J'étais capable de faire mon entraînement, mais mon corps se brisait avant que je puisse atteindre mes objectifs. Maintenant, je vois ça comme une deuxième chance. Ma période à l'écart de la compétition m'a déconnectée d'une foule de petits détails qui me stressaient. Je n'ai jamais été aussi motivée que maintenant et je me prépare pour le plus gros objectif de ma vie. Si je suis en santé, je sais que je peux faire de bonnes performances. »

Le week-end prochain, l'Olympienne devait d'ailleurs participer à un demi-marathon à Philadelphie en préparation pour celui de New York, au début novembre.

« Je m'en viens rejoindre ton club au mois de novembre! », avait-elle lancé à la blague à l'auteur de ces lignes, qui avait déjà couru des courses sur cette distance.

Cet exemple démontre bien la personne qu'elle était. Émilie Mondor ne courait pas pour les médailles ou l'attention médiatique. Elle courait pour le plaisir.

« Quand je finis ma journée et que j'ai atteint mes limites, je suis satisfaite », soulignait-elle en entrevue en juin 2005. « Et ça, je peux le faire toute seule, que ce soit à l'entraînement ou ailleurs. C'est pour ça que mes héros sont plus des messieurs et madames Tout-le-monde du quotidien, qui sont capables de jongler avec la vie, les études, le travail et l'entraînement, chose que trop d'athlètes ne sont pas capables de faire. J'en ai vu des pantins manipulés par des entraîneurs ou une équipe et qui manquaient de colonne vertébrale. Mais dès qu'ils perdent et qu'ils arrêtent le sport, ils ne savent plus où ils vont dans la vie. Que vont devenir ces personnes plus tard? »

Arrivée à un jeune âge dans le monde de l'athlétisme professionnel, elle a souvent été confrontée à la dure réalité de ce sport où l'argent fait souvent la loi entre les athlètes, les organisateurs d'épreuves et les agents. Et malgré les moments de découragement, où elle a vu des athlètes inconnues surgir de nulle part pour la devancer, Émilie Mondor a fait les choses à sa façon, c'est-à-dire en respectant des valeurs profondément ancrées chez elle, soit l'intégrité et le dépassement de soi. « Et sans dopage », qu'elle tenait à ajouter.

Mais au-delà de cette image de l'athlète fonceuse, Émilie Mondor se faisait un devoir de redonner à son sport et à la communauté. Dès qu'elle avait un moment de libre, elle allait rencontrer les jeunes dans les écoles. Le message qu'elle leur transmettait n'avait rien à voir avec des médailles.

« Ce qui compte, ce n'est pas de devenir champion canadien ou champion du monde, c'est d'être fier de ce que tu fais, d'avoir un rêve et d'atteindre tes limites. Si ton rêve est d'avoir un beau jardin, c'est très bien ainsi ». Pour Émilie Mondor, il fallait montrer aux jeunes l'importance d'avoir des objectifs dans la vie et de travailler fort pour les atteindre, peu importe le domaine.

« Quand je me couche le soir, je veux avoir fait quelque chose de constructif et ne pas avoir de regrets », avait indiqué la jeune femme en entrevue il y a un peu plus d'un an.

En ce samedi maussade de septembre, Émilie Mondor nous a quittés et, maintenant, c'est nous qui la regrettons. Merci Émilie et bonne course.

Les gens du public qui désireront rendre un dernier hommage à Émilie Mondor pourront le faire le vendredi le 15 septembre au salon funéraire Guay de Mascouche.

La messe ainsi que les funérailles devraient être célébrées le samedi 16 septembre.