Vous souvenez-vous de cette scène du premier film de la série Les Boys dans laquelle Bob, joué par Marc Messier, tente de convaincre ses coéquipiers que la victoire est possible grâce à la dureté du mental? Le mental toughness? Cette réplique, souvent citée à la blague par plusieurs sportifs de ligues de garage, fait maintenant partie de la petite histoire du cinéma québécois.

Le discours de Bob fait rire. Pourtant, la science semble de plus en plus démontrer qu’il a probablement raison. Notre cerveau, d’où provient cette force du mental, serait à l’origine de tout!

Dennis KimettoLa revue New Scientist a publié dernièrement un article fort intéressant à ce sujet. On y faisait mention du record du monde masculin au marathon. En 2014, à Berlin, le Kenyan Dennis Kimetto remportait l’épreuve de 42,2 kilomètres en 2 heures 2 minutes et 57 secondes. Il améliorait de 26 secondes la précédente marque mondiale. Un exploit phénoménal pour un coureur qui avait commencé à s’entraîner sérieusement en 2010 seulement.

Dans les heures qui ont suivi la victoire record de Kimetto, plusieurs amateurs et experts avaient pris la parole pour dire que la mythique barrière du deux heures au marathon serait brisée dans un avenir rapproché. Cinq ans? Dix ans? Ce n’était qu’une question de temps tellement les progrès de l’entraînement, de la nutrition et de l’équipement ne cessaient de progresser. Après tout, au cours de la dernière décennie, le record du marathon avait été abaissé de trois minutes!

À cela, les scientifiques sportifs ajoutaient qu’il était impératif de pouvoir compter sur un coureur élite avec une haute capacité d’oxygénation (VO2 Max) et une technique de course impeccable. Si cet athlète participait à un marathon sur parcours plat lors d’une journée avec une température idéale et des lièvres suffisamment rapides pour le guider, alors on pourrait fort probablement descendre sous les deux heures.

L’importance du cerveau

Le dernier élément  pour battre le record, crucial celui-là, était le cerveau.  À cet effet, jamais autant d’études n’ont été réalisées  pour mieux comprendre le rôle du cerveau dans l’effort. Jusqu’à tout récemment, les scientifiques croyaient que les limites de l’endurance humaine étaient uniquement dues à des facteurs physiologiques, soit la manière qu’a le corps humain de réagir dans un environnement donné. Par exemple, vous courez à la chaleur depuis de longues minutes, vous êtes épuisé et n’en pouvez plus, l’acide lactique s’accumule dans vos jambes devenues lourdes alors vous arrêtez de courir.

Votre cerveau a lancé le signal que c’en était assez et qu’il serait dangereux de continuer. Il prend la décision de ralentir ou d’arrêter pour vous protéger. Bref, vous êtes fatigué, ce qui veut dire que vos muscles sont incapables de maintenir la puissance et la forme souhaitées. 

Le cerveau serait donc le grand responsable de nos limites physiques. Une sorte de cran de sûreté inconscient qui s’actionne pour éviter de trop souffrir et de se blesser. C’est ce même cerveau qui nous fait inconsciemment débuter une course plus lentement par temps de canicule. Il perçoit une menace et nous ralentit pour éviter une hausse subite et dangereuse de notre température corporelle.

Et si on parvenait à déjouer les signaux du cerveau? À le convaincre qu’il reste encore de l’énergie pour continuer ou pour aller plus vite. Cela permettrait-il à un coureur élite de battre le record du monde du marathon?

Des études diverses

On a d’abord voulu vérifier si le signal de la fatigue extrême était valable. Pour ce faire, des scientifiques ont demandé à dix joueurs de rugby de l’Université de Bangor, au Royaume-Uni, de pédaler à 90% de leur capacité maximale, une moyenne de 242 watts, jusqu’à l’épuisement total.  Dès qu’ils arrêtaient, totalement vidés, on leur indiquait de pédaler aussi fort qu’ils le pouvaient pour un dernier cinq secondes.  Étonnamment, ils produisaient une puissance moyenne de 731 watts! Ils en ont donc conclu que le cerveau avaient induit en erreur les athlètes et que leurs réserves d’énergie n’étaient pas à sec!

Cette expérience tend à prouver le fameux second souffle que connaissent la plupart des coureurs épuisés lorsqu’ils voient le fil d’arrivée. Soudainement, ils entrevoient la fin de leur épreuve et de leurs souffrances. Inspirés par les  cris des spectateurs, ils se mettent à accélérer et retrouvent une certaine énergie.

Une autre étude britannique a démontré qu’il était possible de déjouer les signaux de fatigues envoyés par le cerveau. Une quarantaine de soldats ont pédalé sur un vélo stationnaire pendant 60 minutes pour évaluer leurs limites physiologiques. Les chercheurs ont ensuite séparé le groupe en deux. Pendant 12 semaines, à raison de trois fois par semaine, on a demandé aux soldats de poursuivre leur entraînement sur vélo mais, petit détail, le deuxième groupe devait effectuer différents exercices intellectuels sur un écran tout en pédalant. 

Résultats, les cyclistes du premier groupe témoin avaient amélioré leurs performances avant épuisement de 42%. En ce qui a trait au second groupe, celui qui exerçait son cerveau, c’est une incroyable amélioration de 126% qui fut enregistré après 12 semaines d’entraînement! Cela semblait démontrer qu’en occupant le cerveau à une autre tâche, il était moins susceptible d’envoyer le message d’épuisement. 

Citons également cette étude réalisée à l’Université de Canberra, en Australie, sur un groupe de cyclistes à qui on avait demandé de réaliser leur meilleur chrono sur quatre kilomètres. Quelques jours plus tard, on les obligeait à enfourcher un vélo stationnaire et à suivre le rythme d’un avatar à leur image sur un écran géant. Cet avatar, leur avait-on dit, avait le rythme de leur meilleur chrono. Mais en fait, il était 2% plus rapide. Pourtant, les cyclistes suivaient sans problèmes. On était parvenu à tromper leur cerveau sur la perception de l’effort. 

Soulignons enfin une dernière étude publiée en 2014 dans le Medicine & Science in Sports & Exercise qui tend à prouver que la dureté du mental peut mener loin chez les sportifs. Cette fois-ci, des scientifiques avaient convaincu des coureurs qu’on leur injectait de l’EPO pour vérifier dans quelle proportion cette drogue augmentait leurs performances. Ces coureurs étaient tous capables de courir un 10 kilomètres en 39 minutes. Après quelques semaines d’injections, ils ont amélioré leurs chronos de 1,2 pourcent en moyenne. C’est une grosse dizaine de secondes de moins sur la distance.  C’est beaucoup lorsqu’on sait à quel point il peut être difficile de retrancher du temps à un chrono.

Seul petit hic pour ces coureurs pseudo-drogués, ils ne s’injectaient pas de l’EPO, mais plutôt une solution saline totalement inoffensive. Un placebo!  Mais parce qu’ils étaient convaincus qu’on leur administrait un produit pour les booster, ils ont couru plus vite! La voilà la puissance ou la dureté ou la force du mental!

Possible en moins de deux heures?

Même si la science nous a démontré que, contrairement aux signaux lancés par le cerveau, le corps peut contenir encore beaucoup d’énergie, est-il envisageable de penser qu’il en resterait assez à un marathonien pour descendre sous les deux heures? C’est tout de même 177 secondes à retrancher. Pourtant, la stimulation et la manipulation du cerveau demeurent des avenues que les entraîneurs n’auront d’autres choix que d’explorer sérieusement. Ils devront réussir à convaincre leurs protégés qu’ils peuvent puiser dans leurs dernières ressources sans danger. 

Le jour où cet exploit sera réalisé, notre cher Bob pourra alors dire qu’il le savait. Qu’il n’y a rien de mieux que la dureté du mental pour réaliser de grands exploits. C’est ça, le mental toughness!