WHITE PLAINS, N.Y. - L'ex-sprinteuse américaine Marion Jones, déchue pour s'être dopée notamment au moment des JO-2000 de Sydney, a été condamnée vendredi par la justice américaine à six mois de prison pour parjure.

Jones, aujourd'hui âgée de 32 ans, est la première athlète de niveau mondial -tous sports confondus- à se retrouver derrière les barreaux pour une affaire liée au dopage.

L'ancienne sprinteuse était jugée pour avoir menti aux enquêteurs fédéraux à trois reprises. D'abord en novembre 2003 dans le cadre de l'affaire Balco, du nom du laboratoire californien qui a fourni des produits dopants à nombre d'athlètes, puis en août et novembre 2006 au sujet de l'affaire de fraudes bancaires impliquant notamment le père de son fils, et lui-même ancien sprinteur, Tim Montgomery.

"Les faits ici sont sérieux. Ils impliquent tous des mensonges réitérés à trois ans d'écart, a justifié le juge Kenneth Karas. (Elle) n'a pas commis une seule faute... mais une série de fautes dans le but de tromper la loi."

"Personne n'est au-dessus de l'obligation de dire la vérité. Et je reconnais qu'il s'agit d'un jour triste pour vous et votre famille", a-t-il ajouté en s'adressant à l'athlète, également condamnée à deux ans de liberté surveillée et 400 heures de travaux communautaires.


"Le lait de la tendresse humaine"

Après des années de déni, l'ex-championne avait reconnu début octobre s'être dopée. Ces aveux lui avaient valu de perdre ses cinq médailles, dont trois en or, remportées en Australie et d'être rayée des annales olympiques.

"Je respecte cette décision du juge et j'espère sincèrement que les gens vont apprendre de mes erreurs", a déclaré peu après l'annonce de sa sentence, qui l'avait mise en pleurs sur l'épaule de son second mari, l'ex-sprinteur des Barbades, Obadele Thompson.

A son arrivée au tribunal, vendredi en fin de matinée, Jones, tout de noir vêtue et coiffée d'une queue de cheval, avait expliqué qu'elle avait "peur" et était "nerveuse" dans l'attente du jugement, avant de fondre en larmes comme elle l'avait fait lors de ses aveux en octobre, sur les marches de ce même tribunal où elle venait de plaider coupable.

"Oui, j'ai fait une erreur en mentant. J'ai admis tout cela trop tard mais j'espère que ce ne sera pas trop tard pour obtenir de vous le lait de la tendresse humaine", a-t-elle déclaré reprenant les paroles de Macbeth, écrites par Shakespeare.

Avant cette sentence, pour laquelle elle avait préalablement accepté de ne pas faire appel et qui ne pourra pas être réduite, même pour bonne conduite, le ministère public avait indiqué jeudi qu'il se satisferait de cette peine de six mois de prison.

Le juge Karas, non lié par ce réquisitoire, avait pour sa part fait savoir qu'il pourrait condamner l'athlète à une double peine.

Le 5 octobre, la sprinteuse, mère d'un fils né en 2003, avait reconnu s'être dopée à la THG (stéroïde de synthèse fabriqué par le laboratoire Balco) entre septembre 2000, date des Jeux de Sydney, et juillet 2001. "C'est avec une grande honte que (...) je vous dis que j'ai trahi votre confiance. Je quitte l'athlétisme que j'ai adoré profondément", avait-elle alors affirmé, en pleurs.


Des années de soupçons

Dans la foulée, elle avait annoncé sa retraite et rendu les cinq médailles de Sydney au Comité olympique américain, avant que la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) n'annule tous ses résultats postérieurs à septembre 2000 et que le Comité international olympique (CIO) ne la destitue officiellement des trois titres remportés à Sydney sans pour autant redistribuer ses médailles.

Depuis des années, l'image de Marion Jones avait été écornée par des soupçons de dopage.

Elle avait d'abord été mise en cause par son premier mari, CJ Hunter, lanceur de poids lui-même contrôlé positif aux JO-2000. Ensuite Victor Conte, le patron du laboratoire Balco, avait fait des révélations sur la sprinteuse, qui avait tenté de l'attaquer en diffamation.

Enfin, un échantillon A analysé après les Championnats des Etats-Unis en juin 2006 avait révélé la présence d'EPO. Mais Jones avait été innocentée par l'échantillon B négatif.


Les moments forts de sa carrière

- Avril 1997: Marion Jones rejoint l'entraîneur jamaïcain Trevor Graham. Quelques semaines plus tard, en août, elle remporte les premiers de ses quatre titres mondiaux à Athènes (100 m et 4x100 m).

- Mai 1998: Le 12, elle devient en Chine la deuxième performeuse de tous les temps sur 100 m (10.71), derrière l'intouchable Florence Griffith-Joyner (10.49). Le 31, elle réussit un bond en longueur de 7,31 m qui fait d'elle la 7e performeuse de tous les temps (NDLR: aujourd'hui la 9e). En septembre, elle devient la deuxième performeuse de tous les temps sur 200 m (21.62).

- Août 1999: Aux Mondiaux à Séville, elle se fixe l'objectif de quatre titres. Elle remporte le 100 m, obtient le bronze à la longueur et abandonne la compétition après avoir été victime de spasmes dorsaux sur 200 m.

- Septembre 2000: Marion Jones entre dans la légende en remportant 5 médailles, dont trois en or (100 m, 200 m et 4x400 m) aux JO de Sydney. Lors de ces mêmes JO, le contrôle positif de son mari, le lanceur de poids CJ Hunter, est révélé.

- Saison 2002: Elle conclut la saison invaincue (14 victoires sur 100 m, 3 sur 200 m et 1 sur 400 m). Entre 1997 et 2002, elle remporte 59 des 60 lignes droites (en dehors des tours préliminaires) qu'elle dispute.

- Automne 2003: Peu de temps après les Mondiaux de Paris, auxquels elle n'a pas pris part en raison de la naissance de son fils en juin, éclate l'affaire Balco, un laboratoire californien qui a fourni des produits dopants à de nombreux athlètes.

- Août 2004: Niant régulièrement s'être dopée et toute implication dans l'affaire Balco, malgré des accusations, Jones se rend à Athènes où elle prend seulement la cinquième place à la longueur.

- Mai 2005: Les organisateurs des principales réunions en Europe décident de ne pas l'inviter, ainsi que son compagnon de l'époque Tim Montgomery, en raison de son implication soupçonnée dans l'affaire Balco.

- Juin 2005: Elle renonce à prendre le départ du 1er tour du 100 m des Championnats américains, mettant même fin à sa saison.

- Juillet 2006: De retour sur les pistes, avec un titre national en juin, elle passe pour la première fois sous les 11 secondes depuis 2002 (10.92) lors de la réunion de Paris/Saint-Denis. Quelques jours plus tard, elle réussit 10.94 à Lausanne pour ce qui pourrait être la dernière sortie de sa carrière.

- 7 septembre 2006: La contre-expertise de l'échantillon B de la sprinteuse, contrôlée positif à l'EPO en août, se révèle négatif, annulant automatiquement toutes les procédures disciplinaires.

- Juin 2007: Marion Jones, mêlée à une affaire d'escroquerie bancaire, avec Montgomery, se déclare en faillite.

- 5 octobre 2007: Jamais été officiellement contrôlée positive, Jones avoue s'être dopée entre septembre 2000 et juillet 2001, période où elle travaillait avec Trevor Graham, entraîneur au coeur de l'affaire Balco.

- 11 janvier 2008: Jones est condamnée à six mois de prison pour avoir menti aux enquêteurs fédéraux sur l'Affaire Balco et l'affaire de fraudes bancaires concernant Montgomery.


Son histoire

Considérée très tôt comme l'une des athlètes les plus douées de tous les temps, l'Américaine Marion Jones a rapidement vu les soupçons de dopage assombrir une carrière qui aurait dû marquer favorablement l'histoire du sport.

Condamnée, le 11 janvier 2008, à six mois de prison pour avoir menti aux enquêteurs fédéraux, chargés des affaires "Balco" et de fraudes bancaires impliquant son ancien mari Tim Montgomery, l'ex-triple championne olympique en 2000 à Sydney a définitivement basculé dans les faits divers, trois mois après avoir avoué s'être dopée.

Née en 1975 à Los Angeles (Californie), d'une mère originaire du Belize débarquée aux Etats-Unis en 1968, Marion Jones n'a que quatre ans lorsque ses parents divorcent. Sa mère se remarie avec Ira Toler, que Marion considèrera comme son vrai père, jusqu'à sa mort en 1987.

Très tôt, cette enfant aussi turbulente que souriante fait preuve de capacités athlétiques exceptionnelles. A 9 ans, elle est championne nationale en sprint et à 16 ans, ses performances ont font une remplaçante du relais américain pour le 4x100 m des JO de Barcelone (1992). Sagement, elle décline cette sélection.

1998, année faste

Polyvalente, elle fait un passage très remarqué au basket, à l'Université de North Carolina, où elle étudie communication et journalisme, disciplines dont elle tirera sa facilité à échanger avec les médias.

En 1995, une fracture du pied la décide à se consacrer à la piste, abandonnant une possible carrière professionnelle sur les parquets.

Elle fait l'impasse sur les JO d'Atlanta l'année suivante.
Grâce à CJ Hunter, un lanceur de poids de 135 kg qu'elle épouse en 1998, et à Trevor Graham, un entraîneur jamaïcain qu'elle rejoint en avril 1997, elle règne sur le sprint et la longueur, remportant 41 victoires consécutives entre 1997 et 1998, toutes disciplines confondues.

En 1998, elle affole les bilans. En mai, elle devient la deuxième performeuse de tous les temps sur 100 m (10.71), derrière l'intouchable Florence Griffith-Joyner (10.49), chrono qu'elle améliore en septembre (10.65/record personnel). En mai toujours, elle réussit un bond en longueur de 7,31 m qui fait d'elle la 7e performeuse de tous les temps (NDLR: aujourd'hui la 9e). Enfin en septembre, elle devient également la deuxième performeuse de tous les temps sur 200 m (21.62).

Entre 1997 et 2002, elle remporte 59 des 60 lignes droites (en dehors des tours préliminaires) qu'elle dispute. Le monde est à elle !

Hunter, Montgomery...

Ses titres s'accumulent au gré des événements. Championne du monde en 1997 (100 m et 4x100 m), en 1999 (100 m), en 2001 (200 m et longueur), elle réussit un exploit aux JO de Sydney.

Avec cinq podiums, dont trois titres (100 m, 200 m et 4x400 m), elle devient la première femme à réussir cet exploit aux JO.

Mais c'est justement en Australie que les nuages commencent à noircir le tableau.

D'abord de manière indirecte. Lors des JO, Hunter, dont elle se séparera en 2001, est contraint de renoncer en raison d'un contrôle antidopage positif.

Jones, qui a gardé de ces années d'études de journalisme des qualités de communicatrice, est éclaboussée par ses relations sulfureuses mais pas touchée.

Avec le nouvel homme de sa vie, Tim Montgomery, recordman du monde du 100 m en 2002, elle forme même le couple le plus rapide de la planète.

Elle fut un temps entraînée par Charlie Francis, l'ex-entraîneur du Canadien Ben Johnson, le dopé du 100 m des JO-1988 de Séoul, mais tous deux devront cesser cette collaboration maladroite, en raison du passif de Francis.
2003 est pour l'Américaine une année blanche sur les pistes qu'elle quitte pour donner naissance à un garçon, Tim Jr. Elle ne les retrouvera qu'en février 2004.

Dénégation

A trois mois des JO d'Athènes, où elle prendra simplement la cinquième place à la longueur, son nom, et celui de Montgomery, apparaissent à la rubrique dopage au milieu d'une liste d'athlètes qui auraient reçu de la THG, un stéroïde du laboratoire Balco.

A partir de là, la sprinteuse va nier, malgré les accusations directes de Victor Conte, le patron de Balco, qu'elle va poursuivre pour diffamation, ou de CJ Hunter.

Année quasiment blanche en 2005, où elle est boycottée par les organisateurs européens. En 2006, Jones et le dopage sont liés de manière encore plus directe. Alors qu'elle réussit un retour très encourageant, en passant sous les 11 secondes à deux reprises sur 100 m, l'échantillon A de son contrôle effectué à l'issue des Championnats des Etats-Unis montre des traces d'EPO (érythropoïétine). Mais elle s'en sort -provisoirement dira l'histoire- grâce à l'analyse de l'échantillon B, déclaré négatif, qui l'innoncente automatiquement.

Et la sprinteuse, plus victime de mauvaises rencontres que de sa propre malhonnêteté, finira par avouer, après des années de déni.

Mais ces aveux ont été trop tardifs pour lui permettre d'éviter la prison et ternir à jamais la carrière de l'une des athlètes les plus douées de l'histoire.


Marion Jones en bref

Nom: Jones
Prénom: Marion
Date de naissance: 12/10/1975
Lieu de naissance: Los Angeles (Etats-Unis)
Nationalité: américaine
Mère d'un garçon né en juin 2003

Taille: 180 cm
Poids: 68 kg

Sport/Discipline: athlétisme/sprint

Palmarès:
Jeux Olympiques
100 m: 1re (2000) disqualifiée
200 m: 1re (2000) disqualifiée
4x400 m: 1re (2000) disqualifiée
4x100 m: 3e (2000) disqualifiée
Longueur: 3e (2000) disqualifiée

Championnats du monde
100 m: 1re (1997, 1999), 2e (2001 - disqualifiée)
200 m: 1re (2001 - disqualifiée)
Longueur: 3e (1999)
4x100 m: 1re (1997)

Meilleures performances:
100 m: 10.65 (1998)
200 m: 21.62 (1998)
400 m: 49.59 (2000)
Longueur: 7,31 m (1998)

Le 11 janvier 2008, Marion Jones a été condamnée à six mois de prison pour avoir menti aux enquêteurs