La nouvelle m'a frappé tellement l'exploit annoncé semble inhumain! Réaliser l'ascension du mont Everest, la plus haute montagne de la planète, en solitaire, en un temps record et sans prendre de pauses à des camps de ravitaillement. Kilian Jornet n'utilisera pas de bonbonnes d'oxygène ou de cordes pour réaliser l'aller-retour entre son lieu de départ et le sommet de la montagne qui culmine à 8 848 mètres. Dans cet univers de froid, de neige et où l'oxygène est rare, il a l'intention de marcher vite, courir et skier sur la neige. Tout cela sur une des voies d'ascension les plus difficile de l'Everest, sur le versant nord, pour éviter d'être ralenti par des alpinistes encordés en direction du sommet.

Qui est Kilian Jornet?

Si vous êtes un ultramarathonien, vous connaissez assurément l'Espagnol Kilian Jornet. Il est considéré comme un des plus grands coureurs à pied en montagne de tous les temps. On le surnomme « l'ultraterrestre ». Il possède des capacités physiques absolument exceptionnelles qui lui permettent de réaliser ses divers exploits en ski-alpinisme, alpinisme, ultra-trail et course en montagne.

Le jeune homme de 28 ans a gagné les ultramarathons les plus prestigieux de la planète en des temps records. L'Ultra-Trail du Mont-Blanc, le Western State 100 de Californie et le Grand Raid de l'île de La Réunion font partie de ses trophées de chasse. Il faut dire que les courses en montagne ne l'effraient pas puisqu'il s'y connaît en altitude. Il a grandi dans les montagnes de la Catalogne à près de 2 000 mètres d'altitude ce qui a permis à son corps de s'habituer à la rareté d'oxygène dans les hauts sommets. Son père était gardien de  montagne et il amenait souvent son fils avec lui. Ainsi, dès l'âge de trois ans, Kilian a gravi son premier sommet de 3 000 mètres. À cinq ans, il conquiert le sommet de l'Aneto, dans les Pyrénées, qui culmine à 3 400 mètres. À six ans, le voilà à 4 000 mètres et à dix ans il réalise la traversée des Pyrénées en combinant les plus hauts sommets. Du jamais vu à un si jeune âge!

Le jeune Jornet aime la sensation de vivre en haute altitude et c'est de façon consciente qu'il refusera d'aller étudier à l'université de Barcelone puisque celle-ci est au niveau de la mer. Il préfère s'inscrire au Centre national d'entraînement en altitude qui se trouve à 1 800 mètres. C'est lors de cette période, au début de la vingtaine, qu'il se fera un nom. Grâce à une grande capacité de récupération et à une excellente technique de course en montagne, il devient champion du monde de courses en montagne en 2009. Cette même année, il établit des records en courses rapides. Il grimpe la montée du Col Blanc en Andorre en 16 minutes et 11 secondes! Il fracassera également le record de l'Américain Tim Twietmeyer à l'ultramarathon de Tahoe Rim (265 kilomètres de course et 8 600 mètres de dénivelé positif) en 38 heures et 32 minutes. C'est près de 7 heures et trente minutes plus rapide que l'ancienne marque. Il ne dormira qu'une heure durant cette éprouvante épreuve.

Kilian Jornet

Depuis, il gagne tout ce qui grimpe, qui est couru en hauteur ou qui est très long! La liste de ses victoires remplit plusieurs pages. En plus de ses capacités physiques impressionnantes qui lui donnent un VO2max de 92, il n'est pas très grand et est peu musclé. C'est une machine d'endurance!

Alors que fait-on lorsqu'on domine son sport de la sorte? Lorsque pratiquement aucune épreuve ne nous résiste? Kilian Jornet a trouvé la réponse en se lançant ses propres défis à relever. Et pas les moindres. Parmi ceux-ci, il y en a un qui frappe l'imaginaire. C'est la conquête de certains des sommets les plus prestigieux de la planète en un temps record.

« Les sommets de ma vie »

C'est en 2012 que germe le projet "Summits of my life" dans la tête de Kilian Jornet. Il souhaite établir en quatre ans des records d'ascensions et de descentes des montagnes les plus importantes de la planète. Cela doit culminer avec la tentative du mont Everest. Les expériences vécues dans chaque défi doivent être filmées pour en faire un film. Il débute en septembre de cette même année avec la traversée du Mont Blanc et ses arêtes. Il aura besoin de seulement 8 heures, 42 minutes et 57 secondes. Pour démontrer la difficulté de ce parcours, il faut savoir que Jornet a passé 6 heures et 17 minutes en ascension seulement!

En 2013, il retourne au Mont Blanc pour battre le record de vitesse de l'ascension de la montagne. Il réalise l'aller-retour en 4 heures et 57 minutes. C'est 13 minutes plus rapide que le précédent record vieux de 23 ans. À peine un mois plus tard, le 21 août, il bat le record de l'ascension aller-retour du Cervin (4 478 mètres) en 2 heures et 52 minutes. C'est 22 minutes de mieux que l'ancienne marque de 1995. Il doit cependant abandonner l'idée d'établir un record aller-retour à l'Elbrouz (5 642 mètres), dans le Caucase, en raison des mauvaises conditions météo persistantes. La neige et le froid viennent donc contrarier son projet. Ce n'est que partie remise et il refuse de s'arrêter en raison de cet échec.

Kilian Jornet

En juin 2014, il devient l'homme le plus rapide à avoir gravi le Denali (6 190 mètres), anciennement le mont McKinley, en 11 heures et 40 minutes. Puis, en décembre, il termine l'année en s'offrant le point culminant de la cordillère des Andes, l'Aconcagua (6 962 mètres).  Il monte et redescend la montagne, une course de près de 60 kilomètres au départ du parc Horcones, en 12 heures et 40 minutes.

Le toit du monde

Au cours des prochains jours, tout dépendra des conditions météorologiques,  Kilian Jornet s'attaquera à son premier 8 000 mètres! Lui et le reste de son équipe (guides, réalisateur, médecin, alpiniste, etc.) sont arrivés à Katmandou, au Népal, depuis plusieurs semaines pour s'acclimater.

Le plan de match du jeune catalan est clairement établi. Il souhaite faire une ascension en style alpin sur la face nord, d'une seule traite, sans oxygène ou cordes fixes et avec du matériel ultra-léger. Tout cela dans le but d'avancer rapidement malgré les risques que ces choix impliquent. Il est conscient que ce dernier défi sera le plus difficile et le plus périlleux.

Kilian Jornet

Il quittera le dernier point habité, le monastère de Rongbuk (5100 mètres) et courra 30 kilomètres jusqu'au camp de base pour enchaîner l'ascension aller-retour sur 3 800 mètres, dont 2 300, en terrain technique de très haute montagne. Il devrait emprunter le couloir Norton ou le couloir Hornbein, deux trajets connus des alpinistes des hautes montagnes, mais qui sont peu fréquentés.

Sur le site officiel du défi, un des récents messages de Jornet mentionne que les communications sont difficiles dans cette partie du monde. Impossible pour lui de mettre régulièrement à jour ses différents médias sociaux. On sait toutefois que le départ est proche. Les prochaines nouvelles que nous aurons seront donc peut-être pour annoncer sa réussite ou son échec. Une chose est certaine, le simple fait de se lancer dans une pareille aventure est déjà un exploit. Mais s'il y a un homme sur terre capable de grimper et descendre en courant la plus haute de toutes les montagnes, c'est bien Kilian Jornet.