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MONTRÉAL – La semaine sera chargée, Marc-André Barriault a été prévenu. Entraînement public, séance de signatures, rencontres avec les médias. La nouvelle recrue de l’UFC se prêtera au jeu avec le sourire, s’immergera à bras ouverts dans l’expérience.

« J’ai hâte de mettre les pieds dans cette semaine-là et de la vivre à 100 % », s’impatientait le sympathique combattant à quelques jours de son départ pour Ottawa, où il fera ses débuts dans la grande organisation samedi contre l’Américain Andrew Sanchez.

Mais il y aura aussi des moments où Barriault aura besoin de son espace, où il cherchera à chasser les distractions et à tout ramener à l’essentiel. Son plan, pour ces moments-là, est déjà bien établi. Il traversera au Québec, suivra l’autoroute 50 vers l’est, longera la rivière du Lièvre jusqu’au centre-ville de Buckingham, passé l’avenue Lépine et le club de curling, et débarquera chez « Patenaude ».

« C’est vraiment là que l’histoire a commencé, raconte celui qu’on surnomme aujourd’hui "Power Bar". Au début, j’y allais juste pour me mettre en forme, j’ai perdu du poids. Ça n’a pas pris de temps que mon entraîneur, mon mentor, Patrick Marcil, qui a été le premier à croire en moi, m’a dit : "Marc, tu travailles fort. T’es toujours le premier arrivé et le dernier parti. Ça te tentes-tu de faire un premier combat amateur?" »

Barriault est inexpérimenté et pas très raffiné, mais sous les projecteurs, une flamme en lui s’allume « J’ai gagné les honneurs du combat de la soirée, se rappelle-t-il. Après ça, j’ai dit à mon coach : "J’en veux d’autres". »

L’année suivante, en 2011, le besoin d’aventure et d’accomplissement pousse Barriault à quitter Gatineau. Il s’installe à Québec, s’inscrit au cégep de Limoilou et cogne à la porte d’une filiale d’Arts Martiaux Patenaude à Ste-Foy, où il est pris en charge par Serge Gratton. Il y reste deux ans, jusqu’à ce que Dany Laflamme ouvre le Nova Gym à Beauport.

« Dany, c’est un ancien combattant. Moi, ça m’en disait long, je voulais me laisser guider. Je le dis souvent, Dany c’est mon général de guerre. Il l’a vécu, il a sué, il a saigné, il a vu c’était quoi le sport. C’est un homme passionné. Je lui ai fait confiance et il m’a retourné la pareille, ça n’a pas pris de temps. »

Barriault fait ses débuts professionnels en 2014 et commence à fouler en alternance la cage des défuntes Ligue d’arts martiaux mixtes du Québec (LAMMQ) et Hybrid Combat Pro Series. Il a une fiche de 5-1 quand l’organisation TKO réapparaît avec ses grands sabots dans le paysage québécois.

« Je ne m’étais jamais mis de pression. J’avais des objectifs, mais c’est vraiment quand TKO est arrivée avec une grosse plateforme, des shows de qualité télédiffusés et tout le kit, que je me suis dit que j’étais dans quelque chose de gros. Ça se rapprochait de ce que je voyais à la télé et j’ai commencé à y croire. J’ai travaillé encore plus fort en me disant que je pourrais bientôt me retrouver de l’autre côté. Et finalement, on est rendu. »

Une surprise à la fois

Encore aujourd’hui, Barriault admet qu’il n’est pas le plus doué des combattants. « Chaque combat qu’on a mis devant moi, je n’étais pas tout le temps le grand favori. Mais mon équipe et moi, on y croyait. On a surpris beaucoup de monde à chaque fois. »

« On veut se rendre au sommet »

Chez TKO, l’athlète de 29 ans a vengé la seule défaite de sa carrière, réussi ses débuts chez les mi-lourds, remporté et défendu la ceinture de champion des poids moyens et finalement mis la main sur le titre d’une deuxième division. C’est avec une fiche de 11-1 qu’il a reçu l’appel de l’UFC, où ses succès dépendront plus que jamais de sa capacité à confondre les sceptiques.  

« Je suis un performeur. Je n’ai pas les meilleures soirées au quotidien à l’entraînement, mais quand c’est le temps et quand ça compte, je m’adapte bien. À mes derniers combats, ça a débuté un peu plus rough pour moi, mais j’ai su renverser la vapeur et mettre ça à mon avantage. Je suis conscient de mon environnement, je sais dans quoi je suis embarqué et ça fait en sorte que je peux me baser sur mon instinct naturel. Je sais que si je lance ma grosse droite et que ça touche, je peux mettre fin au combat. Mais c’est plus que ça. »

Barriault soutient que sous ses allures de cogneur unidimensionnel se cache un combattant aux multiples atouts. La véracité de cette affirmation risque d’être mise à l’épreuve par son prochain adversaire. Sanchez, 31 ans, est un spécialiste de la lutte qui aura l’avantage de l’expérience sur son rival québécois. Champion de la saison 23 de l’émission de téléréalité l’Ultime Combattant, il disputera à Ottawa son sixième combat dans l’UFC.

L’inégalité du duel, sur papier, n’échappe pas à Barriault. Lors d’une récente apparition au Faber Cast Podcast, il a candidement confié que lorsqu’il a appris à Firas Zahabi, entraîneur du Tristar Gym, qu’il allait faire le saut à l’UFC, ce dernier s’est réjoui de la nouvelle en précisant toutefois qu’il devait simplement espérer qu’on ne l’oppose pas... à un lutteur.

« Les outils sont là, ça fait un bout, c’est juste que j’ai jamais été en mesure de démontrer mon plein potentiel, tout mon arsenal, assure Barriault en riant de bon cœur. Comme je le dis, c’est souvent instinctif mon affaire. Les gars ont un plan de match, mais je suis bon pour leur faire oublier assez rapidement. Je m’impose. Ils voient que l’homme en avant d’eux sait dans quoi il s’est embarqué.

« Je ne suis pas juste un striker, insiste-t-il un peu plus tard. J’ai une panoplie d’autres trucs qui demandent juste à être démontrés. J’en ai montré une partie chez TKO, à mon dernier combat, mais là je vais avoir la chance de le montrer au monde entier. Je pense que Sanchez va faire sortir le meilleur de moi-même. »

Fidèle aux valeurs qui lui ont été inculquées, Barriault se battra samedi pour tous ceux qui l’ont aidé à atteindre cette nouvelle étape de sa carrière. Il se battra pour les gars de chez « Patenaude », pour Serge Gratton et Dany Laflamme, pour tous les autres qui l’ont épaulé et qui continuent de le faire. Ça ne veut pas dire qu’il n’ira plus voir ailleurs. Dans un monde idéal, sa conjointe et lui parcourraient l’Amérique six mois par année, d’un gym à l’autre, avec leurs rêves et leurs trois chiens. Mais jamais il n’oubliera d’où il vient et où tout a commencé.  

« De nos jours dans les arts martiaux mixtes, on dirait que c’est facile, une mauvaise performance, une mauvaise passe et on blâme tout sur l’environnement, les entraîneurs. Au contraire! On gagne ou on apprend ensemble et je serai toujours loyal envers ceux qui ont cru en moi dès le départ. On le dit tout le temps : on n’est pas les favoris, mais on va aller créer des surprises. »