Qu’ont en commun ces athlètes en cyclisme : Clara Hughes, Karol-Ann Canuel, Denise Ramsden, Kirsti Lay, Allison Beveridge et Katarzyna Pawlowska? Deux choses. Elles ont toutes participé aux Jeux Olympiques dans leur carrière et elles ont toutes fait partie de l’équipe cycliste féminine mené par Gérard Penarroya. Qui est cet homme derrière le succès de toutes ces athlètes féminines? Dans ce texte, je vous ferai découvrir celui qui gère la deuxième plus vieille équipe cycliste féminine en Amérique du Nord : Macogep-Tornatech-Specialized propulsée par Mazda.

Gérard Penarroya, 64 ans est à la tête des équipes en cyclisme depuis 1996 avec son épouse Joan Penarroya. Plusieurs noms masculins ont également Photo équipepassé dans ses rangs dont l’Olympien Martin Gilbert. Par la suite, il a mis en place la première équipe masculine continentale au Québec qui se nommait Calyon-Litespeed. C’est en 2007 qu’il a mis sur pied sa première équipe féminine et 12 ans plus tard, il y met encore tout son temps et son énergie afin de rendre possible le succès de ses athlètes. À noter que son équipe a également été la seule équipe sanctionnée UCI depuis la défunte équipe cycliste Rona.

Évidemment, la première question qui m’est venue en tête est de savoir comment il s’y prend pour maintenir cette structure vivante depuis plus d’une décennie versus plusieurs équipes qui voient le jour et qui malheureusement ferment l’année suivante. « La seule raison pourquoi nous perdurons dans le temps, c’est parce que nous avons une philosophie de développement d’athlètes. Nous sommes un tremplin. Nous voulons donner la chance à nos athlètes d’avoir de nouvelles expériences en leur proposant des compétitions où elles pourront se frotter aux meilleurs pelotons au monde. Par la suite, nous les laissons partir vers des équipes Européennes ou Américaines où le budget est beaucoup plus gros pour les soutenir. Lorsqu’elles en sont à cette étape, ça signifie qu’elles ont terminées leur phase de développement et que nous avons réussi notre mission. » C’est d’ailleurs la voie qu’a emprunté Karol-Ann Canuel, triple championne du monde, Olympienne et multiple championne du Canada. Après avoir cheminé avec Gérard pendant ses années de développement, elle a poursuivi sa carrière avec l’équipe Française Vienne-Futuroscope pour ensuite signer avec la meilleure équipe au monde, Boels-Dolmans.

Parlons budget. Le fameux budget. Vous vous en doutez, tout part de là. C’est le point d’ancrage le plus important. Comment Gérard fait-il pour subvenir aux besoins de ses athlètes? « Joan et moi travaillons bénévolement 30 heures par semaine minimum. Tous les mois qui précèdent la saison de compétition, nous Victoire équipesommes en recherche de commandites que ce soit au niveau matériel et financier. D’ailleurs, c’est grâce à tous nos partenaires que nous sommes en mesure de survivre et nous sommes extrêmement reconnaissants de leur précieux soutient, nous ne le dirons jamais assez! Nous portons plusieurs chapeaux Joan et moi et nous travaillons corps et âme. Nous ne pourrions pas nous permettre de payer un directeur sportif 40 000$ par année, donc nous redoublons d’efforts. » Pour vous mettre en contexte, Trek-Segafredo, une équipe féminine qui œuvre sur le circuit World Tour, a plus de 50 personnes qui sont impliqués dans le personnel. La liste est longue : Deux capitaines, une équipe de gestion, de directeurs sportifs, de performance de groupe, de coordination, de soigneurs et de mécaniciens. Vous pouvez maintenant avoir une idée de tous les chapeaux que portent Gérard et Joan!  

Je vous entends dire : Ok oui les chapeaux, mais on veut des chiffres! Donc Gérard, à quoi ressemble les chiffres? « Chaque athlète me coûte 15 000$ par année, alors pour 8 cyclistes, je dois aller chercher 120 000$ par année minimum, ce qui est un très petit montant comparativement aux autres équipes. C’est pourquoi je dois m’assurer de planifier mon budget de façon extrêmement serré et bien cibler les compétitions à laquelle nous prenons part pour maximiser les déplacements outre-mer. » Comment y arriver si la plupart des équipes adverses bénéficient de beaucoup plus de ressources financières? « J’ai la chance d’avoir un bon carnet de contact et surtout, des gens aussi passionnés que moi qui viennent m’aider dans différentes compétitions pendant la saison. C’est la même chose pour la mécanique, je suis qualifié pour le faire, ce qui me permet d’économiser des centaines et des centaines de dollars. »

À peine revenu de la France où son équipe a participé à des compétitions d’envergures en Bretagne et en Charente Maritime, Gérard en est déjà à préparer la prochaine saison. « C’est important d’être présent sur le terrain jusqu’à la fin et montrer les couleurs de l’équipe pour s’assurer d’avoir des partenaires qui auront à cœur la réussite de nos athlètes tout comme Joan et moi. Dans mes rangs, j’ai des filles pourraient aller aux Jeux Olympiques en 2024 et j’ai confiance en elles. C’est dans cette optique que j’approche mes partenaires pour la saison prochaine. Dans quelques années, je passerai le flambeau, mais en attendant, j’aspire à les amener au sommet de leurs rêves. C’est pour cette raison que nous sommes à l’écoute des objectifs et des attentes de nos athlètes pour les amener loin. Joan et moi, nous nous faisons un devoir de bien cerner les besoins de chacune d’elles selon leur réalité et leur vision. Certaines vont à l’école et veulent terminer leurs études avant de se mettre à temps plein en cyclisme et nous encourageons cet aspect. Il faut étudier chaque cas. »

Pour que son équipe triomphe, Gérard s’assure également de bien choisir ses athlètes en fonction du type de compétition où il décide de se rendre. « C’est Joancertain que si c’est une compétition dans les montagnes, je vais m’assurer d’amener ma meilleure grimpeuse pour qu’elle bénéficie d’une expérience qui la mettra en confiance face à ses capacités. Si c’est un parcours qui se terminera par un sprint massif de peloton, j’amènerai ma meilleure sprinteuse. C’est pourquoi je m’assure de bâtir mon calendrier en fonction du profil de mes athlètes. » La logistique pour celui-ci ne s’arrête pas là, bien au contraire. Il va s’occuper de réserver les hôtels, de louer les véhicules nécessaires pour se déplacer sur le site des compétitions et bien entendu, les billets d’avion. « Par le passé, nous avions la chance d’avoir des compétitions internationales ici à la maison avec la Coupe du monde féminine et le Tour du Grand Montréal (course par étapes) alors c’était beaucoup moins dispendieux. Cette année, nous sommes la seule équipe au Canada qui a permis aux athlètes féminines de participer à des compétitions en France, personne n’offre ça et c’est impératif dans le développement d’une athlète. »

Sans vouloir faire de mauvais jeux de mots (vous me voyez venir je sais!), je dis « chapeau » à Gérard et son épouse pour leur mission qui est infiniment réussie!

Vous pouvez suivre son équipe sur leur page Facebook.