M. Béliveau en chapelle ardente
Hockey - Jean Béliveau dimanche, 7 déc. 2014. 08:35 jeudi, 14 nov. 2024. 15:14MONTRÉAL - Si quelqu'un avait amené un sonomètre au Centre Bell dimanche matin, l'indice enregistré aurait eu de la difficulté à dépasser le zéro. Dans cet amphithéâtre habituellement si bruyant, c'était le silence presque total pour la première de deux journées de recueillement en hommage à Jean Béliveau, le plus grand capitaine de l'histoire du Canadien de Montréal, et peut-être même de toute l'histoire de la Ligue nationale de hockey.
Pour la troisième fois de son histoire, le Canadien a transformé ce qui est normalement un édifice axé vers le divertissement en temple de recueillement.
L'amphithéâtre a ouvert ses portes à des citoyens de toutes les couches de la société. À commencer par le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, qui a été parmi les premiers à se recueillir auprès du cercueil, fermé, de l'ancien grand joueur de centre et ambassadeur du Canadien.
M. Couillard, qui a décrété des funérailles nationales en l'honneur de M. Béliveau, dit s'être remémoré des souvenirs d'enfance en s'arrêtant devant le cercueil du légendaire hockeyeur.
M. Couillard a qualifié M. Béliveau de grand hockeyeur, de grand athlète, mais aussi de grand Québécois qui renvoie une image de ses compatriotes tels qu'ils le veulent l'être : une image de confiance, d'élégance de maîtrise de la langue française.
« Jean Béliveau, c’est l’élégance, la qualité de la langue, nous-mêmes tel qu’on veut se voir. Il y a énormément d’affection qui va déborder de la population au cours des prochains jours. »
Et c'est effectivement le cas, car dès 9 h, pendant que des citoyens ordinaires attendaient patiemment entre les portes du Centre Bell sur l'Avenue-des-Canadiens, d'anciens coéquipiers de M. Béliveau ont défilé devant le cercueil, dans une atmosphère des plus solennelles. Ce fut notamment le cas d'Yvan Cournoyer.
« La semaine a été très difficile, mais la présentation est de toute beauté, mon capitaine le mérite. Jean a touché tout le monde je crois, alors il mérite que tout le monde lui rendent un dernier merci pour tout ce qu’il a fait autant sur la patinoire qu’à l’extérieur de la patinoire. »
« Jean est un homme vraiment exceptionnel. Tout le monde veut s’appeler Jean Béliveau, tout le monde voulait être Jean Béliveau. »
Dickie Moore, comme Cournoyer, est visiblement lui aussi secoué par le décès d'un ami qui était précieux.
« Il était un grand homme, nous avons eu beaucoup de plaisir ensemble. C’est triste de le voir nous quitter, a déclaré Moore, qui contenait difficilement ses émotions. C’est l’un des moments les plus tristes de ma vie bien sincèrement. Il était toujours là pour nous, il voulait aider tout le monde autour de lui, il a fait de l’excellent travail. »
« Je crois que jean aimerait tous vous remercier. C’est un jour triste. Sa femme a été fabuleuse, elle a tout fait pour lui, mais il n’a pas survécu et c’est malheureux. Il aurait aimé être ici et célébrer avec nous. Grâce à lui, nous sommes encore plus fiers de faire partie de la grande famille des Canadiens. »
Ronald Corey, dont l'amitié avec Jean Béliveau remontait à plus de 50 ans, a lui aussi été ébloui par le décor, et il n'a pas été surpris de cette géante déclaration d'amour du peuple à l'endroit de l'ancien grand joueur de centre et ambassadeur.
« Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on parle de lui comme homme et pas seulement comme d'un ancien joueur de hockey. Les gens de moins de 50 ans ne l'ont pas vu jouer beaucoup. Mais ils l'ont vu agir comme vice-président de l'équipe, et ont vu son implication dans la communauté. Il était partout, Jean. Et il s'est impliqué de lui-même. Il fallait le voir tous les jours. Le courrier qu'il lisait, les lettres qu'il adressait. Ses signatures. Tout était fait de façon impeccable. Jean était d'une très grande générosité et il parlait à tout le monde. C'est magnifique de rendre hommage au joueur, bien sûr mais aussi à l'homme », a déclaré l'ancien président du Canadien.
L'ancien propriétaire de la Sainte-Flanelle M. George Gillett a dû prendre une pause à quelques reprises au moment de s'adresser aux médias pour rendre hommage à cet icône.
« Jean Béliveau était quelqu'un de spécial pour notre famille et pour tous les partisans du Canadien à travers la planète. Quel gentleman. »
« J’ai seulement rencontré deux personnes dans ma vie avec autant de dignité et de classe. Il était l’un d’entre eux. Durant toutes ces années à nos côtés, je ne l’ai jamais entendu vanter ses succès personnels et sa brillante carrière. Il a toujours voulu nous aider. Il est à mes yeux le plus humble et le plus grand homme du monde du sport. »
Décédé mardi soir à l'âge de 83 ans, Jean Béliveau est le troisième joueur dans l'histoire du Canadien à être exposé en chapelle ardente, après Howie Morenz, en 1937, et Maurice Richard, en 2000.
Une nuit courte
Certains citoyens du peuple se sont levés aux petites heures de la nuit pour s'assurer d'être parmi les premiers à saluer Jean Béliveau une dernière fois. C'est le cas de Mario Martin, un résidant de Saint-Hyacinthe, qui a fait sonner son réveil à 4 h, dimanche matin, et a cueilli au passage Gerry Bibeau, un ami de Sainte-Julie, pour arriver au Centre Bell aussitôt que possible. Ils étaient sur place à 5 h 45.
« Nous sommes des collectionneurs de photos, et j'en compte une quinzaine signées par M. Béliveau. J'ai même une lettre qu'il m'a envoyée et qu'il avait signée. Quand on dit que M. Béliveau répondait à son courrier, je peux vous dire que c'est vrai. J'étais venu lors du décès de Maurice Richard, et je pensais qu'il était aussi important que je vienne aujourd'hui, sinon plus », a raconté M. Martin, quelques instants avant d'entrer à l'intérieur de l'enceinte.
M. Bibeau, de son côté, a fait connaissance avec M. Béliveau dans des circonstances pas nécessairement agréables.
« Je travaille à l'Hôpital général de Montréal et je l'ai rencontré pour la première fois lorsqu'il a été victime de son premier AVC. Je suis technicien de laboratoire et j'effectuais ses prélèvements tous les jours. On a commencé à échanger et, parle parle, jase, jase on est devenu amis. Il est comme devenu un grand frère. »
À leurs côtés se trouvait un citoyen de Ville LaSalle, Andrew Reason, qui a croisé M. Béliveau en plusieurs occasions, dont une fois alors qu'il était enfant.
« J'ai patiné avec lui au parc Lafontaine quand j'avais 12 ans et j'avais passé deux heures avec lui. Et je l'ai croisé à l'Hôpital général de Montréal quand je recevais des traitements. Il avait toujours du temps pour me parler. Et quand il vous parlait, il ne parlait qu'à vous. Il mérite de recevoir un tel hommage. »
Cet hommage à M. Béliveau, décédé mardi soir à l'âge de 83 ans, se poursuivait jusqu'à 18 h dimanche, et reprendra lundi entre 10 h et 18 h. Les funérailles nationales de M. Béliveau seront célébrées mercredi prochain en la Cathédrale Marie-Reine-du-Monde.