« Cette série d’articles sur le Championnat Mondial Junior est une présentation de Hockey Canada »

BOISBRIAND – Sur le coup, Samuel Girard n’a pas pensé aux conséquences potentielles de son geste. « Je n’étais plus là mentalement », dit-il lui-même quand il repense à l’élan d’impulsivité qui a fallu le coûter la chance de réaliser son rêve.

C’était le 7 décembre. Girard avait déjà reçu son invitation pour participer au camp de sélection d’Équipe Canada junior. C’est un privilège qui lui avait été refusé l’année précédente et pour lequel il avait travaillé d’arrache-pied pour être considéré comme un incontournable lorsque l’opportunité se présenterait de nouveau.

En troisième période d’un match contre les Islanders de Charlottetown, le défenseur des Cataractes de Shawinigan s’est engagé dans une bataille pour la rondelle avec l’attaquant Filip Chlapik. Le duel entre les deux joueurs étoiles fut musclé, puis il a tourné au vinaigre. Girard a reçu un double-échec au visage et a perdu les pédales quand il a réalisé que les officiels n’allaient pas punir le geste.  

« J’étais un peu fâché... », dédramatise Girard quand il donne sa version des faits.

Mais dans le feu de l’action, ses impressions sont sorties différemment. Pendant que Chlapik défendait son geste au bout des poings, Girard s’est avancé vers l’un des officiels et l’a bousculé en lui faisant savoir sa façon de penser. Ce n’est qu’une fois la pression retombée, dans le calme du vestiaire, qu’il a pensé aux enjeux qui découlaient de sa crise.

« On avait eu une rencontre avec les arbitres au début de l’année justement pour parler des affaires comme celle-là. Je me suis dit que c’était sûr que j’aurais au moins trois matchs de suspension, raconte-t-il. J’ai questionné mon DG. On ne savait pas encore. »

Girard savait qu’il risquait une suspension pouvant aller jusqu’à 20 matchs. Une sanction de cette envergure l’aurait rendu inadmissible à une participation au tournoi opposant la crème mondiale des joueurs de moins de 20 ans. Il a quand même fait le voyage à Val-d’Or avec ses coéquipiers, le lendemain, pour affronter les Foreurs, mais l’appel qu’il redoutait est finalement venu.

La bonne nouvelle, c’est qu’il s’en tirait avec la peine la plus clémente. Girard a purgé les deux premiers matchs de sa sentence dans les gradins abitibiens et aura fini d’expier son erreur quand ÉCJ amorcera son parcours.

« Je pense que tous les joueurs de hockey auraient réagi comme moi. C’était plate de voir qu’il n’avait pas donné au moins un deux, mais c’est le métier. Les arbitres font des erreurs comme on en fait aussi. Je vais grandir avec ça. »

« Toujours la même chose »

Interprétée au sens propre, la promesse fait sourire. Depuis qu’il est assez fort pour lacer lui-même ses patins, Girard se fait dire qu’il est trop petit pour jouer avec les meilleurs. Au niveau Bantam, on ne le voyait pas atteindre le Midget AAA. Les doutes lui sont restés collés à la peau à son arrivée dans la LHJMQ. Même chose quand il est devenu admissible au repêchage de la LNH.

À chaque étape, l’orgueil de Roberval a exposé l’impertinence des critiques.

« C’est rendu normal pour moi, je n’y pense plus vraiment, a répondu l’arrière qui est répertorié à 5 pieds 9 pouces et 165 livres par Hockey Canada. Depuis que je suis jeune, c’est tout le temps la même chose. Ça ne me dérange plus. »

Des dix défenseurs qui luttent pour un poste au camp d’ÉCJ, seulement deux n’étirent pas le galon à mesurer au-delà de 6 pieds. Girard, vous l’aurez compris, est l’un d’eux. L’autre est Victor Mete, le choix de quatrième ronde du Canadien au plus récent repêchage.

La réalité n’échappe pas au quart-arrière du Lac-St-Jean, mais elle ne l’empêche pas de faire sa petite sieste d’avant-match.

« Je suis assez intelligent pour jouer contre ces gars-là. C’est sûr que si j’arrive contre un ‘6 et 2’ dans le coin, je n’irai pas essayer de le plaquer parce que je sais que je ne réussirai pas. Je vais essayer de le contenir et quand j’aurai une occasion, je vais partir avec la rondelle. »

« Si je suis ici, c’est parce qu’ils trouvent que défensivement aussi, je me débrouille bien contre des gros joueurs », raisonne celui qui est avant  tout reconnu pour ses atouts en possession de rondelle.

De la confiance à Nashville

Depuis qu’il a été ignoré par Hockey Canada en vue de l’édition 2016 du Mondial junior, Samuel Girard est impossible à contenir. Il a terminé sa deuxième saison dans la LHJMQ avec une récolte de 74 points en 67 matchs, a remporté le titre de défenseur par excellence du circuit, a été repêché en deuxième ronde par les Predators lors de l’encan amateur de la LNH et a signé son premier contrat professionnel avant la fin du camp d’entraînement.

À Nashville, Girard a « grandi » en côtoyant, notamment, P.K. Subban. L’ancienne vedette du Canadien cherchait lui aussi ses repères avec une nouvelle équipe quand la recrue québécoise a fait sa connaissance. Les deux ont été jumelés pendant une période d’un match hors-concours.

« Je pense qu’il n’était pas encore comme à Montréal. Il était nouveau, il ne connaissait pas encore les joueurs. Mais ça restait un bon gars, sérieusement, il m’a vraiment beaucoup aidé. Avant le match, il voyait que j’étais un peu stressé et il m’a dit de relaxer, que tous les joueurs étaient passés par là. Tous les vétérans sont venus me dire la même chose. J’ai été bien entouré là-bas et je suis arrivé à Shawinigan en confiance. »

Pas de farce! Durant le premier mois de la saison, Girard a compilé une fiche de vingt points en neuf matchs. Lorsqu’il a quitté la Mauricie avec l’intention de n’y revenir qu’en janvier, il en totalisait 35 en 23 parties. Il était le meilleur marqueur de la troisième meilleure équipe de la Ligue.  

Un patineur dynamique et un fabricant de jeux créatif, Girard sait qu’il ne pourra se permettre d’être aussi extravagant qu’à son habitude dans sa quête pour se tailler un poste au sein de la sélection nationale. Quelques semaines avant qu’il quitte Shawinigan, son entraîneur Claude Bouchard l’a rencontré pour lui conseiller de commencer à adapter son style de jeu pour le faire cadrer aux attentes qui seraient placées en lui avec ÉCJ. Girard l’a écouté et a reçu une note positive avant son départ.

« [Mon entraîneur] m’a dit de ne pas changer mon style, parce qu’il faudra quand même que j’apporte de l’offensive, mais de simplifier mon jeu dans son ensemble. Ce qu’ils regardent ici, ce sont les petits détails. Il faut garder les choses simples au maximum. Si tu n’as pas d’option, tu n’essayes pas une passe en plein milieu. Tu envoies la rondelle dans la baie vitrée et au pire, l’autre équipe la reprendra plus loin. Il ne faut juste pas que je me complique la vie. »