MELBOURNE (AFP) - Le talonneur irlandais Keith Wood, l'un des joueurs les plus charismatiques de sa génération, a annoncé dimanche à Melbourne, au soir de l'élimination du XV d'Irlande du Mondial 2003 qu'on ne le reverrait plus sur un terrain de rugby.

Cette 58e sélection, contre la France victorieuse 43-21, restera donc comme son ultime apparition avec le N.2 dans le dos.

Partenaires ou adversaires, nul n'oubliera de si tôt ce crâne chauve lissé à force d'entrées en mêlée, ce regard impitoyable du boucher qui jauge son quartier de viande avant de le désosser.

Un regard un peu humide dimanche soir. "C'est le moment, c'est tout. C'est l'heure de raccrocher les crampons. Pour moi, le rugby est fini. C'est une journée doublement triste", a-t-il déclaré lors d'un point de
presse à l'issue du match.

Emotion dans la voix du guerrier. Emotion dans l'auditoire qui
s'attendait qu'il n'annoncerait que la fin de sa carrière internationale.

Corps meurtri

Emotion aussi de l'entraîneur du XV d'Irlande Eddie O'Sullivan qui a pris
soin de souligner la solennité de l'instant: "Vous venez d'assister au départ d'une légende".

La motivation était innée chez ce capitaine exemplaire qui, à 31 ans, a décidé de remballer son équipement pour éviter de martyriser trops longtemps encore son corps meurtri par les rudes affrontements des mêlées dans lesquels il n'était jamais le dernier à se jeter.

Question de poste, question de tempérament. Wood n'a pas été épargné par les blessures. La dernière, à l'épaule, a même failli le priver de cet ultime Mondial, son troisième.

Il a débuté en 1994 sous le maillot national. Très vite, il s'y est fait une réputation de chef de meute. Officialisée par la charge de capitaine qu'il aura assumée 33 fois depuis 1996.

Spécialiste de la préparation psychologique. Homme de tempérament et fier de son sang, il s'irritait pourtant que l'on ne veuille voir dans les performances du XV d'Irlande que le fruit de ce "fighting spirit", cette fibre guerrière qui serait un privilège génétique de l'Irlandais.

Bave aux lèvres

"Il ne faut rien exagérer. On ne gagne pas seulement en entrant sur un terrain avec la bave aux lèvres".

Talonneur international, fils de Gordon, talonneur international, Keith Wood va pouvoir maintenant commencer à égrener ses souvenirs.

Ses trois Coupes du monde avec, deux fois (1995 et 2003) un quart
de finale, deux fois perdu, deux fois contre la France.

Mais aussi ses 15 essais (dont 5 en Coupe du monde) marqués en match international, un total exceptionnel pour un talonneur, ses tournées avec les Lions britanniques à qui il doit une partie de sa popularité sur tous les terrains de rugby du monde. Son diplôme de meilleur joueur de l'année 2001.

"Il représente tout ce que sont les Irlandais, c'est à dire des joueurs très passionnés. Il est certainement l'un des meilleurs joueurs au monde et nous le considérons avec grand respect". L'hommage est du pilier australien Bill Young. Le mot de la fin pour un autre talonneur, lui-aussi australien, Brendan Cannon: "Je pense qu'il n'a pas d'équivalent, pas seulement dans le rugby irlandais ou britannique mais dans tout le rugby mondial. Jouer contre lui est un véritable honneur".