Iran: l'annonce de l'exécution d'un lutteur dénoncée à l'international
Lutte samedi, 12 sept. 2020. 13:02 jeudi, 21 nov. 2024. 08:42L'Iran a annoncé samedi avoir exécuté un jeune lutteur, Navid Afkari, pour le meurtre d'un fonctionnaire lors de manifestations contre le gouvernement en 2018, une décision dénoncée sur les réseaux sociaux et à l'étranger.
La sentence du « qesas », c'est-à-dire la « loi du talion », une peine de « rétribution », a été exécutée ce matin dans une prison de Chiraz (sud), a indiqué à la télévision étatique le procureur général de la province de Fars, Kazem Mousavi.
La peine capitale a été appliquée « face à l'insistance de la famille de la victime », Navid Afkari a-t-il ajouté.
Mais selon l'avocat de M. Afkari, Me Hassan Younessi, une rencontre avec la famille de la victime aurait dû avoir lieu dimanche pour « demander pardon » et ainsi éviter l'application de la peine capitale.
M. Younessi s'était insurgé sur Twitter: « Etiez-vous si pressés que vous avez refusé à Navid son droit à une dernière visite », comme le prévoit le code pénal selon lui.
Le Comité international olympique (CIO) s'est déclaré « choqué » par l'exécution, jugeant « profondément bouleversant » que les demandes d'athlètes et d'organisations à travers le monde pour empêcher l'exécution du lutteur n'aient pas été entendues.
« Nos pensées sont avec la famille et les amis de Navid Afkari », a réagi le CIO dans un communiqué.
Une association mondiale représentant 85.000 athlètes, World Players United, avait appelé l'Iran à épargner le sportif.
Selon Amnesty international, le dernier contact entre M. Afkari et sa famille a eu lieu le 6 septembre par téléphone.
L'organisation de défense des droits humains a dénoncé dans un communiqué l'exécution "secrète" de Navid Afkari, la qualifiant de "parodie de justice" après un procès "manifestement inéquitable".
Selon l'Autorité judiciaire, M. Afkari avait été reconnu coupable d'"homicide volontaire" sur un fonctionnaire de la régie publique de l'eau à Chiraz (sud), poignardé le 2 août 2018.
Comme plusieurs autres villes d'Iran, Chiraz avait été le théâtre ce jour-là de manifestations hostiles au pouvoir et dénonçant la situation économique et sociale du pays.
Réactions internationales
Le verdict, annoncé début septembre, avait fait polémique et les soutiens avaient afflué en Iran comme à l'étranger après la publication d'informations affirmant que M. Afkari, 27 ans, avait été condamné sur la base d'aveux extorqués sous la torture.
Le président américain, Donald Trump, avait appelé l'Iran à « épargner" la vie d'une "grande star de la lutte (...) qui n'a fait que participer à une manifestation antigouvernementale ».
M. Trump maintient une « pression maximale » à l'encontre de l'Iran et a instauré de nouvelles sanctions économiques à la République islamique après s'être retiré en 2018 de l'accord international sur le nucléaire iranien.
Le hashtag en persan #Navid_Afkari a été largement partagé sur Twitter pour soutenir le jeune homme et s'opposer à son exécution.
A Londres, un groupe de manifestants s'est rassemblé samedi devant l'ambassade d'Iran pour protester contre l'exécution, brandissant des pancartes montrant les visages barrés d'une croix du guide suprême et du président iraniens.
Sur Twitter, la ministre suédoise des Affaires étrangères, Ann Linde, s'est dite "consternée par l'annonce de l'exécution du lutteur iranien Navid Afkari".
L'exécution de M. Afkari était "un grand péché" et l'Autorité judiciaire aurait dû essayer de convaincre la famille de l'homme tué de pardonner le lutteur, a tweeté le militant iranien des droits humains, Emaddein Baghi.
L'avocat Babak Paknia a également critiqué "la hâte" de l'Autorité judiciaire à exécuter la sentence.
« Même si le meurtre a bien eu lieu, n'est-il pas le rôle de l'Autorité judiciaire de tout faire pour que (le condamné) soit pardonné? » a-t-il relevé sur Twitter.
Avec au moins 251 exécutions en 2019, l'Iran est, après la Chine, le pays qui a le plus recours à la peine capitale, selon le dernier rapport mondial sur la peine de mort publié par Amnesty International.