Début de la grande histoire: l'échiquier...
Ce billet est la suite de: la saison 1931-1932 (2)...
L’année 1932 débuta sur une note morose dû à la Grande Dépression qui sévissait encore et ce, depuis bientôt trois ans… Le 19 février 1932, l’Assemblée législative adopta une loi sur la commission de surveillance et de contrôle des affaires municipales : le gouvernement Taschereau voulait ainsi se doter de pouvoir pour mieux vérifier les finances des municipalités dont les budgets étaient dans le rouge…
Neuf jours auparavant, la loi sur le retour à la terre, devant encourager les chômeurs à devenir agriculteurs en s’établissant sur des terres agricoles, avait été présentée à l’Assemblée législative… Le 30 juin suivant, Ottawa et Québec signaient une entente qui allait permettre l’installation de mille familles sur des terres agricoles, les destinations privilégiées étant l’Abitibi, le Témiscaminque et la Vallée de la Matapédia… Le premier ministre Taschereau annonça, le 13 juillet 1932, que 600000$ seraient dépensées en deux ans pour permettre ce retour à la terre… Dès le 21 septembre 1932, quatre vingt quatre colons s’établissaient en Abitibi, dont une cinquantaine au sud de Rouyn…
Toujours rien de positif du côté du suffrage féminin, un nouveau vote était prit à l’Assemblée législative, le 21 janvier 1932, et il s’avérait à nouveau négatif…
Le maire Henri-Edgar Lavigueur était réélu, le 15 février, à Québec, et Fernand Rinfret défaisait Camillien Houde, le 4 avril 1932, par une majorité de 12800 voix, au titre de maire de Montréal… Houde devait démissionner de son poste de chef du parti conservateur du Québec, le 20 septembre : Maurice Duplessis le remplaça à titre intérimaire…
Le feu faisait rage : le village de Val-Alain était rasé par un incendie le 16 mai 1932; l’incendie d’un pétrolier, le Cymberline, dans le port de Montréal, le 17 juin, se communiquait aux réservoirs d’huile du bassin de radoub de la Canadian Vickers et causait plusieurs explosions faisant près de trente morts, dont Raoul Gauthier, chef du Service des incendies de Montréal, et trois autres pompiers; et un incendie, allumé par des prisonniers, lors d’une émeute, le 4 novembre 1932, au pénitencier Saint-Vincent-de-Paul, faisait pour près de 500000$ de dégâts…
Les quatre unions régionales des Caisses populaires Desjardins fusionnaient, le 24 février 1932, pour former la Fédération des unions régionales des Caisses populaires Desjardins; la ville de Montréal accordait, le 4 mars, une subvention de 100000$ pour créer le Jardin botanique de Montréal; mais sur une note moins joyeuse, le journal Le Devoir, dont le directeur Henri Bourassa avait officiellement prit sa retraite, le 3 août, pour être remplacé par Georges Pelletier à titre de directeur-gérant et Omer Héroux comme rédacteur en chef, annonçait, à l’automne, que vingt trois moulins à scie de la Gaspésie avaient dû fermer au cours des dernières semaines à cause du marasme économique de la région…
En préparation à sa seizième saison, la NHL tint une assemblée annuelle, à l’hôtel Windsor, le samedi premier octobre 1932 : plus que la situation économique de la ligue et de ses équipes, la situation des deux équipes « en dormance » retint surtout l’attention…
Les Senators d’Ottawa, absents lors de la saison 1931–32, dû à des difficultés financières, annoncèrent leur retour pour la présente saison… Ils rejoignirent les équipes de la division canadienne, sans aucun « transfert » d’équipe d’une division à l’autre : comme la NHL allait compter quatre équipes canadiennes et cinq équipes américaines en ses rangs, il aurait pu être logique que les Americans de New York rejoignent les Rangers de New York, et les autres équipes américaines de cette division…
Les Pirates de Pittsburgh, devenus Quakers de Philadelphia en début de la saison 1930–31, avant de se retirer une saison plus tard, ne purent rejoindre les rangs de la ligue : on leur accorda un dédommagement de 10000$ pour le prêt de leurs joueurs aux autres équipes…
Les Falcons de Détroit changent leur nom en Red Wings, après que le propriétaire James Norris en eut fait l’acquisition; Billy Coutu, ex-porte-couleurs DU Canadien, des Tigers d’Hamilton et des Bruins de Boston, suspendu à vie par la NHL en 1927, fut réinstauré, mais aucune équipe ne se montra intéressée à ses services; et la NHL accepta une demande d’affiliation de l’American Association, et une autre de la Western League, en voie de formation…
La notion de capitaine et d’assistant capitaine fut renforcée lorsque la NHL stipula que chaque équipe devait, dorénavant, à tout moment de la joute, avoir un joueur titré de l’autorité de capitaine sur la glace, et que lui seul serait autorisé à parlementer avec l’arbitre au sujet des décisions qui pourraient paraître erronées… Lorsque le capitaine régulier regagnerait son banc pour se reposer, un capitaine substitut devrait alors être désigné par le gérant pour agir comme capitaine durant l’absence de ce dernier…
On prit la décision d’imposer une punition mineure à tout joueur qui prendrait part au jeu après avoir brisé son bâton; les gardiens de buts seraient dorénavant remplacés au banc des pénalités par un joueur désigné par son entraineur chef, lors d’une infraction; le fait de frapper la rondelle avec son patin devint légal, mais pas pour marquer un but; et finalement, tout joueur dégageant son territoire allait se voir imposé une punition mineure s’il advenait que la rondelle retombe dans les rangs des spectateurs, pour ainsi éviter des blessures à des spectateurs, mais également d’éviter de payer des rondelles à 15$ la douzaine pour rien…
On annonça également que le canadien-français Eusèbe Daigneault était à nouveau retenu parmi les arbitres de la ligue, et que les services de Jean Sauvé étaient également retenus… Il fût proposé qu’un nouveau système de double arbitrage, un arbitre pour surveiller les infractions et un autre pour les hors-jeu, soit mit à l’essai, mais il ne fut finalement pas retenu…
Un plafond salarial de 70000$ par équipe et de 7500$ par joueur fut également imposé par la NHL… La crise et la dépression générale qui sévissait avait sérieusement affecté le baseball, la boxe, la lutte, le rugby et le turf, et avait sonné l’alarme chez tous les grands magnats de tous les sports, et, bien qu’optimiste quant à son avenir et de celui du hockey, la NHL désirait limiter les dépenses de ses équipes… Certains joueurs, qui gagnaient déjà plus que cette somme, refusèrent carrément de signer de nouveaux contrats avec leurs équipes respectives… Le premier novembre 1932, la NHL menaça les grévistes d’être suspendus, puis tout rentra dans l’ordre lorsque le président Calder traita le cas de chacun des récalcitrants, un à un…
Chez LE Canadien, à l’ouverture de sa vingt quatrième saison, aucun grévistes mais deux « mécontents », Aurèle Joliat et Johnny Gagnon, qui refusèrent les offres reçues, pour ensuite les accepter quelques jours plus tard…
Cécil Hart, entraineur chef de l’équipe lors des six dernières saisons, laissa sa place à Newsy Lalonde, ancien joueur étoile du tricolore, et entraineur chef des Reds de Providence qui venaient de remporter le championnat de l’International Hockey League (IHL) lors de la saison 1931–32…
Tous les joueurs, à l’exception du défenseur Dunc Munro, qui prit sa retraite, étaient de retour avec la formation montréalaise… La direction demanda aux joueurs de se rapporter à Lalonde, à la salle du 65e Régiment, pour le 15 octobre 1932 : on procéda aux examens de santé, puis on entreprit des exercices de gymnastiques, en salle, question de remettre les joueurs en forme, avant qu’ils participent à une partie de balle-molle, à l’arsenal du 65e Régiment, sur l’avenue des Pins…
Une trentaine de recrues, partout chez les équipes de la NHL, tentaient de se mériter un poste régulier et, chez LE Canadien, différents jeunes joueurs furent mis à l’essai : William McCarney, Jean Gagnon, frère de Johnny, Roy Palm, Walt McCartney, Tubby Moore, Eddie Ostler, Bob McRoble, et un certain McCulley… Le 18 octobre 1932, LE Canadien renvoya Palm aux Rangers de New York, et, huit jours plus tard, IL prêtait Nick Wasnie aux Americans en plus de céder Jean Gagnon, McCulley et Ostler aux Canadiens sénior de Montréal…
Dix huit joueurs sautèrent sur la glace pour la première pratique officielle de l’équipe, le 29 octobre 1932, sous les regards de plus de quatre milles partisans… La veille, LE Canadien s’était entendu, pour deux saisons, avec l’ailier droit Paul-Marcel Raymond, un montréalais de dix neuf ans qui avait porté les couleurs des Canadiens juniors et des Canadiens séniors lors des saisons précédentes… Immédiatement, il devint la coqueluche des partisans dont le nombre d’eux présents aux pratiques passa de quatre à huit milles…
LE Canadien se rendit à Syracuse, le 3 novembre 1932, pour y disputer une première partie d’exhibition, qu’IL remporta au pointage de 3 à 2, sur les Stars de l’endroit, grâce à un but d’Aurèle Joliat… Trois jours plus tard, IL entrait à la Gare du palais de Québec, accueillit triomphalement comme s’il était de retour après avoir gagné la Coupe Stanley : plus de 6500 spectateurs assistèrent à une partie nulle de 1 à 1, entre LE Canadien et les Bruins de Boston, à la patinoire Côté-Demers… Puis il y eut la partie d’exhibition « devenue traditionnelle » contre les Reds de Providence, au Forum, au profit du Bien-Être de la Jeunesse, le 8 novembre 1932… Cinq milles partisans se procurèrent des billets, aux coûts réduits, pour l’occasion, de 1,50$, 1,00$, 0,50$ et 0,25$... Prêtés aux Reds, Art Lesieur, Art Alexandre, Gus Rivers et Gizzy Hart impressionnèrent, mais LE Canadien profita de sa rapidité pour disposer des Reds, au compte de 6 à 3…
Malgré la dépression, la vente de billets de saison était encore meilleure qu’à pareille date la saison précédente… Les prix des billets furent fixés à 2,50$, 1,75$, 1,50$ et 1,00$, et l’heure des parties demeura inchangée à 20 h 30… Cette saison, non seulement chacune des parties locales des Maple Leafs allaient être irradiée à la radio, grâce à la courtoisie de la General Motors, mais également celles des Maple Leafs jouées au Forum…
George Hainsworth fut finalement désigné capitaine de l’équipe, puisqu’il était le joueur qui passait le plus de temps sur la patinoire, ce qui allait éviter à l’entraineur chef de désigner un capitaine substitut à chaque fois qu’il quitterait la patinoire… Quelques autres équipes prirent une décision identique à celle du tricolore quant à leur capitaine…
Lorsque les Bruins de Boston rendirent visite AU Canadien, pour la partie inaugurale de la saison 1932–33, au Forum, la formation tricolore se composait ainsi : 1 George Hainsworth, 2 Sylvio Mantha, 3 Marty Burke, 4 Aurèle Joliat, 5 Armand Mondou, 6 Léo Gaudreault, 7 Howie Morenz, 8 Albert Leduc, 9 Alfred Lépine, 10 Wildor Larochelle, 11 Gerry Carson, 12 Georges Mantha, 14 Johnny Gagnon et 15 Paul-Marcel Raymond…
Joe Cattarinich était satisfait de l’équipe et surtout, bien rêveur quant à l’avenir… « Quel plaisir ce serait pour le Canadien de recevoir ses adversaires sur la patinoire tricolore qui serait, par exemple, un vaste jardin pouvant contenir dix huit ou vingt milles spectateurs, qu’on aurait construit dans un quartier bien central »... L’homme, qui fêtait son cinquante unième anniversaire le jour même, avait effectivement des idées de grandeur! : dix huit ou vingt milles spectateurs!...
La fanfare du 65e Régiment firent les frais de la musique, le maire Fernand Rinfret et le secrétaire provincial, l’honorable Athanase David, mirent la rondelle en jeu, Morenz s’empara de la rondelle qu’il passa à Joliat : la saison 1932–33 était lancée…
à suivre…
Références:
Diverses éditions quotidiennes du journal La Presse, du 1er octobre 1932 au 30 avril 1933