Et non, il ne s’agit pas ici des piètres performances du club de baseball en ce début de saison. Il n’est pas question non plus d’une relocalisation ou de la vente de l’équipe. Mais du logo. De ce sigle, représentant un Américain natif, peint en rouge, affublé de plumes et d’un large sourire caractéristique.

Ce logo, symbole de l’équipe depuis la fondation de cette dernière en 1948, à la fois mascotte et icone de fierté pour les uns, tableau feint de racisme pour les autres; est tranquillement en train de disparaître des annales de l’équipe.

Tout d’abord, il y a quelques années, l’immense chef Wahoo (nom du chef autochtone qui incarne le logo de l’équipe) a été retiré du coin Sud-est du Progressive Field, emplacement qu’il occupait depuis des décennies. Ensuite, le même logo a été retiré des casques de protection dont les frappeurs sont affublés lorsqu’ils se présentent au marbre. Puis, un grand C, signifiant « Cleveland », en cursive et plutôt anodin, est venu remplacer chef Wahoo sur la plupart des mémos de presse de l’équipe, sur les souvenirs officiels, ainsi que dans la plupart des médias physiques consacrés à l’équipe. (mentionnons ici à juste titre la dernière itération du populaire jeu vidéo pour console Sony : MLB 13 The Show).

Ceci étant dit, le somme toute populaire icône des Indiens de Cleveland est toujours présent sur le chandail de l’équipe. Mais sur le côté gauche de l’uniforme, bien à l’abri des regards et des caméras lorsque le frappeur se présente sur la plaque! Et même a-t-on songé à le retirer complètement lorsque l’équipe projetait se présenter dans un marché très sensible à la problématique des Amérindiens; citons l’Arizona, par exemple.

C’est un choix controversé s’il en fut, et très certes politiquement correct. L’Histoire des Peuples natifs d’Amérique n’est pas un sujet aisé à aborder, et nul doute qu’un tel pictogramme puisse enflammer les esprits. Dans le passé, cette représentation grossière et stéréotypée a d’ailleurs maintes fois été sujet de débats, particulièrement dans le monde du baseball majeur et de la vallée de l’Ohio, où Cleveland est située.

Il y aurait donc ici, c’est facile de le présumer, un consensus quasi-absolu chez les Premières Nations. Selon ces dernières, ce symbole sportif, agrégat d’un autre Âge et xénophobe à souhaits, devrait être retiré. Détruit. Oublié. Enfin, presque, victime d’un autodafé.

Or, tel n’est pas le cas. Maints sondages très respectés, honorant précisément les plus rigoureuses règles dans le domaine de la statistique, notamment la dichotomie ville/campagne, le niveau de scolarité et l’âge des observés, ont démontré que les Amérindiens, en très grande partie, ne s’offusquaient pas du tout de cet icône, non plus que des autres d’ailleurs, tels ceux des Blackhawks de Chicago, des Redskins de Washington, ou bien des Braves d’Atlanta. En fait, ce serait même tout le contraire, et ces logos seraient souvent perçus avec la plus grande fierté!

Il serait donc juste de clamer ici que chef Wahoo, et tout un pan fondateur historique de l’équipe, seraient en train d’être remisés à la poussière, conséquence fâcheuse d’une minorité locale tonnante et bruyante, apte à s’insurger contre tout; y compris contre des sigles en toute apparence plutôt inoffensifs.

C’est un jugement de valeur, bien entendu. Même si, il faut bien le mentionner, la relation racisme-manque de respect n’est pas machinale du tout lorsque l’on s’attarde à de pareilles esquisses stéréotypées. Pour plusieurs, regarder le sigle des Indiens de Cleveland ne mène pas véritablement aux Amérindiens natifs. On pense ici plutôt baseball, Eddie Murray et « Ligue Majeure » de Charlie Sheen. Et pourquoi pas la bière, le chant des partisans, et le circuit de trois points en fin de neuvième manche?

Enfin, le logo lui-même… ferait-il vraiment penser à autre chose qu’à un personnage un peu rigolo souvent dépeint dans les bandes dessinées?

Chose certaine, Wahoo n’aura fait que bien peu de mal.

Peut-être est-il temps pour lui de déterrer de nouveau la hache de guerre.