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MONTRÉAL – Avec sa verve, son sens du spectacle et son petit sourire narquois, Marie-Ève Dicaire est rapidement devenue l’une des coqueluches des amateurs de boxe québécois.

Ce n’est donc pas un hasard si Groupe Yvon Michel lui a confié les rênes de la finale de son gala présenté ce soir au Casino du Lac-Leamy. Dans un duel déterminant pour la suite de sa carrière, Dicaire (8-0) affrontera l’Argentine Yamila Esther Reynonso. Une victoire lui permettrait ensuite de disputer un combat de championnat nord-américain le 7 décembre prochain à Montréal.

À proprement dit, il ne s’agira pas de la première finale de la jeune femme âgée de 31 ans – elle avait disputé le dernier choc d’un événement tenu en février au Cabaret du Casino de Montréal –, mais c’est la première fois que toute la promotion d’un gala s’articule autour de sa présence.
 
« C’est une chose à laquelle je ne m’attendais définitivement pas, a confié Dicaire pendant un long entretien téléphonique avec RDS.ca la semaine dernière. À pareille date l’an dernier, j’en étais qu’à mon cinquième combat, et de dire qu’un an plus tard j’allais faire une finale et que toute la promotion serait faite autour de moi, je ne pensais pas vraiment que c’était possible.
 
« Quand on commence quelque chose comme une carrière de boxeuse professionnelle, on se dit que ça va finir par être le cas un jour ou l’autre, mais pas que ce soit rapide à ce point!
 
« Yvon [Michel] est un homme d’affaires et je ne pense pas qu’il me donnerait une finale simplement parce que je suis gentille et qu’il m’aime bien. Je pense qu’il est conscient que toutes les fois [que je monte dans le ring], la foule est vraiment très embarquée avec moi. »
 
Il faut d’ailleurs avoir assisté à un de ses combats pour réaliser à quel point les amateurs ont succombé à son charme et son style depuis son arrivé dans le paysage il y moins de deux ans. Mais pour une personne qui s’époumone à l’encourager, il y en a une autre quelque part qui ne peut pas s’empêcher d’y aller d’une remarque qui a heureusement de moins en moins sa place.
 
« Je dois reconnaître que je suis de plus en plus respectée, mais comme dans n’importe quoi d’autre dans la vie, il y a toujours des extrêmes, déplore Dicaire. Des fois, j’ai l’impression que j’ai droit à un accueil spécifique parce que je suis une femme et qu’on fait un peu plus attention.
 
« D’autres fois, il y a même des commentaires désobligeants de certains hommes qui ne connaissent pas le principe de l’égalité des sexes. Ils vont toujours regarder au-delà de la performance et y aller de commentaires à caractère sexuel qui sont vraiment déplacés. »
 
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Pour une athlète qui a été formée à l’école des arts martiaux où elle a toujours senti qu’elle était traitée de façon équitable par son professeur, le choc a été brutal malgré le fait qu’il était extrêmement prévisible. Son passé pas si lointain d’entrepreneure l’avait plutôt bien préparé.
 
« Quand j’ai ouvert mon école de karaté à 19 ans, j’étais très jeune et j’ai dû trimer dur pour aller gagner le respect des gens, se rappelle Dicaire. En même temps, je pense que le respect, c’est quelque chose qui se mérite et qui se gagne au fil du temps. Ce n’est pas possible de l’imposer.
 
« Ce n’est pas en manifestant que nous obtiendrons du respect et de l’égalité. C’est par les actions et les gestes que nous posons. Lorsque nous montrons que nous sommes compétents et que nous savons ce que nous faisons, je suis convaincu que le respect se gagne de lui-même. »
 
Cela dit, la quatrième aspirante au titre des super-mi-moyens du WBC est consciente que la marche vers la reconnaissance – auprès du public et de la presse sportive – est un combat de tous les instants et qu’il n’y a ultimement qu’une seule véritable manière de le remporter.
 
« Tout passe par les performances, avoue Dicaire. Le calibre en boxe féminine a vraiment augmenté au cours des dernières années, mais je ne cacherai pas que c’était un petit peu plus faible avant. En même temps, c’est un peu la réalité de pratiquement tous les sports féminins.
 
« Mais depuis quelques années, il y a vraiment une émergence des femmes. Les méthodes et les techniques d’entraînement sont de plus en plus équitables, alors que par le passé, c’était un peu mis de côté. Cela a évidemment eu des répercussions positives sur les performances et je suis même convaincue que dans quelques années, plus personne ne parlera de ces choses-là. »
 
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En écoutant Dicaire répondre avec aplomb aux questions qui lui ont été posées tout au long de l’entrevue, un constat émerge : ses convictions sont profondes et le message qu’elle souhaite véhiculer a été mûrement réfléchi et, sans l’ombre doute, façonné par un parcours atypique.
 
Un parcours semé d’embûches où les détracteurs ont été nombreux et parfois sans pitié.  
 
« C’est le facteur déterminant, confie celle qui a été élevée seule par sa mère. J’étais toujours la petite cousine un peu moins vite et forte, mais qui voulait donc suivre, donc être capable... On a tellement ri de moi en me disant que je n’étais pas capable et cela me fâchait chaque fois...
 
« Cette rage intérieure-là, je l’ai depuis mon enfance. Il y avait des gens dans mon entourage qui n’avait peut-être pas complètement mes intérêts à cœur à une certaine époque et lorsqu’ils essayaient de m’arrêter, je ne voulais que persévérer pour leur montrer qu’ils avaient tort. »
 
Cette volonté de fer l’avait particulièrement bien servie depuis toujours, mais à force de vouloir continuellement abattre les préjugés et les obstacles, elle s’est éloignée de l’essentiel. Dans une certaine mesure, elle regrette d’avoir continuellement cherché à défoncer toutes les portes.

« Ce sont des moments où j’aurais dû prendre un pas de recul afin d’aller dans une autre direction. J’ai fait des mauvais choix et après un changement d’équipe, je boxais uniquement pour montrer que j’allais réussir. Mon attitude par rapport à tout cela n’était pas la bonne. »
 
Mais le temps finit toujours par arranger les choses et quand on lui a dit qu’il était peut-être préférable de passer chez les super-mi-moyens après avoir passé l’essentiel de sa carrière chez les mi-moyens, elle a pris le temps de peser le pour et le contre avant d’adhérer au projet.
 
« À 147 livres, il y a une championne [Cecilia Braekhus] qui a unifié tous les titres et qui attire de 10 000 à 12 000 personnes par combat, précise Dicaire. Nous ne voulions pas arriver là-bas [en Norvège] sans aucune expérience en championnat du monde. En passant à la catégorie supérieure, cela nous permet d’aller chercher un, deux ou trois titres pour ensuite la défier.
 
« Avant, j’aurais dit non. J’aurais dit que même s’il y avait un mur de brique, j’essaierais de le passer avec ma tête. Maintenant, je suis capable de dire que c’est une bonne idée et que nous irons la chercher plus tard. Bref, de prendre un léger détour pour ensuite la retrouver. »
 
D’ici à ce qu’elle affronte éventuellement Braekhus, Dicaire s’affairera à mener un autre combat tout aussi – sinon encore plus – important : celui de changer les perceptions.