La course automobile au Canada : de 1901 aux Villeneuve
Course dimanche, 1 mai 2016. 07:53 lundi, 25 nov. 2024. 14:02On dit souvent que la course automobile a débuté lors de l’arrivée de la deuxième voiture, une image proche de la vérité. Tout a commencé au Canada dès 1870 avec de grandes courses de bicyclettes, auxquelles on a éventuellement ajouté un moteur et deux roues supplémentaires, en attendant que les autos de l’époque ne deviennent assez fiables et le réseau routier se développe assez pour tenir et... finir des courses inter cité.
Un certain S.F. Evans remporta la première course « d’endurance » dont on retrouve des traces, couvrant en 1901 les 60 km de Toronto à Hamilton en 3 h 20. Dès cette époque, les raids abondaient dans les régions de Toronto et de Winnipeg, et la première course en circuit fermé fut tenue à Winnipeg en 1901, remportée par une Ford de 12 ch.
Pete Henderson, de Fernie (CB), fit carrière aux États-Unis, sur les pistes en terre ou en bois à bord d’une Duesenberg officielle. Il termina même dans le Top 10 à Indianapolis en 1916 et 1920.
Entretemps, on courait à Toronto de 1913 à 1928 à l’Exposition nationale canadienne (CNE). Gaston Chevrolet, un de fondateurs de la marque, y avait même couru contre un avion en 1917.
Kay Petre
Durant cette période, la course automobile, surtout sur circuits routiers, gagnait en popularité en Angleterre. Une canadienne, née Kathleen Coad Defries (1903-1992), émigra et maria Henry Petre, un aviateur bien connu en Angleterre, et découvrit la course automobile.
Aussi rapide que presque tous les pilotes masculins de l’époque, Kay Petre signa plusieurs records de piste sur l’ovale hyper rapide de Brooklands, près de Londres, en plus de remporter plusieurs courses et rallyes en Europe. Elle participa même à trois Grand Prix en 1937, lors de la grande époque Mercedes – Auto-Union, terminant 6e au Grand Prix d’Afrique du Sud de 1937. Un accident mit un terme à sa carrière en fin 1937, la forçant à se tourner vers le design de voitures et le journalisme.
1945 à aujourd’hui
La course automobile reprit vie rapidement après la Seconde Guerre mondiale, avec un retour de courses hebdomadaires sur une multitude de pistes ovales locales, surtout en terre, partout en Amérique du Nord.
On vit aussi la naissance de courses sur circuits « routiers », où l’on pouvait admirer les performances de petites voitures sport qui arrivèrent au début des années 50s. On pense ici aux MG, Mini, Austin, Austin-Healey, DKW, Porsche et Volkswagen. Vinrent ensuite les Jaguar, Corvette, Ferrari, Maserati et Aston-Martin, toutes avec des moteurs à l’avant ou en porte-à-faux derrière l’essieu arrière, comme les Porsche et VW de l’époque.
On distingue deux volets aux courses d’après-guerre, d’abord des épreuves pour amateurs sur des pistes d’atterrissage hérités de la guerre et converties en circuits, puis des courses professionnelles sur des circuits permanents.
Les aéroports d’Edenvale (Ontario) de 1951 à 1959, et Abottsfield (BC) virent les premières courses de voitures sport, suivis par Netley (Manitoba) en 1955, St-Eugène (le « Connor Circuit » près de Rigaud) de 1957 à 1964, puis Harewood (près de Hamilton) de 1956 à 1970. Vint ensuite Gimli Motorsport Park (Manitoba) en 1972, où un Boeing 767 d’Air Canada en panne d’essence avait atterri moteurs éteints lors d’une course en 1983. Ces pistes lancèrent plusieurs carrières à tous les niveaux, en plus d’offrir des heures de plaisir pour un minimum de coûts.
On vit aussi des courses sur circuits temporaires, souvent sur une seule année, à Ottawa, Granby, Hamilton, Halifax, Vancouver et Sherbrooke (sur glace). À Halifax, les voitures Indy Light ne pouvaient négocier une épingle sur la rue trop étroite, forçant la voirie locale à ajouter de l’asphalte pour permettre aux voitures de rouler sur le trottoir, comme on le fait dans le virage Depailler à Trois-Rivières.
Le Grand Prix de Trois-Rivières mérite un chapitre à lui seul. Lancé en 1967, le tracé tournait alors dans le sens des aiguilles d’une montre, l’inverse d’aujourd’hui.
Le tracé tournait à droite où se trouve la fausse grille d’aujourd’hui, puis revenait vers le boulevard du Carmel derrière l’aréna, le Colisée, la porcherie (à l'époque) puis le stade de Baseball, tournant à droite au boulevard Du-Carmel puis dévalant la pente vers la Porte Duplessis. On complétait le tour de piste avec les virages 2 et 1 d’aujourd’hui.
Au fil des années, presque toutes les séries professionnelles américaines et canadiennes ont visité le circuit : Can-Am et Trans-Am, Formule B et Atlantic, Indy-Light, American Le Mans, NASCAR Canada Tire, World Challenge, Pro Mazda, Canadian Touring Car, Coupe Porsche Canada, Sportsman Québec, F1600, etc. Une épreuve du Championnat du Monde FIA Rallycross visite le circuit depuis 2014, un évènement exclusif en Amérique du Nord.
Nous y avons vu des pilotes de renom incluant des pilotes de F1 comme James Hunt, Patrick Depailler, Vittorio Brambilla, Jacques Laffitte et Patrick Tambay. On y vit aussi la crème des pilotes américains et canadiens comme George Follmer, Howdy Holmes, Bobby Rahal, Tom Klausler, Michael Andretti, Bill Brack et une ribambelle de pilotes qui adoraient venir chez nous. De nos jours, le Rallycross Mondial nous amène des champions du monde comme Petter Solberg (à sa 3e visite) et Sébastien Loeb qui en sera à sa première visite en 2016.
Parler du GP3R nous entraîne naturellement à parler de la Saga des trois Villeneuve, qui y ont chacun vécu de grands moments. Prenons le cas de Gilles, qui avait battu James Hunt, le champion du monde, puis était passé chez McLaren en F1 l’année suivante. Son frère Jacques nous a fait de multiples démonstrations de son talent d'équilibriste incroyable, avec son style de pilotage spectaculaire et son attitude totalement débridée.
Les deux frères ne connaissaient qu’une vitesse en piste : « À fond – toujours – partout ! » Gilles nous confiait que pour percer au niveau professionnel, il devait tout gagner à chaque présence en piste : courses, qualifications et essais, et sur la piste d’essai de Ferrari à Fiorano. On assistait à de grands moments à chacune de ses visites en piste.
Jacques fils, plus cérébral, faisait preuve de plus de retenue, avec un style plus coulé qui lui permettait de toujours tirer le maximum de ses voitures, surtout lorsque l'équipe réglait les voitures selon ses préférences. Rapides partout et sur tous les types de voitures, on se rappelle ses performances en Formule Atlantic au GP3R, en route vers la Série ChampCar, puis le titre mondial en F1.
En F1, le Grand Prix du Canada a alterné entre Mont-Tremblant et Mosport à compter de 1968 avant de trouver sa demeure permanente au Circuit Gilles Villeneuve en 1978, sur l’ile Notre-Dame en face de Montréal. Festival annuel apprécié des locaux comme des visiteurs et des industries impliquées venus des États-Unis ou d’Europe, notre Grand Prix demeure depuis toujours une des plus populaires par tous les participants.
La création des deux pistes permanentes de calibre mondial, Mosport en 1961 et le Circuit Mont-Tremblant en 1964, ont permis au sport de passer à un stage professionnel, organisant des courses de toutes les séries américaines et canadiennes d’importance, en plus d’attirer la F1 pendant quelques années, et la série NASCAR Camping World à Mosport de nos jours.
Le tracé du Mont-Tremblant rappelle Spa-Francorchamp, le plus beau circuit au monde. Le circuit a connu de grands moments à ses débuts, avec le lancement de la série Can-AM en 1966 et la tenue de plusieurs courses professionnelles à l’époque (USAC, Trans-Am, Grand-Am, F5000). De nos jours, le circuit se concentre sur des séries locales ou nationales, des écoles de pilotage et journées d’essais, et surtout, comme un de seulement deux circuits officiels « Ferrari » au monde.
Pour sa part, Mosport, maintenant appelé « Canadian Tire Motorsport Park » joue depuis le début la carte des courses professionnelles et complète ses activités avec des écoles de pilotage et journées d’essais.
Quelques autres circuits permanents s'ajoutent aux activités sportives : Sanair, St-Eustache, le Circuit Gilles-Villeneuve (pour le Grand Prix du Canada seulement), Shubenacadie (près de Halifax), Riverside (près de Québec), Shannonville (ON), Calgary, Edmonton, et Westwood (BC).
Bill Sadler
Bill Sadler, né à St-Catherine (ON) en 1931 est un pionnier de l’évolution de la voiture de course vers le moteur central, la configuration maintenant universelle de la F1600 à la F1 et aux Indy Car. Après ses premières expériences avec de petites voitures, il élabora la Formula Ferocious » , la première voiture équipée d’un V8 Chevrolet placé juste derrière le pilote, et d’une boîte maison à un seul puis deux rapports.
Pilotée par Dan Shaw, un ramoneur sans aucune peur, la voiture écrasait la concurrence en Formule Libre de l’époque. Sadler a aussi construit deux biplaces de course basées sur le concept de cette voiture, et pilotées par les meilleurs pilotes canadiens de l’époque : Bill Sadler, Peter Ryan, Dan Shaw et Grant Clark, tous chez l’Écurie Comstock de Toronto.
Retiré de la course, Sadler obtint une maitrise en Génie électronique de MIT et devint directeur du laboratoire de développement avancé de General Dynamics à San Diego. Maintenant à la retraire en Oregon où il bâtit des avions, l’irrépressible Bill prépare son retour en piste sur des voitures de sa conception.
Nos Étoiles
En plus de Kay Petre avant la guerre et les trois Villeneuve plus récemment, le Canada a produit une belle gamme de pilotes qui ont laissé leur marque chez nous comme à l’international.
Peter Ryan, originaire de Mont-Tremblant, démontrait le talent nécessaire pour se rendre en F1 lorsqu’un accident vint interrompre sa montée en 1962. Parmi nos meilleurs, on retrouve Paul Tracy, Greg Moore, John Cannon, John Cordts, Patrick Carpentier, Alex Tagliani, Richard Spénard, Ron Fellows, Scott Goodyear, Scott Maxwell, George Eaton, Kuno Wittmer, Bruno Spengler, Antoine L'Estage (Rallye), James Hinchcliffe, Pier-Luc Ouellette (champion du monde Karting), Robert Wickens et Paul Dalla’Lana.
Chez les jeunes prometteurs, on retrouve Lance Stroll, Kami Laliberté, Samantha Tan, Nick Wittmer, Patrick Dussault, Valérie Chiasson, Jesse Lazare, Nicholas Latifi, Alex Labbé, Alex Guénette parmi les meilleurs.
En séries NASCAR, aux États-Unis et au Canada, on retrouve Andrew Ranger, Jean-Paul Cabana, Cameron Healey, Earl Ross, Jean-François Dumoulin, Junior Hanley, Louis-Philippe Dumoulin, Scott Steckley, DJ Kennington, Jason Hathaway, Raphaël Lessard, et Kevin Lacroix.
Nos circuits
On compte un nombre surprenant de pistes actives au Canada en ce début de 2016 :
· 27 circuits routiers permanents
· 10 circuits routiers temporaires
· 31 ovales pavés
· 51 ovales en terre battue
Malgré les grandes distances et une densité de population des plus basses, la course automobile au Canada suit bien les hauts et les bas de notre économie, poussée par les passionnés que nous sommes et les étoiles que nous avons créées et suivies chez nous comme à travers le monde. Nous espérons tous l’arrivée en NASCAR Sprint et en F1 de nouveaux héros de chez nous pour redonner un autre gros coup à notre sport, comme l’ont fait les Villeneuve.