Du respect en attendant le succès
LNH jeudi, 21 mai 2015. 08:30 vendredi, 22 nov. 2024. 12:04Mike Babcock ne guidera pas les Maple Leafs à la coupe Stanley dès l’an prochain. Du moins ce serait surprenant. Très surprenant en fait.
À défaut de permettre aux Leafs et à leurs fans, car oui il leur en reste, de mettre fin à une disette qui s’éternise depuis 1967, Mike Babcock donne depuis la confirmation de son embauche par mon collègue Darren Dreger de TSN mercredi après-midi une dose massive de respect. Une dose plus que nécessaire tant cette organisation s’enlise dans la médiocrité depuis trop d’années.
Précédé à Toronto par des applaudissements des partisans enthousiastes, par de grandes annonces placardées sur le Air Canada Centre, Babcock entrera officiellement en fonction à 10 h 30 ce matin lors de la méga conférence de presse qui confirmera l’arrivée du sauveur. Je vous annonce en primeur que ce sera le délire. Un délire médiatique. Un délire collectif.
Est-ce que Babcock fera des Maple Leafs un club champion dès l’an prochain ? Non ! Le gars a beau être le meilleur coach de la LNH, il ne peut quand même pas faire du cristal avec de la cruche. Surtout qu’un coach a beau avoir toutes les qualités au monde, autant comme stratège que comme meneur d’hommes, ce n’est quand même pas lui qui est sur la patinoire pour respecter le plan de match, marquer des buts, encaisser des mises en échec ou effectuer des arrêts.
Il y a trois semaines à peine, Mike Babcock et toutes ses qualités n’ont pas été en mesure d’empêcher le Lightning de Tampa de remporter deux matchs de suite pour finalement éliminer les Red Wings de Detroit en première ronde.
La coupe non, les séries : oui
Pourquoi alors le faire rayonner du haut de la Tour du CN et surtout lui offrir un contrat de 50 millions $ répartis sur huit longues saisons ?
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Parce que les Maple Leafs, leurs fans et la ville de Toronto ont un urgent besoin de bonnes nouvelles. L’arrivée de Brendan Shanahan à titre de président a été la première bonne nouvelle depuis des années. L’embauche de Babcock par Shanahan est une bien meilleure nouvelle encore. En attendant que d’autres bonnes nouvelles se succèdent sur la patinoire, Babcock calmera les raz-de-marée de dérisions qui déferlent sur les Leafs depuis bien des années. De tous les commentaires assassins lus et relus sur les médias sociaux dans les heures qui ont suivi la nomination de Babcock, je n’ai pu m’empêcher de rire lorsque des fans lançaient en dérision que Babcock avait choisi Toronto pour passer plus de temps avec sa famille, pour s’offrir des vacances dorées avec son gros salaire et les congés hâtifs associés à l’exclusion annuelle des Leafs des séries éliminatoires…
À défaut de donner une coupe Stanley aux Leafs et à Toronto, on peut parier quelques huards que Babcock ramènera au moins cette équipe en séries l’an prochain. Ce qui serait une autre bonne nouvelle.
Les Leafs ont un meilleur club que leurs 32 revers (9-27-5) encaissés dans les 41 dernières parties de la saison le laissent croire. Ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas un tas de problèmes à régler : Dion Phaneuf peut-il vraiment être meilleur? Phil Kessel peut-il marquer des buts quand ça compte pour vrai. Qui est le véritable premier centre de cette équipe… s’il y en a un ? Jonathan Bernier peut-il assumer un rôle de gardien numéro un ? Où diable se situe la relève au sein de cette organisation ? Et bien d’autres questions cruciales dont les réponses sont loin d’être évidentes.
Mais même s’il devait hériter du même club qui a terminé la saison sur les genoux en avril dernier, Mike Babcock saura faire des Leafs un club capable de se rendre en séries. Parce qu’il est stratégiquement très fort, parce qu’il est redoutable et redouté dans sa gestion des joueurs et surtout parce qu’il semble toujours être en mesure de tirer le maximum des joueurs à sa disposition, Babcock rapprochera les Leafs du seuil de la respectabilité.
Le reste viendra ensuite.
C’est pour cette raison que Babcock a exigé autant d’années à son contrat et autant de millions en guise de filet de protection. Parce qu’il sait mieux que quiconque que s’il sera relativement facile de conduire les Leafs aux portes des séries, il faudra bien du temps pour faire de ce club une équipe susceptible de lutter avec le Lightning et les Rangers pour obtenir le droit de se rendre en finale de la coupe Stanley. Plus de temps encore pour ne pas devoir se contenter de faire acte de présence une fois en grande finale.
Le coach ou l’équipe ? La poule ou l’œuf ?
Mike Babcock a remporté 527 des 950 matchs de saison régulière qu’il a dirigés depuis son entrée dans la LNH. Il n’a perdu que 285 fois en temps réglementaire (119 revers en prolongation ou fusillade et 19 verdicts nuls).
En séries, il affiche 20 gains de plus que de défaites (82-62). Il a soulevé deux coupes Stanley, a guidé le Canada vers deux médailles d’or olympiques et une autre en Championnat du monde.
Des statistiques qui appuient les prétentions de ceux et celles qui le décorent aussi du titre de meilleur coach de hockey de son époque.
Est-ce qu’un coach peut faire gagner son équipe ou est-ce que c’est l’équipe et surtout un grand gardien qui font gagner leur coach ?
Comme le grand débat à savoir qui de l’œuf ou de la poule est arrivé en premier, celui du coach et de son club est difficile à résoudre avec certitude.
Ce qui est clair toutefois, c’est qu’un mauvais coach de hockey peut miner les chances de réussite d’une bonne équipe. Même d’une très bonne. À l’opposé, un bon coach de hockey peut maximiser le rendement d’un club honnête sans plus pour le rendre en séries et qui sait, l’aider à passer la première ronde des séries. Bob Hartley l’a d’ailleurs démontré avec éloquence cette année.
En conduisant des Red Wings à qui de très rares observateurs donnaient des chances d’y arriver en séries pour une 28e saison consécutive, dont les dix dernières saisons avec leur ancien coach derrière le banc, Mike Babcock a imité Hartley.
C’est pour cette raison qu’autant d’équipes le courtisaient avec des années en quantité et surtout des millions $ pour les égayer. Les Leafs ont fracassé tous les paramètres établis dans le monde du hockey pour s’assurer de mettre la main sur celui qui aura dès l’an prochain une pression similaire, voire supérieure, à celle avec laquelle Carey Price doit composer quotidiennement à Montréal à titre de gardien du Canadien.
En passant, les 50 millions donnés à Babcock ne feront pas seulement la joie du coach, de son épouse, leurs enfants, la famille élargie, l’université McGill son Alma Mater qui recevra sans l’ombre d’un doute un généreux don de son plus illustre ancien Redmen, mes excuses à Mathieu Darche, et peut-être quelques autres organismes de bienfaisance, ces 50 millions $ feront l’affaire de bien d’autres entraîneurs-chefs qui pourront se permettre d’être un brin ou deux plus exigeants lors de leurs prochaines négociations.
Ces 50 millions $ ne font certainement pas l’affaire des joueurs et de leur association puisque les sommes dépensées en salaire pour les coachs réduisent les revenus globaux des équipes, et donc de la Ligue, haussant du coup les montants que les joueurs doivent donner en fiducie à la LNH en cas de non-respect des projections budgétaires utilisées pour établir le plafond salarial.
Même si ce n’est pas tout à fait vrai, mais pas tout à fait faux non plus, les joueurs des Leafs contribueront au salaire de leur coach. Ils auront donc une raison de plus de lui en vouloir lorsque Babcock leur fera la vie dure l’an prochain et lors des sept saisons qui suivront. S’il se rend à la limite de son contrat.
Et Buffalo, San Jose, St.Louis ?
Si les Leafs ont offert 50 millions $ de bonnes raisons à Mike Babcock pour qu’il décide de préférer Toronto à Detroit, Buffalo, San Jose, St.Louis ou toute autre ville où il aurait pu se retrouver, je demeure un brin surpris par sa décision ultime.
Après l’élimination des Wings à Tampa il y a trois semaines à peine, Mike Babcock avait soulevé l’avenir des Wings après les départs des Datsyuk, Zetterberg et Kronwall comme principal point en litige dans sa décision de demeurer ou non à Detroit.
Cette préoccupation de Babcock était tout à fait normale et légitime.
Mais voilà : si les Wings sont passés maîtres dans l’art de repêcher et développer de jeunes joueurs de talent pour leur permettre de devenir des joueurs solides dans la LNH, on ne peut en dire autant des Leafs.
Même qu’au contraire des Wings, les Leafs repêchent mal, développent plus mal encore et sont passés maîtres dans l’art de gaspiller des millions $ avec des embauches très mal avisées au marché des joueurs autonomes.
Pourquoi alors préférer Toronto à Detroit ?
Vrai que le défi est énorme. Et que des gars de l’envergure de Mike Babcock carburent plus encore aux défis qu’aux millions $.
Mais le défi de rebâtir les Sabres de Buffalo était lui aussi des plus intéressants. Aussi riches, ou à peu près, que les Leafs, les Sabres ont de bien meilleurs joueurs autour de qui bâtir qu’on en retrouve à Toronto ; autant dans le vestiaire du grand club que dans celui du club-école. Et avec les millions déjà dépensés, gaspillés ?, sur des contrats qu’il sera difficile de refiler à d’autres clubs, il est loin d’être acquis que Brendan Shanahan pourra orchestrer des transactions qui auront autant d’impacts positifs sur son club que l’embauche de Babcock.
Les Blues forment une équipe sensationnelle qui n’a besoin que du bon coach pour lui permettre de se battre vraiment pour la coupe Stanley.
Les Sharks de San Jose aussi. Sans oublier les Red Wings qui semblent meilleurs que les Leafs au moins pour quelques années encore.
Pourquoi alors Toronto ? Pour 50 millions de beaux dollars ? Je veux bien croire que ça pèse lourd dans l’équation. Mais les 50 millions $ qu’il empochera au fil des huit prochaines saisons lui coûteront autant en critiques, maux de tête et autres conséquences néfastes si Babcock n’est pas en mesure de mener les Leafs jusqu’au bout.
Car ne vous trompez pas : avec un tel contrat en poche, Babcock n’a pas le choix. Il aura beau atteindre les séries huit ans de suite à compter de l’an prochain et se rendre en finale d’association et même grande finale, une, deux ou trois fois : s’il ne conduit pas les Leafs à la coupe, il n’aura pas relevé le défi qu’il a accepté en signant ce très riche contrat.
En attendant la coupe, Mike Babcock donne toute de suite une grosse dose de respect à une organisation qui en a grand besoin. Ça aidera les partisans à être patients.
Pour combien de temps…