Le printemps Halak, il y a 10 ans déjà
LNH mercredi, 15 avr. 2020. 11:48 mercredi, 15 avr. 2020. 13:34Le 11 février dernier, je suis à Boston, au centre d’entraînement des Bruins. J’attends Jaroslav Halak dans un petit local près du vestiaire principal. L’équipe bostonienne dispute un match au Canadien le lendemain et je dois faire une entrevue avec le gardien slovaque pour un documentaire que nous préparons à RDS sur les séries de 2010, qu’on surnomme avec justesse « Le printemps Halak. »
Il arrive, souriant, vêtu d’un chandail et d’un veston bleu, faisant ressortir ses grands yeux aux tons similaires.
« Tu veux me parler des séries de 2010? Vous ne l’avez jamais oublié n’est-ce pas? », me dit le sympathique gardien en prenant place devant la caméra. « Montréal restera toujours dans mon cœur. Je rencontre souvent des partisans du Canadien qui me rappellent ces bons moments à chaque fois » enchaine-t-il.
Comment oublier ce qu’il a accompli lors de ces séries 2010? Ce fut sans contredit l'une des plus belles performances en séries de la part d’un gardien du but du Tricolore sans avoir remporté la coupe Stanley!
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Revenons dans le temps. Le Canadien se qualifie pour les séries lors du dernier match de la saison régulière en récoltant un point dans une défaite en prolongation face aux Maple Leafs de Toronto. Il doit alors affronter en première ronde les récipiendaires du Trophée des Présidents, les Capitals de Washington. Ces derniers avaient récolté 121 points au cours de la saison. La tâche est colossale.
« L’esprit d’équipe était vraiment bon », se rappelle Halak. « Nous avions de bons vétérans (Gionta, Gomez, Cammalleri, Gill, Spacek, Moen) qui avaient de l’expérience en séries. Un de ces gars était vraiment extraordinaire pour moi. Il me parlait beaucoup, m’avait encouragé toute la saison et il était vraiment drôle, c’est Scott Gomez! Il était toujours de bonne humeur, faisait des blagues, détendait l’atmosphère. Avant les séries, il m’avait dit ‘amuse-toi et tente de gagner le premier match sur la route, c’est très important’ et c’est exactement ce que nous avons fait. Washington représentait la meilleure formation de la LNH. Nous avons gagné le premier match, mais perdu le second en prolongation. C’était une défaite difficile pour l’équipe et pour moi. Nous croyions que de retourner à la maison nous aiderait, mais finalement, on s’est retrouvé avec un déficit de 1-3 dans la série. Nous sommes donc retournés à Washington et nous n’avions plus rien à perdre. Nous avons eu un bon 5e match et toute la pression était maintenant sur les Capitals. Nous étions allés là pour tenter de voler un match. Nous avons eu beaucoup de plaisir! », précise-t-il avec un sourire.
Voler est le mot exact, mais particulièrement pour la partie suivante à Montréal. Ce 6e match est devenu mémorable. Halak a été magistral en réussissant pas moins de 53 arrêts pour permettre au Canadien de l’emporter 4-1 et de forcer la présentation d’un 7e match.
« Tu sais quoi? La seule chose qui me traversait l’esprit pendant le match c’est ‘Est-ce que ça va arrêter?’ », raconte Halak en riant.
« Les tirs venaient de partout. Ils n’arrêtaient pas et en plus les Caps avaient eu quelques avantages numériques que nous avions été en mesure de freiner. C’était irréel. Nos joueurs accomplissaient un travail phénoménal en désavantage numérique. Les gars bloquaient tellement de tirs. Les gens pensent que les gardiens sont fous, mais moi, je crois que ce sont les joueurs qui bloquent des tirs sans masque qui le sont », ajoute le cerbère.
Il enchaîne : « Ce 6e match était l’fun pour l’équipe et pour moi. Je donne beaucoup de crédit à mes coéquipiers. J’ai peut-être arrêté 53 des 54 tirs, mais combien de ceux-ci ont aussi été bloqués dans ce match? Les défenseurs, les attaquants, tous mes joueurs bloquaient des tirs! »
Puis Halak a une pensée pour Hal Gill.
« Ce gars-là était partout. Il étendait son gros gabarit (6’7’’) et bloquait des tirs. Parfois c’était difficile de voir la rondelle à travers lui, mais d’un autre côté, j’étais chanceux, car il était tellement gros que la rondelle trouvait parfois une façon de le frapper. Je me sentais mal pour lui après les matchs. Il bloquait des tirs avec ses jambes, ses chevilles, avec toutes les parties de son corps. »
Dans le 7e match, Halak bloquera 41 des 42 rondelles dirigées vers lui pour aider le CH à éliminer les Capitals et accéder à la 2e ronde face aux champions de la Coupe Stanley, les Penguins de Pittsburgh.
La popularité de Halak est alors à son comble! Les amateurs l’adorent, certains confectionnent même des panneaux de circulation avec le nom d’Halak en remplacement du mot ARRÊT!
« Je n’y prêtais pas trop d’attention, je tentais de me tenir loin des médias ou des sites internet, mais des amis m’envoyaient pleins de trucs me concernant. Quand les séries se sont terminées, j’ai vu à quel point les fans étaient créatifs dans leurs encouragements, j’ai vu les panneaux d’arrêts. Un de mes amis de Montréal m’en a envoyé un! »
Place maintenant à la série face aux Penguins qui ne s’amorce cependant pas très bien.
« Le premier match ne s’est pas bien passé. Nous n’avions eu que deux jours de repos entre les deux séries. Nous avons perdu (6-3) et je me suis fait retirer de la rencontre en 3e période. Je n’ai pas bien joué. Je devais retrouver ma concentration pour le 2e match et revenir plus fort, mais je savais que les gars reviendraient en force, car ils l’avaient fait en 1ere ronde », relate l’ancien gardien du Canadien.
Les deux équipes se sont échangé des victoires puis Halak, toujours aussi solide, et ses coéquipiers ont remporté les parties 6 et 7 pour éliminer l’équipe de Sidney Crosby, se qualifiant ainsi pour la finale d’association contre les Flyers de Philadelphie. Le conte de fées allait toutefois se terminer en 3e ronde avec une élimination en 5 rencontres.
« Les deux premières séries avaient été très exigeantes pour nous, alors nous sommes arrivés contre les Flyers sans énergie. En plus, ils jouaient un style de jeu très robuste. Ils nous ont constamment frappés et nous ne pouvions rivaliser avec leur robustesse », explique Halak avec honnêteté.
L’aventure de Jaroslav Halak avec le Canadien allait prendre fin trois semaines plus tard alors le DG Pierre Gauthier l’échange aux Blues de St Louis en retour des attaquants Lars Eller et Ian Schultzen.
« Sur le coup, j’étais sous le choc, car ça ne m’était jamais arrivé et je ne savais pas à quoi m’attendre. Ensuite, j’étais heureux d’avoir la chance de devenir le gardien numéro un pour une équipe de la LNH.
Il n’y a pas que Halak qui était sous le choc, plusieurs partisans du Canadien aussi. Sa popularité ne faisait aucun doute. Le fameux débat Price ou Halak engendrait de vives discussions sur les tribunes téléphoniques au Québec et plusieurs auraient préféré que le gardien choisi en 9e ronde au repêchage de 2003 demeure avec l’équipe.
« Montréal a une signification spéciale pour moi, car c’est la première équipe de la LNH pour laquelle j’ai eu la chance de jouer, c’est l’équipe qui m’a repêché. C’était spécial pour moi. On parle d’une formation qui a beaucoup d’histoire, des joueurs légendaires, une équipe qui a remporté plusieurs fois la coupe Stanley. Ça fait déjà 10 ans que je ne joue plus avec Montréal, mais à chaque fois que je vais en vacances avec ma famille, je croise des Montréalais. Ils commencent par me demander si c’est bien moi », raconte-t-il avec un large sourire. « Et là, ils me rappellent ces séries de 2010. On prend des selfies et on jase. Ils sont gentils. »
Quand j’ai appris à Halak que la performance de son 6e match face aux Capitals avait été voté le meilleur moment de la dernière décennie lors d’un sondage parmi les partisans de l’équipe, il a rougi.
« C’est incroyable que les gens aient encore en haute estime ce match. Je suis rempli de gratitude qu’ils aient voté pour moi. J’ai eu tellement de bons moments à Montréal. C’est juste dommage que nous n’ayons pu nous rendre en finale pour affronter Chicago. Nous avons essayé, nous avons donné tout ce que nous avions, mais ce ne fut pas suffisant. C’est ça le sport! », conclut Halak avec philosophie.
L’entrevue est terminée. Halak se lève, me serre la main, je lui demande : « Tu deviens joueur autonome sans compensation à la fin de la saison n’est-ce pas? » Il me répond par l’affirmative et voit tout de suite où je veux en venir…et il éclate de rire en quittant la salle.