Pas tous les jours qu'un jeune rêve d'être arbitre
LNH lundi, 16 nov. 2020. 08:50 lundi, 16 nov. 2020. 11:19MONTRÉAL – C’est un classique à l’école, un travail dans lequel vous devez choisir une personne qui vous inspire et lui poser des questions pour en apprendre davantage sur sa profession. Il y a quelques semaines, un jeune étudiant a sorti des sentiers battus. Il n’a pas contacté un astronaute, un enquêteur, un artiste ou un athlète, mais bien un arbitre de hockey !
François St-Laurent, qui a arbitré son premier match dans la LNH en 2005, est presque tombé en bas de sa chaise quand il a reçu ce courriel.
« J’étais sceptique au début. Il devait se mettre dans la peau d’une personne et il m’a choisi. Qui choisit un arbitre? Qui veut être un arbitre? Qui est assez fou? », a commenté St-Laurent qui a laissé de côté son filtre d’arbitre pour ce généreux entretien avec le RDS.ca.
« C’est bon signe, peut-être que les gens commencent à comprendre que c’est cool comme métier! Je suis sur la glace avec Connor McDavid et Sidney Crosby, ou bien Jack Eichel et Joe Thornton. Oui, il y a parfois des émotions qui grimpent et des désaccords, mais je travaille en relation avec eux », a-t-il enchaîné.
Les arbitres ne seront jamais populaires comme les grands noms du sport, mais il semble que la perception à leur égard soit de plus en plus positive. Chose certaine, le Québécois de 43 ans s’est assuré de répondre avec générosité à ce jeune aspirant.
« Il m’a envoyé des questions et j’ai retourné une vidéo, il fallait que je m’adresse à la classe. Je lui ai envoyé un chandail d’arbitre et je lui ai écrit un message qui disait ‘C’est le fun le hockey et que tu t’intéresses à l’arbitrage, mais sois surtout honnête avec les gens et continue de travailler fort à l’école’ », a décrit l’arbitre originaire de Greenfield Park.
Père de deux enfants, il sait bien que son message peut être porteur.
« J’ai un ado de 14 ans ici et c’est l’ère des mautadits TikTok. Quand on était jeunes, nos parents nous demandaient qui était notre idole et on était quasiment forcé d’en trouver un. Nos parents voulaient qu’on s’inspire de quelqu’un qui a travaillé fort pour que ça te motive à faire la même chose. Je trouve que ça manque à nos jeunes aujourd’hui. Si je peux lui donner une ou deux années de motivation, tant mieux et surtout pendant cette pandémie qui n’est pas facile pour eux », a exposé l’ancien gardien de but.
Avec humour, St-Laurent veut démontrer que c’est important pour les arbitres de se rapprocher des partisans dans la mesure du possible.
« On reçoit des messages via notre site (nhlofficials.com). Il y a une personne qui filtre les courriels. Sur les 10 000 reçus, elle va trier les 9999 disant qu’on n’est pas bons et elle va sortir celui qui veut entrer en contact avec l’arbitre 12 (Justin St-Pierre) parce qu’il a pris le temps de lancer une rondelle à mon fils l’autre soir à St. Louis. Ce jeune est revenu à la maison, il capote soudainement sur le hockey et il est prêt à travailler plus fort à l’école. On reçoit ce genre de messages assez souvent et on invite même des personnes à des matchs, ceux qui vivent des moments plus éprouvants », a-t-il témoigné.
Embauché par la LNH en 2003, St-Laurent a commencé à arbitrer vers l’âge de 15 ans et il réalise tout le chemin qu’il a parcouru grâce à ce métier qui exige des qualités d’équilibriste.
« J’ai appris que tu deviens une autre personne quand tu enfiles l’uniforme. Ça te force à faire des choses. Au début du secondaire, je n’étais pas capable de faire des exposés oraux, je venais les yeux plein d’eau, j’étais gêné et j’avais de la misère. Tu m’aurais dit ‘Un jour, tu parleras dans un micro devant 20 000 personnes. Tu sais qu’ils ne seront pas contents, mais tu vas annoncer une décision avec des millions de personnes à la télévision’. J’aurais dit que tu es tombé sur la tête », a confié l’arbitre qui porte le numéro 8 après avoir enfilé le 38 auparavant.
Des arbitres plus jeunes, mais plus en forme
St-Laurent a compris tout aussi rapidement qu’il aurait à composer avec des entraîneurs plus âgés à quelques exceptions près. Ce facteur peut paraître anodin de l’extérieur, mais il faut comprendre que le pouvoir décisionnel appartient au plus jeune, un contexte qui ne survient pas si souvent.
« Je devais aller au banc pour parler avec un adulte de 40-50 ans, un père qui te crie après comme s’il était en train de perdre sa maison alors qu’il aura tout oublié dans quelques heures après avoir mangé sa pizza », a-t-il d’abord lancé avant de faire un lien avec la LNH.
« C’est encore le cas à notre niveau et j’ai souvent dit que le problème, spécialement au hockey, c’est qu’il y a un aspect physique considérable pour les officiels. Les entraîneurs sont toujours plus vieux que nous. Si j’inverse la situation, c’est comme si je devais me faire gérer par des jeunes de 21-22 ans. Quand le jeune me dit qu’il a raison, ce n’est pas facile à accepter quand tu as un bien plus grand bagage de vie et d’expertise dans le hockey », a soutenu St-Laurent avec ouverture.
« Je pense à Claude Julien, il fait du hockey depuis bien plus longtemps que moi. Il a plus d’outils que moi et il est entouré de plein de ressources comparé à moi. Si le côté physique n’était pas nécessaire pour bien faire notre travail et qu’on pouvait arbitrer des gradins, peut-être que ce serait Bill McCreary ou Dan Koharski qui auraient à négocier avec Claude. Ils ont un niveau d’expérience semblable », a noté le volubile arbitre.
En même temps, St-Laurent identifie immédiatement la meilleure condition physique de sa confrérie pour expliquer que la qualité de l’arbitrage est plus élevée comme le soulignait Stéphane Quintal, la semaine dernière, à La Presse.
« La chose la plus difficile dans ce qu’on fait, ce n’est pas la portion du jugement, mais plutôt d’être capable de se placer dans la meilleure position pour prendre notre décision. Disons qu’on prend 100 personnes : des journalistes, des arbitres, des entraîneurs et des joueurs. Si on regarde tous la même reprise selon un angle optimal, on sera d’accord à 95% sur la majorité des séquences. Ce qui arrive, c’est que tu dois être capable de te placer dans cette meilleure position. Il faut pouvoir prévoir un peu l’action, avoir une meilleure lecture du jeu, posséder le physique et le patin pour te donner l’angle optimal », a-t-il mentionné.
« Le sport est devenu tellement rapide depuis 15 ans. On est dans une forme physique bien supérieure aux arbitres des années 1980 ou 1990. Mais, à cette époque, ils devaient beaucoup gérer les gros caractères. Il se disait des choses qui ne sont pas politiquement correctes ou acceptées socialement », a ajouté l’arbitre qui a franchi les 800 matchs dans le circuit Bettman.
Depuis quelques années, la LNH a procédé à un autre ajustement en se tournant vers des anciens joueurs pour amoindrir le fossé avec les entraîneurs et les dirigeants. St-Laurent y a vu du positif.
« Dans mon temps, on devait monter les rangs. Maintenant, l’accès est différent. Les entraîneurs devenaient frustrés du style ‘Il est bien gentil, mais tabarouette, on ne parle pas du tout le même langage’. Si on peut avoir plus d’arbitres qui ont joué à un certain niveau, ça peut donner une bonne impression aux joueurs et aux entraîneurs, ils sont plus réceptifs et ça donne une crédibilité », a conclu St-Laurent sur un sujet qui provoque différentes réactions.
Dans le deuxième volet de cette entrevue avec François St-Laurent, on se plongera dans la réalité particulière de la bulle des séries éliminatoires. Malgré des conditions peu évidentes, l'arbitre québécois retient surtout du positif.