Les soeurs Yastremska racontent leur fuite d'un pays sous les bombes
Tennis lundi, 28 févr. 2022. 15:48 vendredi, 22 nov. 2024. 12:08« Réveillées par les bombes »: Dayana Yastremska, 128e joueuse mondiale en double, et sa jeune soeur Ivanna, 15 ans, ont raconté lundi leur fuite d'Ukraine et leur joie de participer au tournoi WTA de Lyon, malgré une défaite au premier tour en double.
Les deux jeunes joueuses, qui ont bénéficié d'une invitation, se sont inclinées 6-2, 6-4 contre la paire hispano-suisse Garcia/Knoll, mais l'essentiel n'est pas là.
« Nous sommes heureuses d'avoir pu jouer le double ensemble et nous remercions la WTA et la direction du tournoi pour les invitations. Je suis fière de ma soeur mais en même temps, nous n'avions pas trop d'énergie avec ce qu'il se passe en Ukraine », a confié Dayana en conférence de presse.
À lire également
Celle qui avait atteint la 21e place mondiale en simple début 2020 avant de chuter au classement après une affaire de dopage dont elle a été blanchie huit mois plus tard, a reçu une invitation partie le 22 février, soit deux jours avant le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe.
En conférence de presse, Dayana Yastremska a été la seule à s'exprimer aux côtés de sa soeur qui portait sur les épaules le drapeau or et bleu ukrainien.
« Mercredi nous étions chez nous à Odessa (sud de l'Ukraine, NDLR). Nous passions du temps avec notre famille avant de faire ce long voyage vers Lyon avec mon père. La soirée était agréable mais le lendemain matin nous avons été réveillées par les bombes », a-t-elle raconté.
« Nous n'avons pas réalisé ni ne comprenions ce qu'il se passait. C'était dingue. Ce n'était ni un film, ni un jeu vidéo. Nous étions très choqués. Nous avons quitté l'appartement pour nous abriter dans le parking souterrain pendant que les bombes continuaient d'exploser », a ajouté la joueuse, confiant avoir passé trois nuits sans dormir.
« Nous avons fini à pied »
La joueuse de 21 ans a ensuite raconté son périple pour rejoindre la Roumanie après que son père, resté en Ukraine, a décidé de faire partir son épouse et ses deux filles.
« Le trajet a duré quatre heures pour rejoindre le Danube à la frontière roumaine. Nous avions peur des bombes ou de croiser des tanks russes. Il y avait une longue file de voitures à la frontière et nous avons fini à pied. C'est là que nous avons dit au revoir à nos parents car notre mère est finalement restée », a ajouté Dayana.
« De l'autre côté, après avoir passé les contrôles, les gens ont été gentils et nous ont donné à boire et à manger », raconte-t-elle. Et c'est de Bucarest qu'elles ont pu prendre un vol pour Lyon.
Les deux soeurs se disent aujourd'hui tristes d'avoir laissé leur famille dans un pays en guerre, mais soulagées de se trouver en France. Une nouvelle vie commence.
« J'ai 21 ans et j'étais habituée auparavant à voyager avec ma mère ou mon père qui contrôlaient tout, d'une bonne manière. C'était facile mais aujourd'hui, c'est l'inverse et plus compliqué. Pour l'instant, Ivanna va venir avec moi et j'ai une énorme responsabilité. Je suis fière d'elle. Elle débute tout juste dans le tennis professionnel », explique Dayana.
La cadette des soeurs Yastremska n'a pour l'heure disputé que quatre matches, tous perdus, sur le circuit ITF Juniors.
Pour Dayana, l'objectif est de faire du mieux possible sur le circuit, et au tournoi de Lyon. Elle doit encore jouer en simple mardi contre la Roumaine Ana Bogdan.
« Je ne peux me concentrer totalement sur le tennis mais ce qui me motive le plus, c'est mon pays et ses habitants qui cherchent à sauver leur vie. Je veux voir pour notre futur à toutes les deux », a-t-elle ajouté, souhaitant pour cela « retrouver (s)on niveau ».
« Nous voulions l'aider dans son ambition de remonter au classement afin qu'elle puisse entrer plus facilement dans les tournois », détaille Pascal Biojout, directeur du tournoi de Lyon, un WTA 250.
« Depuis les événements, un élan semble naître autour d'elle et Dayana pourrait obtenir une invitation à Indian Wells (un tournoi classé dans la catégorie WTA 1000, NDLR). En général, les joueuses ou joueurs se sentent redevables de ce type de gestes et nous espérons qu'elle reviendra l'année prochaine. »