En 1986, je n’étais pas très grand. Haut de trois pommes, tout au plus.

J’avais sept ans.

Et pourtant, je me souviens très bien de cette soirée-là.

J’étais couché sur le sol, affublé de mon chandail préféré, et je regardais le match. De temps en temps, mes yeux avides et curieux bifurquaient de la télé vers mon père, qui lui-aussi regardait la partie.

Je ne réalisais pas à cette époque à quel point le Canadien de Montréal pouvait être important pour nous, Québécois.

Je ne comprenais pas tout à fait pourquoi mon père était à ce point obnubilé par ce qui ce tramait devant le petit écran. Et pourtant, je le sentais si préoccupé. Réagissant aux moindres sursauts de la rondelle. Aux moindres soubresauts du match.

_Aux aguets._

Mais pourquoi? N’étais-ce pas qu’une simple joute sportive? Une simple partie de hockey?

À chaque fois que Montréal marquait un but, mes yeux se tournaient à nouveau vers mon père. J’anticipais ce qu’il allait faire avec grande émotion. Allait-il crier?

Lorsqu’il le faisait, je criais dès lors moi-aussi.

Un grand « Et le but! » à l’unisson.

*N’est-ce pas comme ça que se forgent les plus belles histoires d’amour?

D’une toute simple façon?*

_« [… Et ce sera la victoire des Canadiens! Coupe Stanley pour les Canadiens! Leur vingt-troisième de l’Histoire. Et ils battent un record du sport professionnel… »_

Malheureusement, je n’étais pas destiné à entendre le reste de cette acclamation de Richard Garneau. Mon père explosa littéralement de joie, et moi, si joyeux et confus à la fois; en fit autant.

_« On-a-gagné-on-a-gagné-on-a-gagné! »_

Je regardais mon père, qui bondissait de bonheur. Ses yeux brillaient. Il souriait.

Certes non, je ne réalisais pas ce qui venait de se produire. Mais j’étais désormais conquis. Mon père m’avais conquis. J’étais désormais un Canadien.

Et puis, vous savez…

*N’est-ce pas comme ça que se forment les plus belles passions?

D’une toute simple façon?*